Inaugurés officiellement le 4 juillet dernier, les 17 Quartiers d’Accessibilité Augmentée (QAA) créés par la municipalité parisienne sont-ils réellement opérationnels ? C’est ce que l’on a voulu constater dans le 5e arrondissement en compagnie d’Anne Biraben, conseillère d’arrondissement et de Paris du groupe Changer Paris.
Dans son arrondissement, le QAA n’intègre que 9 établissements recevant du public dont 3 dédiés à la petite enfance, et c’est devant l’entrée commune du Centre sportif et de la crèche du 39bis rue Poliveau que commence la visite : le premier est fermé au public pour cause de réquisition municipale afin d’héberger des migrants, ce qu’apprend sur place Madame Biraben, la seconde est desservie par un escalier et un ascenseur extérieur dont la commande d’appel avec interphone est hors service. Le second interphone, au sommet d’un escalier, fonctionne : une employée aboie qu’elle ne recevra ni journaliste ni conseillère de Paris, on ne saura donc pas si la commande d’ascenseur est en panne ou durablement désactivée…
« Mon sentiment est que les choses sont totalement inachevées, commente Anne Biraben. Avoir trois marches à monter pour accéder à l’interphone et demander d’actionner l’ascenseur, évidemment on n’est pas du tout dans un Quartier d’Accessibilité Augmentée parce qu’il faut être au moins deux quand vous êtes à mobilité réduite. » La crèche municipale Poliveau n’est donc pas accessible en autonomie à un parent handicapé moteur, malgré le panneau « Quartier d’accessibilité augmentée parcours prioritaire Cet établissement est accessible. » Quant aux sportifs handicapés, c’est le centre sportif désigné accessible par le même panneau qui leur est provisoirement interdit alors que l’accessibilité des plus proches ne leur est pas garantie. Le propos n’est pas de contester l’affectation d’un gymnase pour une opération d’hébergement d’urgence, mais de pointer que c’est celui de l’accessibilité augmentée qui est réquisitionné.
Sur l’autre trottoir, l’accueil à la crèche familiale du numéro 38 est nettement plus convivial et l’accessibilité au rendez-vous. « On a pu tester, justifie Anne Biraben. Cet établissement est réellement accessible, d’une part parce que l’interphone fonctionne, d’autre part parce que la porte s’ouvre sur un plain-pied, évidemment ce sera plus facile que de passer 3 marches. Il n’y a aucune objection à ce qu’un parent à mobilité réduite puisse bénéficier de cette crèche familiale. » Bilan : située l’une en face de l’autre, la municipale est interdite et la familiale autorisée, le choix des parents handicapés sera tout fait… quand il y en aura, ce qui n’est actuellement pas le cas précise sa responsable.
A quelques pas de là, le centre de Protection Maternelle et Infantile est lui aussi aisément accessible, malgré une porte un peu lourde. « Tout fonctionne, relève Anne Biraben, et en plus on a reçu un accueil absolument formidable qui nous a permis de visiter les lieux. » Derrière la porte d’entrée, un guidage podotactile conduit au bureau d’accueil, et les toilettes sont adaptées. Anne Biraben n’a toutefois pas remarqué que les personnes de petite taille sont limitées dans leur autonomie par le positionnement à au moins 1,60 mètre de hauteur des poignées de porte, tout juste manoeuvrables depuis un fauteuil roulant (ce point, qui n’est pas un détail, a également échappé aux employés municipaux qui ont élaboré le QAA). Mais elle signale néanmoins un oubli remarquable : « Il manque le macaron qui signale l’accessibilité augmentée. »
On quitte la rue Poliveau, célèbre grâce à une scène truculente du film La traversée de Paris, pour se rendre à la prochaine étape du parcours prioritaire, au 36 rue Geoffroy Saint-Hilaire, l’une des entrées du Jardin des Plantes et conduisant par un parvis dallé à la spectaculaire Grande Galerie de l’Evolution du Muséum national d’histoire naturelle. Propriété de la Nation, ces lieux dépendent de l’État, non de la ville de Paris qui proclame pourtant : « Les quartiers hyper accessible sont des « zones d’exemplarité » permettant à toute personne, quelle que soit sa situation (familles avec poussettes, personnes âgées, personnes en situation de handicap…), de se déplacer facilement à Paris et d’avoir accès aux services municipaux. » L’inclusion de 3 établissements nationaux constitue l’autre particularité du QAA du 5e arrondissement qui a été élaboré par la mairie centrale, sans qu’Anne Biraben ait connaissance d’une concertation avec sa mairie d’arrondissement.
En tous cas, ce n’est pas du fait de l’action municipale que le Jardin des Plantes et le Muséum sont accessibles en autonomie (à l’exception de la galerie de paléontologie), de même que ses Bibliothèques du 38 rue Geoffroy Saint-Hilaire dont l’une présente un magnifique cabinet de curiosités, et une autre les fameux Globes de Coronelli. « La bibliothèque est d’accessibilité augmentée d’après la ville de Paris, commente Anne Biraben, pourtant ça semble un peu plus compliqué. Autant l’accès est à peu près faisable en rez-de-chaussée, mais il y a à la fois un ascenseur en panne depuis une semaine, et également un autre tout petit ascenseur qui permet d’accéder à une plate-forme manifestement condamnée en ce moment. Donc accessible en rez-de-chaussée, mais pas au-delà. » Et l’élue municipale est étonnée de l’inclusion sans préavis de ces sites dans le QAA de son arrondissement : « Je ne sais pas qui ne parle pas avec le Muséum national d’histoire naturelle, mais ce serait intéressant que la mairie de Paris puisse parler directement avec les établissements auxquels elle veut donner le macaron d’accessibilité augmentée. »
Restent deux ERP situés sur le parcours dit prioritaire mais hors du périmètre du QAA : l’église Saint-Médard (141 rue Mouffetard, à 700 mètres du Muséum) d’accès aisé et qui est équipée d’une boucle magnétique, et l’école élémentaire Élie Buzyn (250 Bis rue Saint-Jacques) à 1,3km à pied, non visitée compte-tenu de l’heure avancée. Et on n’a pas remarqué d’amélioration de la circulation piétonne au long du 1,2 km parcouru sur les 2,3km que compte le parcours dit prioritaire, pas même pour le passage protégé (chaussée bombée) de la rue Buffon vers la rue Geoffroy Saint-Hilaire. Après la visite, en février dernier, de celui du 6e arrondissement, on ne peut que constater à quel point les quartiers hyper accessibles ne le sont guère !
Laurent Lejard, octobre 2024.