A la fin de l’année 2004, un jeune homme a été écrasé par un ensemble routier (semi-remorque) de 17 tonnes. Son bassin était coincé sous l’essieu du camion, et il a été tiré sur plusieurs mètres avant que le chauffeur se ne rende compte de l’accident. Ce polytraumatisme gravissime comprend notamment un écrasement du bassin, une amputation de la jambe et de multiples fractures. Dès les premiers jours suivant l’accident, sa famille faisait appel à un avocat spécialisé pour défendre ses droits, car elle avait peur que l’on minimise le dommage corporel de la victime, en raison de sa situation particulière, car il était drogué, sans travail et sans domicile fixe au moment des faits. En effet, dans une situation aussi précaire, les compagnies d’assurances n’hésitent pas à minimiser l’évaluation du dommage corporel sous prétexte que la vie de la victime ne valait en quelque sorte pas grand-chose.
L’avocat spécialisé accepta cette défense et se rendit au chevet de son client dans le plus illustre hôpital de la capitale, qui lui a sauvé la vie en osant de multiples interventions chirurgicales pour arriver à un miracle. Ce jeune homme était faible, il voulait vivre, il voulait être défendu et reconnu. Ses mutilations étaient telles que son corps était à peine visible. Le lien de confiance entre la victime et l’avocat spécialisé s’était fait immédiatement, bien que l’endroit ne soit pas propice aux confidences. L’avocat lui promit de faire tout son possible pour défendre ses droits jusqu’au bout.
Après plusieurs interventions chirurgicales, la victime quittait l’hôpital pour un centre de rééducation situé dans un autre hôpital tout aussi prestigieux, qui effectua une rééducation consciencieuse et efficace. Le jeune homme retourna à son domicile trois ans plus tard, gravement handicapé, mais ayant acquis une force intérieure qui lui permit de se détacher de la drogue et d’envisager une nouvelle vie.
C’est ainsi qu’en mai 2005, l’avocat spécialisé faisait désigner par le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris un expert judicaire pour évaluer le dommage corporel de son client et obtenait une première provision de 50.000€. L’expert Judiciaire spécialiste en orthopédie organisa plusieurs rendez-vous et désigna deux sapiteurs, un médecin urologue et un médecin neuropsychologue. La victime était toujours assistée durant les réunions d’expertises par son avocat spécialisé et son médecin-conseil de victimes. Cette assistance était essentielle, les compagnies d’assurances et leurs médecins-conseils étant eux-mêmes présents, pour défendre leurs intérêts.
Par ailleurs, en septembre 2007, à la demande de son avocat, un rapport technique était également initié pour l’évaluation des besoins en logement et véhicule adaptés, ainsi que pour les aides techniques. En mai 2009, la victime, qui faisait l’objet d’une mesure de protection, une curatelle renforcée, vit celle-ci levée par le juge des tutelles, car malgré son passé et son handicap, cette victime avait su faire appel à sa force de caractère pour supporter une telle épreuve et dirigeait désormais seule sa vie. En mai 2009 également, l’expert judiciaire et les deux sapiteurs déposaient leur rapport, et leurs conclusions étaient notamment les suivantes : IPP 88 % – Préjudice professionnel majeur – Tierce personne : « 8 heures par jour, soit 1/3 de plein temps 7/7 ».
L’avocat de la victime et son médecin-conseil avaient tout au long de l’expertise contesté l’évaluation de l’expert judicaire au titre de la tierce personne. Or les besoins en tierce personne devaient être mieux évalués, et des dires en ce sens furent adressés à l’expert judicaire. Le dossier était en l’état. Ainsi en 2010, l’avocat spécialisé assignait les défendeurs et leurs compagnies d’assurances devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, pour obtenir réparation de l’entier dommage de son client. L’avocat avait obtenu entre temps pour son client de nouvelles provisions pour un montant total de 300.000€.
Devant le Tribunal, les défendeurs ne manquèrent pas de rappeler « le passé de la victime » pour minimiser son dommage corporel et tout spécialement les chefs de préjudices suivants : la tierce personne – le préjudice professionnel – le préjudice d’agrément. D’importantes et longues conclusions et de nombreuses pièces furent échangées devant le tribunal entre les parties. La compagnie d’assurance du responsable refusait de régler les sommes demandées par l’avocat spécialisé pour son client au titre de la réparation de son dommage corporel. Le désaccord portait également sur l’application du barème de capitalisation, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice d’agrément, le doublement des intérêts et surtout, l’avocat de la victime contestait « les prétendues antécédents de la vie de son client », qui ne devaient en aucun cas minimiser son dommage corporel. Par ailleurs, l’avocat spécialisé contestait les conclusions de l’expert judiciaires et des compagnies d’assurances et sollicitait du Tribunal des besoins en tierce personne plus important et mieux évalués. La dernière offre indemnitaire des compagnies d’assurances, après amples discussions devant le Tribunal, était en capital de 537.000€ assortie d’une rente trimestrielle et viagère de 9.600€, soit la somme de 3.200€ par mois au titre de la tierce personne.
L’audience de plaidoiries en mars 2011 permit à l’avocat spécialisé de plaider longuement les demandes de son client et faire valoir que tout un chacun à un passé qui lui est propre, mais personne n’a le droit de préjuger de son avenir. Chacun a le droit de connaitre des moments difficiles, qui n’a pas vécu, puis de trouver un équilibre et la force de se reconstruire. Un volumineux dossier de plaidoiries fut remis au tribunal.
Par jugement définitif rendu en avril 2011, la 19e Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris donnait enfin gain de cause à la victime et lui allouait un capital de 1.320.000€ auquel s’ajoutait une somme capitalisée de 1.780.800€ pour la rente viagère au titre de la tierce personne, évaluée à la somme de 18.450€ par trimestre, soit 6.150€ par mois, donc plus du double de la dernière offre de la compagnie d’assurances. Le logement et le véhicule adaptés ont été réservés. Il faut retenir que le Tribunal a fait droit également à l’argumentaire de la victime tendant à écarter les conclusions de l’expert judiciaire et a retenu des besoins en tierce personne de 10 heures par jour.
C’est une très belle décision non seulement au titre de l’indemnisation mais également pour la reconnaissance de l’être humain. Ce jeune homme peut maintenant concrétiser ses projets de vie, puisqu’il a les moyens de les réaliser grâce à une indemnisation qui a tenu compte de ses droits et de ses besoins, sans le condamner pour son passé. Au contraire, le Tribunal lui a permis d’avoir un avenir.
Sa force de caractère lui a permis de surmonter les difficultés de sa vie et de se tourner vers des jours meilleurs. Sa mère est toujours à ses cotés. L’avocat spécialisé lui souhaite bonne chance et le remercie de lui avoir fait confiance dans des moments aussi difficiles, de son accident jusqu’à la fin de son procès. L’avocat spécialisé qui a toujours rendu hommage à la force de caractère de son client et à son courage est heureux d’avoir pu faire reconnaitre par la Justice ses qualités et le respect de sa vie.
Catherine Meimon Nisenbaum,
Nicolas Meimon Nisenbaum,
avocats à la Cour,
janvier 2012.