Vienne fait partie de ces rares villes du monde dont la seule évocation stimule l’imaginaire : plus que tel ou tel monument emblématique, la capitale autrichienne s’incarne à travers les personnages illustres qui en ont bâti la légende : Mozart, les Strauss, Mahler, Klimt, Freud, les Habsbourg, Sissi et tant d’autres… Dans l’inconscient collectif, Vienne serait une cité romantique où l’excellence de la musique et des arts le disputerait à celle de la pâtisserie : qu’en est-il réellement, notamment pour un touriste handicapé ?

Mémorial à Sissi et ses chiens au Volksgarten de Vienne

Disons-le d’emblée : Vienne ne déçoit pas et le rêve est (presque) conforme à la réalité ! Le centre historique, concentré à l’intérieur du fameux Ring (boulevard circulaire) se laisse d’autant plus facilement arpenter à pied ou en fauteuil roulant qu’il est pratiquement plat et que la voirie, bien entretenue, est « douce » en dépit de certains secteurs pavés. Les zones piétonnières sont nombreuses (dont le célèbre et très commerçant Graben) et la circulation automobile intelligemment contenue : un régal pour le promeneur quand la météo est au rendez-vous !

Vienne, le Graben
Panneau d'information visuelle de lignes de tramway de Vienne

Côté transports en commun, bus et métro ne présentent pas de faille majeure d’accessibilité pour les personnes en fauteuil roulant; quant à celle des tramways, elle est indiquée en station par pictogramme sur les panneaux lumineux, selon les rames en approche : anciennes inaccessibles ou modernes à plancher bas. Que l’on soit ou non germanophone, la communication avec les Viennois, globalement sympathiques, est facile : l’anglais est assez couramment compris, parfois le français, et l’on fera tout pour vous venir en aide le cas échéant. Plus généralement, la plupart des commerces et édifices recevant du public sont accessibles, ce qui place Vienne parmi les capitales les plus accueillantes pour les touristes handicapés (le cabinet Mercer la classe même au premier rang mondial des villes où il fait bon vivre). Enfin, le niveau général des prix se situe dans la moyenne européenne.

Vienne musée d'histoire de la ville, plan-relief avec les remparts

Le nom de Vienne viendrait de Vindobona, bourgade celtique développée en camp romain. Le tracé de quelques rues témoigne encore de cette première urbanisation, dont quelques vestiges apparaissent ça et là en ville. Pour mieux comprendre l’évolution historique de la cité, une visite au Wien Museum s’impose : le bâtiment, construit dans les années 1950 est certes peu engageant au premier abord mais la muséographie récente offre une découverte passionnante, et en toute accessibilité. La liste des activités proposées dans, et autour du musée, aux visiteurs handicapés laisse d’autant plus songeur que la spectaculaire église baroque Saint-Charles-Borromée, située sur la même place (Karlsplatz) est totalement inaccessible.

Palais de la Sécession Viennoise

Non loin de là, sur Friedrichstraße, inaccessible aussi malgré la présence d’un élévateur fauteuil (mais qui ne dessert que les toilettes et la salle d’exposition temporaire) se dresse l’emblématique Palais de la Sécession, véritable manifeste architectural d’un mouvement artistique équivalent à l’Art Nouveau, dont les peintres les plus célèbres furent Gustav Klimt, Egon Schiele et Oskar Kokoschka. S’il est frustrant de ne pouvoir admirer la fameuse Frise Beethoven lorsque l’on ne peut quitter son fauteuil roulant, le bâtiment en lui-même, vu de l’extérieur (l’intérieur est très dépouillé) demeure néanmoins un enchantement. Au gré des rues, nombre de bâtiments de cette période surprennent le regard, telle la monumentale et dépouillée Postsparkasse, oeuvre de l’architecte Otto Wagner, qui fait face à un ministère de la Guerre à la décoration écrasante.

Immeuble de la Postsparkasse de Vienne

À l’exception des deux édifices mentionnés ci-avant, les autres monuments sont accessibles. Ainsi en va-t-il du Palais du Belvédère dont le domaine s’étend, au-delà du Ring et de la Karlsplatz, dans le prolongement de la place Schwarzenberg. Bâti au début du XVIIIe siècle pour le prince Eugène de Savoie-Carignan, aussi brillant militaire qu’amateur d’art, l’endroit domine la ville sur laquelle il offre un très beau panorama. Les collections qu’il abrite couvrent toute l’histoire de l’Art mais on s’y presse surtout pour admirer les chefs-d’oeuvre de Klimt (dont le célèbre Baiser) et l’étonnante collection de « têtes de caractère » du sculpteur baroque Messerschmidt.

Palais supérieur du Belvédère à Vienne

Le bâtiment supérieur est accessible par rampes et ascenseurs mais il ne faut pas se laisser piéger, en fauteuil roulant, par les superbes jardins en pente qui le séparent de son équivalent inférieur : lesdits jardins sont en effet scindés en deux par une volée de marches totalement rédhibitoire ! Le Belvédère inférieur, qui accueille notamment des expositions temporaires, est quant à lui accessible depuis le côté donnant sur la rue Rennweg. Enfin, l’Orangerie abrite également des expositions temporaires, orientées principalement sur l’art contemporain, avec une muséographie ultramoderne parfaitement accessible. Dans tous les cas, que l’on apprécie ou non le contenu, le domaine du Belvédère offre un écrin d’une richesse foisonnante d’où l’on ressort aussi rassasié que d’un café viennois !

Pâtisseries d'un café Viennois

Ah, les cafés de Vienne ! Fidèles à leur légende, ils sont nombreux en centre-ville, plus élégants les uns que les autres (mais sans ostentation) et l’on y reçoit tout le monde avec la même discrète affabilité. Ce sont des incontournables où règnent concomitamment la sérénité et le bonheur enfantin de déguster ce que l’on s’interdit en temps ordinaire, le tout enfoui sous une épaisse couche de chantilly ! La seule lecture des menus fait le bonheur des gourmands, que ce soit la liste des différentes préparations à base de chocolat ou de café, que celle des pâtisseries aux tons pastels qui attendent sagement dans les vitrines réfrigérées.

Leopold museum à Vienne

Autre attrait du centre-ville : les points d’intérêt y sont concentrés, de même que les musées principaux. Ainsi, le MuseumsQuartier (MQ) regroupe-t-il, en bord de Ring, plusieurs institutions importantes, dont le Musée Léopold, où se trouve rassemblée, dans un imposant cube blanc, la plus importante collection au monde d’oeuvres (parfois dérangeantes) d’Egon Schiele. Le MQ comprend aussi un musée d’Art Moderne et Contemporain (Mumok), un autre d’architecture (AZW), un espace d’expositions temporaires (Kunsthalle) et même un musée pour les enfants ! Le tout parfaitement accessible. Restauration possible sur place, chaque institution disposant de son propre établissement, au design souvent très inventif. Attention : un certain nombre de toilettes publiques adaptées, et certains élévateurs (au MQ ou ailleurs) ne peuvent s’ouvrir qu’avec l’Eurokey ou en demandant à un membre du personnel.

MuseumsQuartier de Vienne

Dans le prolongement du MQ, de l’autre côté de la rue, une statue monumentale de l’impératrice Marie-Thérèse (mère de « notre » Marie-Antoinette) veille entre le Musée d’Histoire Naturelle (NHM) et celui des Beaux-Arts (KHM). Les deux, accessibles en fauteuil roulant côté Ring, abritent les extraordinaires collections rassemblées au cours des siècles par la dynastie des Habsbourg : largement de quoi se remplir les yeux durant toute une journée !

Vienne, cour de la Hofburg avec la statue du Kaiser Franz Ier

Les Habsbourg, omniprésents dans l’histoire européenne, on les retrouve en majesté dans l’immense palais de la Hofburg qui occupe un quartier tout entier à la suite de celui du MQ, à l’intérieur du Ring. Siège du pouvoir pendant six siècles, il héberge toujours la Présidence autrichienne, mais également la bibliothèque nationale (ONB), la célèbre école d’équitation espagnole (SRS) ainsi que plusieurs musées, tous accessibles. Sauf à vouloir courir un véritable marathon, il ne faut pas espérer tout découvrir en une seule fois !

Compotiers et bronzes dorés à la Hofburg de Vienne

Les trésors des Habsbourg et du Saint-Empire Romain Germanique y étincellent évidemment mais on peut également découvrir la vie privée de ces dynastes en arpentant leurs appartements, sur lesquels plane l’ombre éminemment romantique de l’impératrice Élisabethalias Sissi, immortalisée au cinéma par Romy Schneider, comme elle disparue prématurément et de façon tragique. Une muséographie particulière, assez émouvante, est dédiée à cette Impératrice hantée par le décès mystérieux de son fils Rodolphe, héritier du trône, à Mayerling

Bas-relief du tombeau de Marie-Thérèse, à la crypte des Capucins de Vienne

Les nostalgiques de ces temps révolus pourront se recueillir, non loin de la Hofburg, dans les profondeurs sépulcrales de la crypte des Capucins (Kaisergruft, sur Tegetthoffstraße), accessible par ascenseur, où reposent les Habsbourg depuis le XVIIe siècle, et où se trouve donc la tombe de Sissi… malheureusement située dans la seule partie nantie de marches ! Heureusement, le tombeau monumentalement sculpté de Marie-Thérèse et de son époux François Ier du Saint-Empire s’offre aux regards sous tous ses angles.

Entrée du musée Albertina de Vienne

Plus gratifiante est la visite du fameux musée Albertina, aménagé dans un palais jouxtant la Hofburg et qui abrite la plus riche collection d’arts graphiques au monde. Tous les grands maîtres, du Moyen-Âge à nos jours sont représentés, dont les chefs-d’oeuvre sont exposés en alternance dans les richissimes salons que complète une partie contemporaine dédiée aux expositions temporaires. Là encore, que l’on soit ou non sensible à ce qui est accroché aux murs, la simple contemplation du décor mérite d’autant plus largement le détour que le public se presse généralement davantage dans les expositions temporaires que dans les collections permanentes. Cerise sur le gâteau : l’accessibilité est remarquable et l’on peut déjeuner sur place.

Un musicien sur bouteilles sur le Graben, à Vienne

Vienne, à l’instar des grandes capitales européennes, compte de nombreux autres musées qu’il est impossible de détailler ici mais dont l’accessibilité est globalement assurée (cf. données en fin d’article). Il y en a pour tous les goûts ! Côté musique classique, difficile évidemment de faire l’impasse sur Mozart ou Strauss, dont les oeuvres sont exécutées (parfois hélas au premier sens du terme) dans de nombreux endroits en ville. Les institutions internationalement reconnues comme l’opéra ou le célébrissime Musikverein (réputé l’une des meilleures salles de concerts au monde) disposent évidemment d’espaces destinés aux spectateurs handicapés mais il convient, succès et affluence obligent, de réserver sa place bien en avance.

Maison Hundertwasser à Vienne

Et si vous en avez assez de l’architecture monumentale néo-classique immaculée, faites donc un tour du côté de de la Kegelgasse, dans le 3e arrondissement (Landstraße) : l’architecte Friedrich Stowasser, alias Friedensreich Hundertwasser (disparu en 2000) y a laissé libre-cours à une créativité débridée qui laisse pantois ! Sa Hundertwasserhaus, pâté de maisons coloré aux formes organiques, était destiné dès l’origine à de l’habitat social mais il comporte également des parties de plain-pied ouvertes au public : restaurants, cafés, boutiques, où la déambulation s’avère des plus ludiques. À quelques rues de là, un musée/fondation expose le travail de cet artiste hors du commun dans les lieux mêmes où il a vécu. Accessibilité par une entrée séparée (demander à l’accueil).

Vienne depuis la grande roue du Prater

Et le Danube ? Bien qu’elle lui doive une grande partie de sa fortune (ne serait-ce que grâce à Johann Strauss), la Vienne historique tourne le dos à son fleuve, dont le cours est ici canalisé sur son bras principal. Lequel forme, avec un modeste bras secondaire resté « sauvage », une île sur laquelle ont poussé de nombreuses constructions modernes dont les plus prestigieuses abritent certaines agences de l’ONU (notamment l’AIEA). Un modeste canal de dérivation ferme néanmoins la partie nord du Ring, le long duquel une piste cyclable permet de promener. Au-delà, s’étend le Prater, immense espace vert (jadis terrain de chasse des Habsbourg) où se dresse un parc d’attractions dont la grande roue a été rendue célèbre par le cinéaste Carol Reed dans son Troisième Homme. Deux cabines ayant été mises en accessibilité, tout le monde peut découvrir l’extraordinaire panorama qui s’offre au regard depuis cette attraction construite au XIXe siècle : n’oubliez pas vos jumelles !

Palais de Schönbrunn côté jardin, à Vienne

Station Schönbrunn du métro de Vienne ©Yanous.com

Et Schönbrunn ? Édifié au sud-ouest du centre-ville, le « Versailles viennois », résidence d’été des souverains autrichiens, aisément accessible en métro… et en fauteuil roulant, ne démérite certes pas de sa réputation mais la très importante affluence touristique gâche un peu la fête : oui, Schönbrunn est beau, vaste, remarquablement préservé et meublé, oui il faut absolument le visiter, mais en faisant abstraction des groupes qui déferlent continûment sous ses marbres, ses ors et ses cristaux.

Navette adaptée du palais de Schönbrunn à Vienne ©Yanous.com

Assez étrangement, la seconde « star » de l’endroit, après l’impératrice Marie-Thérèse, n’est autre que l’Aiglon, fils unique de Napoléon Ier et de Marie-Louise d’Autriche, auquel Edmond Rostand a conféré (au XXe siècle) une aura romantique dont on s’abreuve ici, autour de son lit de mort… S’il vous reste du temps, après avoir promené dans les jardins (et éventuellement exploré le plus vieux zoo du monde), faites un crochet par le musée des carrosses installé dans les anciennes écuries : vous y retrouverez bon nombre des grands personnages qui ont « fait » Vienne et l’Autriche. Après quoi, il ne vous restera plus qu’à vous attabler, juste à côté, autour d’un chocolat ou d’un café viennois dûment accompagné de pâtisseries… mit schlag(sahne), bitte !

Jacques Vernes, décembre 2011.

Vienne Volksgarten, Museums et Parlement ©WienTourismus Christian Stemper

Sur le web, le site officiel multilingue Wien info est un véritable portail permettant de préparer un séjour de façon particulièrement complète, activités et hébergements compris. La partie Vienne pour tous comprend en outre des informations plus spécifiquement destinées aux visiteurs handicapés (LSF comprise, ce qui n’est pas si courant !). Ces données peuvent être téléchargées dans un fichier rtf unique, mais en anglais.

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