Jadis pays des Droits de l’Homme, la France connaît une répression féroce des contestataires de la politique gouvernementale. Des manifestations sont infiltrées par des casseurs black blocs que les policiers ne parviennent curieusement jamais à empêcher de nuire, offrant autant d’occasion aux forces dites « de l’ordre » de charger, matraquer, éborgner, gazer sans discernement les protestataires, même ceux qui sont immobiles et discutent entre eux. Une répression qui touche désormais les manifestants handicapés, les uns éjectés de leur fauteuil roulant (lire l’actualité du 9 décembre 2018, Les Ratés des 15 novembre et 13 décembre 2019), d’autres arrêtés préventivement (lire l’actualité du 14 avril 2019), certains gazés à bout portant (lire l’actualité du 2 mars et Les Ratés du 17 mai 2019), des policiers allant jusqu’à dégonfler les pneus d’un fauteuil (lire Les ratés du 21 décembre 2018). Brutalités et violences policières n’épargnent donc plus les citoyens handicapés, étrange évolution de la « société inclusive que nous voulons tous »…
Parmi eux, la Toulousaine Odile Maurin. Militante très active pour les droits et la dignité des personnes handicapées, elle a rejoint le mouvement des Gilets jaunes lors de manifestations et s’est retrouvée, le 30 mars dernier, au coeur de la répression policière : bilan, une quintuple fracture du pied, une trentaine d’ecchymoses… et une citation au Tribunal Correctionnel de Toulouse pour violences avec arme par destination, son fauteuil roulant électrique en l’occurrence ! Deux policiers l’ont accusée d’avoir délibérément foncé sur eux pour les blesser, ce qu’Odile Maurin a farouchement nié, preuve vidéo à l’appui montrant que l’un des agents a actionné le joystick de son fauteuil roulant, les précipitant tous les deux sur l’autre agent. Preuve d’abord écartée par le juge refusant de la visionner, et qui a accordé foi aux déclarations des policiers (lesquels, c’est bien connu, ne mentent jamais) dont l’un ne s’est même pas donné la peine de témoigner au tribunal, le 6 décembre dernier.
On constate pourtant sur cette vidéo (à visionner ci-dessous) que deux agents en tenue de maintien de l’ordre encadrent Odile Maurin, l’un actionnant le joystick du fauteuil pendant que l’autre dirige l’engin vers un fourgon de police dans lequel le fauteuil et sa passagère s’encastrent. Mais c’est bien Odile Maurin que les magistrats ont condamnée à deux mois de prison avec sursis, un an d’interdiction de manifester et à indemniser les deux policiers dont ni l’un ni l’autre n’a fourni de certificat médical ni subi une interruption temporaire de travail pour leurs « blessures » aux genoux et chevilles ! Rappelons que ces policiers étaient en tenue de Robocop, avec bottes renforcées aux chevilles et épaisses genouillères. Malgré plusieurs témoignages, dont celui d’un député de Haute-Garonne, confirmant les dires d’Odile Maurin et affirmant qu’elle est « remuante » mais toujours non-violente, ce sont les déclarations écrites des policiers que les juges ont retenues, sans que les agents se donnent la peine de venir au tribunal se soumettre au débat contradictoire.
Le Procureur de la République s’est toutefois épargné le ridicule en abandonnant l’accusation de violence avec arme par destination, en l’occurrence un fauteuil roulant qui constitue les jambes de remplacement d’une personne paralysée. Sinon il aurait fallu confisquer cette arme dès l’entrée au Palais de Justice, et donc rendre Odile Maurin grabataire. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’un procureur considère que ces jambes de remplacement constituent une arme par destination : en octobre 1997, l’animateur radio André Dji était jugé pour ce grief, les juges évacuant sans même en débattre cette qualification d’arme par destination. Qualification également rejetée en octobre 2002 pour une… tarte à la crème mais invoquée par le parquet de Strasbourg (Bas-Rhin) en décembre 2016 pour de la farine jetée sur Manuel Valls peu après son départ du Gouvernement.
Le parquet a donc lourdement chargé la barque pour accabler une femme pacifique traitée comme une dangereuse nihiliste. « Les poursuites engagées étaient assez délirantes, commente Pascal Nakache, avocat d’Odile Maurin. Un policier affirme avoir été touché aux genoux, ce qui est impossible compte-tenu de la configuration du fauteuil roulant. Le second policier a été percuté par le fauteuil au moment où il était contrôlé par un de ses collègues. Il n’y a pas d’éléments démontrant quelque violence volontaire que ce soit de la part d’Odile Maurin. » Cela n’a pourtant pas dissuadé le tribunal de la condamner : « Un policier qui ment, c’est pire qu’un outrage à la parole divine ! raille Pascal Nakache. Cela aboutit à des condamnations en cascade. » Depuis les premières manifestations des gilets jaunes, des centaines de manifestants ont été emprisonnés au terme de procédure bâclées alimentées de déclarations policières érigées en paroles d’Évangile.
Comment Odile Maurin a-t-elle vécu ce procès ? « Je n’ai pas interprété l’abandon du grief d’agression avec arme par destination, parce que c’est du validisme de le voir comme ça. Quand la Sécu nous accorde un fauteuil, c’est après avoir démontré qu’on peut le conduire en toute sécurité. Il y avait deux plaintes de policiers, un premier non identifié et pas venu à l’audience affirmait que j’avais foncé à plusieurs reprises vers le canon à eau, et mentionnait avoir été blessé aux deux genoux en lui fonçant volontairement dessus. Le Président du tribunal a défendu la position du policier en tenue de maintien de l’ordre, sans certificat médical ni interruption temporaire de travail. Pour le second, également en tenue de maintien de l’ordre, le magistrat a refusé de visionner la vidéo qui montre que l’agent a chuté par la faute de son collègue. Il affirme que je l’ai blessé au talon d’Achille en lui fonçant dessus, alors qu’il était à ma gauche. Là encore, pas de certificat médical ni d’ITT. Je pense que ce comportement des policiers n’était pas intentionnel mais j’avais informé la commissaire de police des gestes à avoir face à des manifestants en fauteuil roulant. Je ne suis pas sûre que ces policiers aient été informés des précautions à prendre. » Odile Maurin a en effet, de longue date, communiqué aux autorités, préfet en tête, les spécificités liées aux handicaps de personnes qui participent avec elles, depuis nombre d’années, à des actions publiques. Et si les prétendues « forces de l’ordre » ont obtenu satisfaction, avec la mise à l’écart d’une manifestante, celle-ci attend toujours que sa plainte pour violences policières soit instruite…
Laurent Lejard, décembre 2019.
[…] son pacifisme et dont le pied à été fracturé cinq fois dans l’action a été condamnée [en décembre 2019] à deux mois de prison avec sursis et à un an d’interdiction de manifester. La disproportion […]