Décidément, les surprises se succèdent avec le 8e président de la 5e République. Voilà qu’il abandonne le grand projet de son second et dernier quinquennat en pleine déroute gouvernementale et en laissant un futur champ de ruines. Emmanuel Macron avait en effet annoncé lui-même le 11 mai 2021 et sans concertation, la création d’un musée-mémorial du terrorisme des 50 dernières années installé juste à côté du mémorial de la France combattante, sur le flanc sud du Mont Valérien à Suresnes (Hauts-de-Seine). Il ne s’était pas embarrassé de la présence, sur le site visé, d’un institut national de formation des enseignants spécialisés auprès d’élèves handicapés, l’INSHEA, installé dans les locaux d’une ancienne école primaire expérimentale classée monument historique, l’école de plein-air de Suresnes à la conception si exemplaire qu’elle est demeurée unique en France. Pourtant, ni une ni deux, l’INSHEA est réformé (après 10 ans d’atermoiements) en INSEI et déménagé au sein du Pole National pour l’Éducation Inclusive… non encore construit : ses locaux ne seront achevés à Saint-Germain-en-Laye, dans le département voisin des Yvelines, que fin 2025 au mieux. Dans l’intervalle, l’INSEI doit resserrer son activité sur un seul bâtiment, fermer la restauration et l’internat transformés en bureaux, les stagiaires devant loger et se nourrir à l’extérieur aux frais (supplémentaires) de l’Académie d’où ils proviennent. Un grand chambardement.
Et voilà que le 6 décembre dernier est rendu public l’abandon du projet de musée-mémorial du terrorisme. Officiellement pour économiser 95 millions d’euros en période de déficit croissant des finances publiques, et sur décision du Gouvernement dirigé par Michel Barnier vivant ses derniers jours du fait de la motion de censure votée par les députés le 4 décembre. Toutefois, cette décision n’a pu être prise sans l’accord du Président de la République qui s’est d’ailleurs gardé de toute réaction. De plus, le chantier aurait dû débuter en mai dernier mais aucun engin ni ouvrier ne s’est présenté sur le site, l’abandon a visiblement été décidé avant l’élection au Parlement Européen et ses funestes suites. Une autre raison l’explique par ailleurs : l’hostilité d’associations de résistants voulant conserver le monopole du seul souvenir de la France combattante sur le Mont Valérien. Là, Emmanuel Macron a reçu en boomerang sa velléité de décider sans réfléchir ni concerter : du Jupiter autoritaire pur jus.
Si le devenir du musée-mémorial du terrorisme est incertain, sa collection étant appelée à servir pour des expositions hors-les-murs et la dimension mémorial associée au jardin que prépare la ville de Paris en face de son entrée des bureaux, cela ne pèse pas sur le futur PNEI. Son chantier de construction est en cours, un peu retardé par le désamiantage d’immeubles devant être détruits, mais les crédits sont toujours là. L’INSEI a effectivement resserré son activité sur son site de Suresnes, sans réduction de son action, mais moyennant 800.000€ payés par le ministère de l’Éducation Nationale pour son redéploiement, plus 30.000€ mensuels de gardiennage du site déserté dont les pavillons et bâtiments ne sont plus chauffés et les alarmes incendie débranchées. Cette situation condamne à la ruine l’école de plein-air dont les immeubles sont déjà dégradés, faute de plan alternatif de restauration. Classée et installée juste au-dessous d’un site mémoriel majeur bâti après elle, elle ne peut être vendue ou détruite pour devenir un complexe de luxe bien que son emplacement puisse susciter la convoitise. Du moins tant que le temps ou des squatteurs n’auront pas détruit le site…
Laurent Lejard, décembre 2024.