Avec l’Indre voisine, le Cher constitue l’ancienne province du Berry, partie du domaine royal depuis le haut Moyen-âge et territoire essentiellement agricole depuis toujours. En marge des zones fortement urbanisées (au premier rang desquelles la région parisienne : 1h30 de train seulement) et pourtant traversé par de nombreuses autoroutes, à la fois trop loin et trop proche, il est demeuré à l’écart des flux touristiques : on lui préfère notamment la chic et secrète Sologne ou le Val de Loire qu’il jouxte, alors même que le Berry compte davantage de châteaux, certes plus « confidentiels », que le fleuve royal. Ce relatif handicap constitue néanmoins une aubaine pour les initiés : moins de foule dans les lieux touristiques ou lors des événements culturels (Printemps de Bourges mis à part), accueil sur mesure dans les hôtels et restaurants, l’importance de la clientèle locale maintenant les prix à un niveau plus que raisonnable; bref, de chouettes vacances en perspective pour qui veut se sentir Berrichon !
Commençons notre périple près du coude de la Loire, aux confins est du département, par un nom que beaucoup auront déjà lu sur un panneau de signalisation routière… ou une bonne bouteille : Sancerre. Perché sur sa colline à l’instar d’un Mont Saint-Michel des vignes, le vieux village domine un océan viticole dont on peut se faire une meilleure idée de l’importance en visitant la Maison des Sancerre, espace muséographique mais également oenologique, de la terrasse duquel on jouit d’une vue imprenable. De la géologie aux hommes qui ont façonné le paysage, vous saurez tout sur ce terroir et pourrez achever votre visite par une dégustation. Pour les achats de vin, en revanche, il vous faudra parcourir le vignoble avec la documentation ad hoc. Accès par le jardin, toilettes adaptées, stationnement réservé devant l’église toute proche. Pour visiter le bourg, qui offre quelques jolies rues, rendez-vous à l’Office de tourisme (accessible par rampe) : vous y trouverez un plan balisé et d’autres places réservées.
Petit secret en passant : moins cher que le vin de Sancerre et tout aussi délectable est celui de Quincy, situé à une heure de là, au sud de Vierzon. L’espace muséographique appelé Villa Quincy, accessible par rampe dans le village, présente l’appellation et offre, lui, la possibilité de déguster et acheter sans avoir à parcourir les caveaux…
Sancerre jouxte un autre nom célèbre qu’il accompagne si bien qu’ils se sont mariés : Chavignol. Le nom du fameux fromage que l’on y produit vient des « crots » (trous) argileux d’où l’on tirait la matière des moules : rien à voir avec les pètes de biques, même si ce sont bien des chèvres qui fournissent le lait du crottin ! Parmi les nombreux producteurs locaux chez qui on peut se rendre, citons la Ferme de la bête noire, ouverte il y a peu par un viticulteur et accessible de plain-pied avec une partie didactique permettant de se familiariser avec le produit final, que l’on peut également déguster : demandez à goûter au « repassé », vous n’en trouverez pas partout ! En période de production, on peut assister à la traite vers 16h30 mais les chèvres, qui pâturent en toute sérénité, ne sont parfois visibles que de loin. De l’autre côté du canal, le même viticulteur, dont la famille exerce ce métier depuis le milieu du XIXe siècle, dispose d’un autre espace, labellisé Tourisme et Handicap, consacré lui exclusivement au vin. Pour des noces heureuses… Les deux espaces disposent de toilettes adaptées et de stationnements réservés.
L’argile des « crots », on la retrouve dans deux lieux emblématiques des arts du feu : Mehun-sur-Yèvre, près de Bourges, et La Borne, du côté d’Henrichemont. Des splendeurs de Mehun, ancienne cité de Charles VII (1403-1461), ne subsistent que les ruines spectaculaires du château dont une représentation sur les Très Riches Heures du duc de Berry donne une idée de l’importance. Mais la ville a connu un second âge d’or au XIXe siècle avec l’arrivée des porcelainiers, dont le mondialement célèbre Pillivuyt (prononcez pilehuit la prochaine fois que vous retournerez une assiette au restaurant) qui continue à produire ici : le moderne magasin d’usine, accessible de plain-pied, a beaucoup de succès. Pour une approche plus globale et plus artistique de la production porcelainière en Berry (laquelle s’étendait jadis jusqu’à Vierzon), rendez-vous au Pôle de la porcelaine, qui dispose d’un accès avec stationnement réservé au plus près de l’entrée. La muséographie, très lumineuse, met en relief de somptueuses pièces, souvent destinées aux expositions internationales, ainsi que des éléments purement industriels toujours d’actualité. Des expositions temporaires, sur des thèmes divers, complètent le parcours, ainsi que des concerts et créations dans les jardins situés en contrebas du château.
La Borne est, quant à elle, située sur la commune d’Henrichemont, « ville nouvelle » créée au début du XVIIe siècle dans la principauté de Boisbelle par Sully, célèbre ministre d’Henry IV. Si Henrichemont dort depuis longtemps du sommeil de la belle, son « faubourg » de La Borne, dédié aux arts du feu, n’a jamais cessé d’être actif. De purement utilitaire jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, la production a pris le tour artistique qu’elle conserve aujourd’hui et qui lui vaut d’être une étape internationalement reconnue. En témoignent, dans l’ancienne chapelle, un modeste mais très riche Musée de la poterie, et son voisin le Centre de céramique contemporaine inauguré en 2010 dans un élégant bâtiment transparent où les créateurs locaux exposent leurs oeuvres aux côtés d’artistes venus de bien plus loin. Prix en rapport, mais on peut trouver, dans le hameau, chez les artistes installés à demeure, de beaux objets abordables. Stationner, circuler et manger sur place ne présente aucune difficulté majeure si on évite les week-ends…
Autre incontournable international pour l’art contemporain (il n’y a pas que Paris, New-York ou Shanghai dans la vie d’un collectionneur), la galerie Capazza a été fondée par celui qui lui a donné son nom il y a près de cinquante ans dans un imposant bâtiment militaire du XVIIe siècle à l’entrée de Nançay. Natif de Vierzon, grand galeriste, collectionneur passionné, Gérard Capazza est décédé récemment mais ses héritiers ont voulu perpétuer l’oeuvre de sa vie. Leur réussite tient au niveau d’exigence artistique qu’ils ont su maintenir à travers l’exposition présente, qui met en dialogue les sculpteurs Rodin (1840-1917) et Jeanclos (1933-1997) dans une mise en scène sans vitrines, une rareté pour de telles pièces, et des éclairages frisant la perfection. Tout est à vendre, évidemment très cher, mais tout le monde est le bienvenu (les samedis, dimanches et jours fériés) en toute accessibilité. Ne manquez pas de faire un détour par la librairie, c’est une véritable mine où vous pourrez, qui sait, vous offrir un tirage d’artiste sur papier pour (largement) moins qu’un Rodin…
Préfecture du Cher et capitale du Berry, Bourges est une destination en soi. S’il ne reste plus grand-chose de l’Avaricum mentionnée par César, la ville a conservé un patrimoine ancien de première importance qui rend particulièrement intéressante la déambulation dans ses vieilles rues… à condition, en fauteuil roulant, de savoir négocier les pavés, notoirement impraticables voire dangereux sur le versant nord de la cathédrale. Laquelle, heureusement, est accessible sans encombre côté sud, les places de stationnement ne manquant guère à proximité. Ce beau vaisseau de pierre, que l’on peut découvrir en visite guidée à l’instar d’autres lieux d’intérêt de la ville, abrite notamment un extraordinaire ensemble de vitraux médiévaux et Renaissance dont la magie lumineuse varie au fil de la journée, ainsi que de grandes orgues sur lesquelles sont régulièrement donnés des concerts. Prenez le temps, à l’extérieur, de détailler les différents portails, leurs fines sculptures, miraculeusement préservées des destructions, réservent de nombreuses surprises !
Surprises également, juste en face, dans l’ancien palais archiépiscopal, au Musée des Meilleurs Ouvriers de France où des chefs d’oeuvres plus contemporains se dévoilent au public dans une muséographie simple mais accessible : sonnette à côté de l’entrée principale pour vous faire ouvrir l’accès de plain-pied. La façade du palais, ainsi que d’autres monuments emblématiques de Bourges, sert de support, en été, aux très courues Nuits Lumière qui les enluminent au long d’un parcours balisé de bleu : véritablement magique ! La déambulation passe évidemment par l’incontournable palais du grand argentier de Charles VII, Jacques Coeur, dont on ne peut hélas, en fauteuil roulant, admirer que la façade (mais elle vaut le déplacement) ainsi que, sur demande à l’accueil en se faisant ouvrir les portes cochères, la cour intérieure. Le rez-de-chaussée du palais était pourtant resté quelques mois accessible par une longue rampe en bois en 2003, après que Bourges eut reçu les premières (et dernières) rencontres nationales Art, Culture et Handicap. Depuis, aucun effort d’accessibilité ne semble avoir été entrepris. Il en va de même pour le Musée du Berry (Hôtel Cujas), et les riches collections de l’hôtel Lallemant n’ont a offrir que la façade du bâtiment Renaissance qui les abrite…
Dans un genre différent qui réconcilie toute la famille, le Muséum d’histoire naturelle, lui, est parfaitement accessible. Des origines à nos jours, la vie sur Terre (y compris celle de notre espèce) n’aura plus de secrets pour vous : la muséographie, régulièrement mise à jour, tient en effet compte des dernières avancées de la science. Particularité de l’endroit : les chauves-souris y sont mises à l’honneur, histoire de nous réconcilier avec ce mammifère trop discret pour se défendre contre sa mauvaise réputation ! Et vous pourrez toucher leur tête grâce à des maquettes tactiles. Des expositions temporaires issues de grands musées nationaux complètent cette visite passionnante. Attention, l’emplacement un peu excentré du Muséum rend peu commode son accès : stationnez sur le parking des Rives d’Auron puis traversez la rivière vers la médiathèque ou empruntez la navette gratuite (accessible par rampe) qui dessert le centre-ville.
Autre musée un peu excentré, attenant aux Archives départementales, celui de la Résistance et de la déportation du Cher, qui célèbre ses dix ans cette année et où l’Histoire locale rejoint la grande, avec ses héros, ses traitres, ses tragédies et les leçons qu’on peut en tirer encore aujourd’hui. L’originalité de l’endroit tient au fait que sa muséographie englobe et illustre la tristement célèbre ligne de démarcation qui partagea la France et le département en deux (un panneau la commémore par exemple à Vierzon) de 1940 à 1943. La présentation, épurée, fait une large part aux témoignages, humains et matériels, précieusement recueillis. Outre la naissance des premiers maquis, on apprend, entre autres, que les nazis utilisèrent des photographies de la place Gordaine à Bourges, avec ses maisons à pans de bois, pour illustrer la « bonne collaboration » des… Alsaciens. Un musée qui parlera à toutes les générations : une réussite, donc. Stationnement aisé sur le parking attenant, toilettes adaptées.
Ne quittez pas Bourges sans faire un tour du côté de ses 350 hectares de marais, incontournable local depuis l’Antiquité : défensifs jusqu’au XVIIe siècle, ils ont ensuite été dévolus au jardinage de Berruyers chanceux. C’est, de nos jours, une destination de promenade particulièrement agréable, où on longe des jardins soigneusement entretenus, certains plus poétiques ou créatifs que d’autres, entre Yèvre et Voiselle, rivières poissonneuses dont le cours, par endroits, reflète la silhouette de la cathédrale toute proche. Toutes les voies ne sont pas ouvertes au public, certaines parcelles n’étant atteignables que par « plates », barques à fond plat toujours en usage, y compris pour des balades. Téléchargez ce plan, vous y trouverez notamment où stationner (mais on peut y venir à pied) et où prendre un bon repas en rêvassant…
À une cinquantaine de kilomètres au sud de Bourges, Saint-Amand-Montrond est, après Vierzon, la seconde sous-préfecture du département. Paisible bourgade traversée par le canal de Berry (déclassé mais navigable par parties), elle fait partie des communes qui se revendiquent au centre géographique de la France. Quatre autres se disputent ce titre dans le Cher, sans compter la dizaine d’autres ailleurs selon le type de calcul… Cette rivalité bon-enfant n’a rien à voir avec celle, terrible, qui opposa ici au XVIIe siècle les troupes de Louis XIV à celles de son cousin frondeur le Grand Condé stationnées dans une forteresse médiévale dont ne subsistent que les impressionnants contreforts. Devenue parc public avec ses arbres remarquables, elle offre un joli point de vue sur la région mais son accès en fauteuil roulant n’est guère commode du fait de la pente et du revêtement cahoteux. Pour se faire une meilleure idée des lieux, mieux vaut se rendre en ville au Musée Saint-Vic, installé dans un ancien logis Renaissance dont seul le rez-de-chaussée est accessible en fauteuil roulant (accès par l’arrière sur demande) mais qui détient les clés de l’histoire locale, du paléolithique à nos jours. Les salles gallo-romaines rappelleront à qui l’aurait oublié que le village de Drevant, tout proche, fut un centre assez important à l’époque antique pour que l’on puisse toujours en admirer l’amphithéâtre….
En poursuivant un peu la route, on arrive au très élégant château d’Ainay-le-Vieil, propriété de la même famille depuis plus de 600 ans : chapeau ! Épargnée par les vicissitudes de l’Histoire et amoureusement entretenue par ceux qui s’y sont succédés, cette forteresse du XIVe siècle, élevée sur un castrum plus ancien encore, n’a connu de remaniement que lors de la Renaissance. Cantonnée, sur ses douves en eau, de multiples tours à l’instar d’un « petit Carcassonne », elle séduit au premier regard. Côté accessibilité en revanche, les visiteurs en fauteuil roulant devront se contenter des extérieurs et de la cour (actuellement en travaux) mais les merveilleux jardins qui font également la renommée d’Ainay constituent en soi un but de promenade à fleur d’eau. Outre la roseraie et le « carré de l’île », l’enfilade de « chartreuses » (jardins clos) aménagées au XIXe siècle dans l’esprit de la Renaissance est un véritable enchantement. Certaines allées sont plus « roulantes » que d’autres mais cela ne gâche en rien le plaisir de la déambulation. Restauration possible sur place, stationnements réservés au bout du parking, près de l’entrée.
Des « chartreuses » d’Ainay-le-Vieil aux cisterciens de l’abbaye de Noirlac, il n’y a que quelques kilomètres mais aussi tout un monde : calme champêtre pour les premières, recueillement minéral pour les seconds. La construction des bâtiments conventuels s’est étendue du XIIe au XVIIIe siècle mais l’ensemble a, comme ailleurs dans le Cher, miraculeusement échappé aux ravages de l’Histoire avant d’être racheté par le département au début du XXe siècle. De nombreuses activités à dominante culturelle sont proposées tout au long de l’année, avec l’intervention d’artistes contemporains mais il faut, en découverte individuelle, savoir prendre son temps afin d’arpenter ces vastes espaces dépouillés pour mieux se pénétrer de l’esprit des lieux. Des rampes parfois un peu raides permettent aux fauteuils roulants d’accéder presque partout sauf à l’étage mais les nouveaux aménagements qui ont déplacé le parking à l’extrémité du domaine peuvent rendre la visite un peu frustrante. Petite restauration possible sur place, toilettes adaptées. Et puisque vous vous trouvez sur la commune de Bruère-Allichamps, profitez-en donc pour vous rendre dans cet autre centre de la France dont l’antique borne miliaire trône au milieu du village…
Jacques Vernes, août 2020.
Sur le web, le site officiel Berry Province propose une multitude de suggestions de visites et d’activités, que vous choisissiez de rester un week-end ou plusieurs jours (à moins que vous ne préfériez vous y installer !). La rubrique Vacances adaptées offre en outre une bien utile déclinaison sur la thématique handicap. N’hésitez pas, le cas échéant, à contacter les professionnels du tourisme : sensibilisés à la question, ils pourront répondre à (presque) toutes les vôtres !