Question : Vous présentez un spectacle étonnant, la quête de la Toison d’Or. Qu’est-ce qui vous a conduit à présenter ce conte en public ?
Gérard Probst : C’est une histoire qui est tellement belle ! Pour moi, la quête de la Toison d’Or c’est la quête de soi-même, la conquête de l’or que chacun possède en soi. Pouvoir la jouer pendant les Jeux Paralympiques, avec des athlètes merveilleux, c’est un grand moment pour moi de pouvoir essayer d’être à leur hauteur sur ma chaise et de raconter une histoire qui embarque tout le monde. Chacun recherche toujours, en tout cas je l’espère, une quête intérieure et cette histoire la reflète vraiment.
Question : Pourquoi exposer cette quête intérieure ? Qu’est ce qui vous a conduit à conter ?
Gérard Probst : Mon cheminement. Tout au début, j’étais ingénieur en travaux publics et passionné de théâtre depuis très longtemps. J’ai travaillé trois ans dans un bureau de travaux publics à l’Établissement public pour l’aménagement de La Défense, et le soir je courais au Cours Simon pour prendre des cours de théâtre. Au bout de trois ans, je suis parti au service militaire, j’ai réussi à me faire réformer après deux mois et j’ai continué les cours : c’était 1968, il y a eu les manifs, j’étais passionné de théâtre, j’ai commencé à décrocher mes premiers contrats et je suis devenu comédien professionnel. J’ai eu la chance de travailler avec quelqu’un qui m’a amené au Théâtre du Nord-Ouest, Véronique Daniel, elle connaissait très bien le directeur Jean-Luc Jeener et nous sommes partis avec elle et son compagnon Thierry Heckendorn en Nouvelle-Calédonie jouer des spectacles pour les jeunes.
Nous sommes partis aussi à Tahiti puis en Afrique jouer des spectacles et organiser des stages pour les comédiens africains qui manquaient de formateurs. A un moment je suis rentré et j’ai décidé de diriger des stages de communication pour gagner ma vie, parce que comédien c’est un métier qui est très difficile, et donc concilier des stages de formation et le théâtre c’était quand même assez difficile. En théâtre, on doit répéter pendant un mois un spectacle et être disponible en même temps que les autres comédiens, donc j’ai laissé un peu de côté mon métier de comédien pour m’intéresser au conte ; je me disais « tu es tout seul et tu peux trouver des dates qui vont se concilier avec tes stages. » J’ai été formé par Bruno de La Salle et Henri Gougaud qui sont des maîtres dans l’art du conte, et de l’épopée pour Bruno de La Salle. Quand j’ai pris ma retraite, je suis allé dans les écoles de façon bénévole et je contais plus d’une centaine de fois par an dans les classes. C’était une action formidable et en même temps je jouais en tant que professionnel mes spectacles de contes.
Question : Comment vous avez concilié cette activité avec le handicap moteur qui vous limite dans les mouvements et l’expression ?
Gérard Probst : C’est un hasard, il y a des hasards de la vie qui sont vraiment extraordinaires. J’ai eu cet accident il y a trois ans et demi, je suis tombé dans un escalier, donc je suis paralysé des jambes et des doigts, et j’avais à l’époque déjà commencé à travailler sur la Toison d’Or. Je fais partie d’une association qui s’appelle l’Age d’or de France et on présente trois fois par an des spectacles pour les copains et les amis des copains ; j’ai présenté la Toison d’Or, ils m’ont dit « c’est formidable ton truc ! » Dans la salle il y avait Véronique Daniel qui a adoré le spectacle, son mari aussi, elle a parlé au directeur du Théâtre du Nord-Ouest et il a eu la gentillesse de me faire confiance. Je suis tellement ravi, c’est sûr que j’ai un handicap, mais on est beaucoup, 15% de la population font partie des gens qui ont des handicaps et donc je fais partie des 15%. Les contes nous enseignent que chacun a une petite richesse et cette richesse-là, il doit la partager absolument avec les autres. Par exemple, un conte de Grimm qui s’appelle Le tambour où il y a des charbonniers qui ont un chapeau magique, qui l’ont mis de côté, ils ne s’en servent pas ; eh bien quelqu’un leur pique le chapeau pour qu’il reste vivant et que la vie avance !
Question : C’est ça le conte, faire avancer la vie ?
Gérard Probst : Oui ! Le postulat du conte, c’est que la vie a besoin de nous pour avancer et donc on doit servir la vie pour que la vie avance, et le mieux possible, à travers toutes les choses dramatiques qui se passent autour de nous. Il faut essayer de cultiver son jardin et d’apporter le peu de richesse, le petit grain de richesse qu’on a, de l’apporter pour les autres et de la partager. Et puis en même temps ce spectacle, c’est un grand bonheur pour moi de pouvoir le jouer !
Propos recueillis par Laurent Lejard, septembre 2024.
La Quête de la Toison d’Or est représentée les mardis à 18h30 au Théâtre du Nord-Ouest (13 rue du Faubourg Montmartre à Paris 9e) jusqu’au 31 décembre 2024, détails en Agenda.