C’est indéniable, la Langue des Signes Française attire de nombreux entendants souhaitant découvrir ce mode d’expression parfois intrigant qui ouvre sur un monde encore trop fermé, celui des Sourds. Mais l’un des obstacles consiste à identifier un cours d’apprentissage dont le tarif soit compatible avec l’aspect ludique de la découverte. L’une des rares écoles correspondant à ce critère se trouve à Cholet, dans le Maine-et-Loire : depuis 2002, son Institut Municipal des Langues (IML) propose des cours qui vont de l’apprentissage (communication non verbale) jusqu’au niveau 6 (technique narrative). Cela pour un coût moyen de 150 € à l’année. « La LSF a été intégrée deux ans après l’ouverture de l’institut à la demande de personnes qui voulaient communiquer avec des sourds, raconte Colette Lallemand, adjointe à l’égalité des chances et à la citoyenneté. Cela a permis de former des personnels d’accueil à la Ludothèque, et l’hôpital. »
Une histoire de famille. Les cours sont assurés par Caroline Jollivet, dont deux frères sont sourds profonds, qui travaille également pour l’ADAPEI. « Les sourds n’aiment pas se faire assister, alors que l’on fait des choses pour les personnes handicapées motrices. Je dois aider mes frères à la banque, chez le notaire, pour toutes leurs formalités. Leur rapport à l’écrit est difficile, leur vocabulaire en français comme en LSF est limité ». Caroline Jollivet a dû convaincre une entreprise d’employer son frère Christophe : « Le patron avait peur d’un accident sur les machines. En fin d’essai, il était très content et a directement embauché mon frère en CDI, puis l’a promu chef d’équipe au bout de trois ans. Mon frère est très débrouillard, il enseigne même avec moi à l’IML ». Alors même que son autre frère n’accepte pas son handicap, ne comprend pas, refuse de communiquer. Tous deux se retrouvent toutefois à égalité sur le terrain des loisirs : faute d’en disposer sur Cholet, ils vont à Nantes pour rejoindre d’autres sourds, y compris étrangers.
La relation avec ses frères, ainsi que le travail en Institut Médico-Educatif, a donné à Caroline Jollivet l’idée d’utiliser la langue des signes pour établir une communication avec des enfants et des jeunes autistes : « Certains acquièrent des signes, par le travail avec des éducateurs. Leur vocabulaire est très basique, pour identifier les personnes ou un objet ». Mais si elle estime que cette expérience a porté ses fruits, le travail d’évaluation pour une éventuelle transférabilité reste à réaliser.
Une aide aux secours. Caroline Jollivet a participé à une action rare, la formation de pompiers volontaires du May-sur-Evre aux rudiments de la langue des signes afin de pouvoir secourir des personnes sourdes. « Les pompiers ont dit que cette action devrait être faite dans tous les centres de secours. Ils m’ont raconté un accident de voiture impliquant un couple de sourds : le mari n’arrivait pas à obtenir d’aide, et son épouse était morte sous ses yeux. Les pompiers ne savaient pas ce qu’ils pouvaient faire… » Cet événement les a traumatisé, et ils ont demandé cette formation à laquelle des sourds ont également participé : « Les sourds étaient ravis de faire un massage cardiaque. Les pompiers, eux, ont appris à calmer la personne, à faire des gestes lents. »
Reste toutefois à traiter la question de l’alerte, de la prise de contact avec les services de secours : malgré la formation reçue, le service de secours de May-sur-Evre n’a pas de créé d’interface adaptée.
A l’IML, la formation LSF concerne les entendants par groupes de 8 à 12 personnes, à titre privé en fonction de leur temps libre, ou en stage de formation professionnelle. Caroline Jollivet est intervenue dans des lycées, en filière médico-sociale. Huit élèves suivent les cours du samedi, avec une recherche de portée pratique. Une élève a passé le concours d’éducateur spécialisé, sa connaissance de la langue des signes l’a aidée. Il y a une forte demande pour ces cours, mais pas de liste d’attente. A coup de quelques dizaines de personnes chaque année, la langue des signes fait son chemin à Cholet…
Laurent Lejard, mars 2011.