Chiffré en 2008 à 15 milliards d’euros, le besoin de financement des dépenses d’accessibilité incombant à l’Etat, aux Régions, Départements et Communes avoisinerait désormais les 20 milliards. Rien que pour les Etablissements Recevant du Public (ERP) qui sont propriété de l’Etat et des collectivités territoriales, sans prendre en compte les gares de chemin de fer ni les aéroports. Cette estimation empirique, faute de statistiques nationales, repose sur une étude des diagnostics d’accessibilité effectués depuis plus de cinq ans par le cabinet Accèsmétrie, à la demande de son client Dexia Crédit Local, banque des collectivités locales, et de l’Association pour Adultes et Jeunes Handicapés (APAJH).
L’Etat, qui a délaissé son rôle de garant de la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 en matière d’accessibilité, semble vouloir dresser un point d’étape de ce vaste chantier national : les ministres compétents viennent d’adresser aux Préfets, présidents de Conseils Régionaux et Généraux ainsi qu’aux Maires un questionnaire succinct de recensement des immeubles et installations à adapter, et de création des structures de concertation locale créées par la loi. Les remontées d’information seront synthétisées dans un rapport remis au tout nouvel Observatoire national de l’accessibilité universelle, mais il est encore prématuré de penser que l’Etat va piloter la mise en accessibilité à tout pour tous. Il serait pourtant le grand gagnant de l’opération : l’estimation Accèsmétrie chiffre à 2,5 milliards d’euros le montant de TVA qu’il devrait recevoir, soit 90% du montant des dépenses d’accessibilité des ERP qui lui incombent.
Rattraper le temps perdu.
« On aurait pu imaginer que dès le 12 février 2005 on se serait mis au travail pour engager l’accessibilité globale », feint de s’étonner le président de l’APAJH, Jean-Louis Garcia, qui constate qu’à mi-chemin de l’échéance de janvier 2015, pas grand chose n’a été fait. Et de s’interroger : « Quel est l’intérêt de créer un observatoire national de l’accessibilité universelle sans lui donner un pouvoir d’action? ». En écho, Jean-Louis Guitard, Directeur France de Dexia Crédit Local, est confiant dans le dynamisme des communes, dont les finances sont temporairement boostées par un remboursement de TVA qui apportera en 2010 quatre milliards d’euros de recettes supplémentaires pour investir : « On est dans une posture positive, malgré la crise économique. S’il y a des incertitudes vues de Paris, telles la réforme des collectivités territoriales ou de la Taxe Professionnelle, sur le terrain, les élus locaux sont mobilisés, ils ont des réalités à affronter ». Pour les aider, Dexia a financé l’organisation par Accèsmétrie de réunions d’information sur l’accessibilité auxquels 10.000 élus locaux auraient participé.
Malgré le retard au démarrage, le vaste chantier de mise en accessibilité pourrait néanmoins arriver à terme (ou presque) si les professionnels du bâtiment jouent le jeu. « L’accessibilité est une valeur ajoutée, explique Didier Duchêne, Délégué accessibilité de la Fédération Française du Bâtiment (FFB). Nous incitons nos adhérents à répondre à la multitude des marchés, même s’ils ne font que 15.000€ et mettent en oeuvre plusieurs corps de métiers ». Parce qu’il constate que de nombreux appels d’offres, mal présentés, n’intéressent pas les professionnels et sont déclarés infructueux : « On est en train de former nos jeunes à l’accessibilité, pour qu’elle devienne une évidence, ajoute Didier Duchêne. Faire rentrer l’accessibilité dans la formation initiale n’est pas une mince affaire ! »
A moins de cinq ans de l’échéance de l’accessibilité globale des Etablissements Recevant du Public, apparaît déjà le syndrome « on réagit au dernier moment », qui a connu deux précédents notables ces dernières décennies : aux USA en 1990 comme au Royaume-Uni en 1995, une législation similaire à la nôtre avait prévu un délai d’adaptation de dix ans pour adapter bâtiments, voirie et systèmes de transport, et de nombreux gestionnaires ou propriétaires négligeants ont eu un réveil douloureux dix ans plus tard…
Laurent Lejard, mai 2010.