On ne peut que se féliciter du fait que Marie-Arlette Carlotti, nouvelle ministre chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, ait pris la décision de rendre public un document que le précédent gouvernement avait préféré taire à la veille des élections présidentielles, eu égard à son contenu, afin de ne pas susciter le mécontentement des personnes concernées. Mais il ne faudrait pas qu’au prétexte d’avoir été escamoté par ses commanditaires, ce « Rapport sur les modalités de l’application des règles d’accessibilité du cadre bâti pour les personnes handicapées » soit pris pour argent comptant du seul fait de l’alternance politique et devienne l’unique base des corrections à apporter à la règlementation « accessibilité », car d’évidence il ne peut y prétendre.
Personne ne contestera que ce rapport ne doit d’exister qu’au vide règlementaire ouvert par les censures du Conseil d’Etat et du Conseil Constitutionnel sur l’introduction de dérogations à l’accessibilité des constructions neuves. En demandant, et obtenant, le Droit de ces plus hautes instances juridictionnelles, l’ANPIHM avait clairement manifesté son intérêt à la mise en accessibilité de la cité et, à fortiori, démontré sa compétence à appréhender cette problématique. Or, elle fut soigneusement tenue à l’écart du processus de concertation. On en comprend mieux la raison à la lecture de ce rapport.
Tout cela ne serait que péripétie si la Mission des rapporteurs avait répondu aux questions précises qui lui étaient posées en ce qui concerne les mesures de substitution à l’inaccessibilité et la comparaison de la règlementation française à celles des pays européens. Mais faute d’avoir entendu l’ANPIHM, ni seulement relayé son inventaire maintes fois affirmé, ce rapport n’apporte aucune des réponses nécessaires à des situations inacceptables. Qu’il s’agisse des dispositions de la règlementation qui exposent les usagers en fauteuil roulant à des risques inadmissibles dans les sas des parkings des Etablissements Recevant du Public et des Bâtiments d’Habitation Collectifs. Qui inventent, en malmenant au passage les règles de l’art, des escaliers privatifs dits « adaptés » plus dangereux que des escaliers conventionnels alors qu’on déplore annuellement 9.000 chutes mortelles dans l’habitat. Qui prétendent « adapté » un appartement duplex ou une maison individuelle nouvelle dans laquelle un usager ne pouvant gravir un escalier sera condamné à dormir sur un canapé dans un séjour ouvert sur une cuisine et ne disposera, pour sa toilette, que d’un lavabo dans le cabinet d’aisance !
Quant à la date-butoir de 2015, dont chacun constate enfin qu’elle ne pourra être respectée, plutôt que de pousser des cris d’orfraie et d’indignation hypocrite, il serait préférable d’exiger et de se donner les moyens d’obtenir que le processus de mise en accessibilité ne soit pas reporté devant cette constatation de bon sens, et que tout retard apporté à la mise en oeuvre de ce processus sera pénalement et financièrement condamnable. Mais sur ce point comme sur les insuffisances de la loi du 11 février 2005 en matière d’accessibilité du cadre bâti, encore faudrait-il décider de reprendre le texte législatif, cette fois sur de bonnes bases : Madame la Ministre, la balle est dans votre camp…
Vincent Assante et Christian François,
administrateurs de l’ANPIHM, septembre 2012.