Tous les motards le savent, il est théoriquement impossible de faire de la moto sans side-car lorsque l’on n’a pas l’usage de ses jambes. Tous sauf un, Stéphane Paulus, trentenaire qui vient de participer à deux courses en catégorie Monster race au guidon d’une 1.000 cm³ à deux roues seulement. « Après mon accident de 2003, je n’aurais jamais imaginé reprendre la compétition sur piste, explique-t-il. Alors j’ai repris la moto sur route, avec des amis. Mais il y avait des risques, des restrictions, j’ai laissé tomber. »
C’est la pratique du quad qui lui a redonné l’envie de courir sur une moto deux roues, en concevant une béquille stabilisatrice motorisée commandée depuis le guidon : « J’ai fait homologuer mon système mais je n’en fais pas une référence pour les paraplégiques. Je ne veux pas le mettre en avant, parce que chacun est différent, a ses propres capacités. Je ne veux pas donner de faux espoirs. » La première béquille qu’il a élaborée ne lui a pas donné entièrement satisfaction : dans les virages, que les motards prennent en se penchant jusqu’à toucher le bitume du genou, elle accrochait le sol et a fini par casser. Il travaille actuellement à l’élaboration d’une seconde version de cette béquille qui se rétractera suffisamment pour ne plus être en saillie. Et afin de maîtriser l’évolution de cette invention, Stéphane Paulus a déposé un brevet sans toutefois envisager une commercialisation forcément hypothétique, le marché de la béquille stabilisatrice motorisée pour moto de compétition étant plutôt restreint…
Mais sa grande victoire, c’est de retrouver les sensations du pilotage sur deux roues d’une moto sportive, après avoir vaincu le scepticisme des autorités régissant ce sport mécanique. Après une première course sur le circuit du Val de Vienne (86) début septembre 2012, interrompue dès le premier tour du fait d’un accident mortel, il a pu exprimer toutes ses qualités quelques semaines plus tard sur le circuit Carole à Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis), ratant de peu le podium : « J’ai fini cinquième, c’était une super course sans incident ni arrêt, je suis encore sur un nuage. » 5e, alors qu’il était parti en 21e et dernière position sur la grille de départ !
En effet, la nouvelle béquille stabilisatrice n’étant pas encore opérationnelle Stéphane Paulus est obligé de prendre le départ en étant maintenu verticalement par ses mécaniciens. Mais ce dont il est particulièrement fier, c’est de ses performances lors des deux essais qualificatifs, obtenant le 5e temps lors de la première séance puis le 3e au terme de la seconde. Des résultats qui en feront un concurrent redoutable dès qu’il aura pu finaliser l’équipement qui lui assurera un départ en autonomie, placé sur la grille de départ en fonction du temps obtenu lors des essais de qualification et non plus renvoyé en dernière position.
Parce que pour le reste, Stéphane Paulus court à égalité avec les autres motards : il utilise une moto sportive sans selle adaptée et à boîte de vitesse manuelle, les commandes d’embrayage et de freins étant simplement actionnées depuis le guidon. « La nouvelle béquille stabilisatrice permettra de rouler en compétition sans altération de la moto. On y travaille depuis six mois, ça coûte un peu de matériel et beaucoup d’heures de travail. »
Si Stéphane Paulus est satisfait par sa course sur le circuit Carole, la dernière de la saison, il n’est pas encore assuré de disposer des moyens de courir lors de la prochaine saison sportive, il lui reste à convaincre ses actuels sponsors de continuer à le soutenir et d’autres de les rejoindre. Et s’il est heureux de retrouver les sensations du motard d’avant l’accident, il demeure très prudent quant à la popularisation de la conduite sur deux roues sans l’usage des jambes, en se remémorant les incidents qu’il a vécus sur route. Stéphane Paulus, le motard qui recule les frontières de l’impossible ?
Laurent Lejard, octobre 2012.