Question : A l’heure des Jeux Paralympiques d’hiver, quel bilan pouvez-vous dresser de votre action en tant que secrétaire d’Etat chargée des sports ?
Rama Yade : Vous savez, je viens d’arriver ! Ce n’est pas l’heure du bilan, c’est le début d’une action. Parmi les priorités du ministère, il y a évidemment le handisport. C’est important, parce que si toutes les fédérations doivent être traitées à égalité, il n’empêche que des besoins s’expriment, qui sont importants pour les athlètes. Je suis convaincue qu’il faut poursuivre cette politique. Depuis Jean-François Lamour [ministre chargé des Sports de 2002 à 2007 NDLR] de belles choses ont été faites. C’est une oeuvre de longue haleine malgré le contexte budgétaire assez restreint. Il concerne tous les ministères, et est lié à la crise économique et financière, qui explique que nous ne pouvons pas faire tout ce que nous voulons. Nous devons être vigilants dans la manière dont nous faisons les choses, essayer d’être le plus efficace possible. Mais je considère le handisport comme une priorité de mon action et j’espère que cette aide permettra aux athlètes qui aujourd’hui se présentent aux Jeux Paralympiques d’hiver de briller.
Question : L’avenir du handisport est-il de rester à part ou de s’intégrer dans les fédérations sportives ?
Rama Yade : C’est un vieux débat, avec des arguments dans un sens comme dans l’autre. Je sais que les oppositions sont vives, tranchées, d’un côté comme de l’autre. Mais je crois qu’il est important sur un sujet qui engage les athlètes, les fédérations et leur fonctionnement, leur avenir, qu’une concertation s’engage entre les différents acteurs. Parce que toutes les fédérations n’ont pas le même comportement par rapport au handisport, certaines sont disposées à s’engager, à pousser parce qu’elles ont enfin compris tout l’intérêt sportif qu’elles pourraient tirer de la valorisation des athlètes handisport. Pour d’autres, ce n’est pas le cas. Est-ce qu’il faut avoir une stratégie globale, générale, sans distinction ou pas ? C’est une sous-question dans la question. Je ne me suis pas encore fait une religion, parce que je n’ai pas encore rencontré tous les acteurs, tous les présidents de fédérations sportives, qui sont plus d’une centaine. Je pense que le sujet est trop sérieux et l’impact trop important pour se permettre de prendre une décision uniquement sur la base de ce que pensent ou disent quelques présidents de fédérations. Il faut avoir une vue complète pour trancher définitivement ce sujet…
Question : Qui a été tranché dans certains pays…
Rama Yade : C’est vrai. Moi, j’aurais tendance à dire « pourquoi pas », dans la mesure où on serait dans l’aboutissement d’une forme de traitement égalitaire entre sportifs valides et handicapés. Pourquoi pas, sur le plan de la philosophie, puisque l’objectif est d’arriver à supprimer toutes formes de discrimination, de parvenir à un traitement égal ? Mais en même temps, je connais la position du président de la Fédération Française Handisport, Gérard Masson, je sais et je comprends ses inquiétudes, elles nécessitent d’être prises au sérieux.
Question : Vous évoquez la discrimination. Les athlètes handisport ne sont pas conviés aux Jeux de la Francophonie : son comité d’organisation les refuse. Les handisportifs français devraient-ils pouvoir se confronter aux Togolais, Camerounais, Marocains ?
Rama Yade : Qu’est-ce qui justifie cette spécificité, alors que dans d’autres types de compétitions ce n’est pas le cas ? Qu’on m’explique !
Question : Pour vous, les Jeux de la Francophonie devraient donc être ouverts ?
Rama Yade : Oui, à tout le monde ! Les règles ne s’imposent pas, ce sont les hommes qui les font. Est-ce que l’on ne peut pas trouver une manière de lever les spécificités partout où elles sont ? Vous savez, pendant des années on a dit que les athlètes handisports et les athlètes valides ne pouvaient pas toucher les mêmes primes en matière d’Olympisme. Il y avait des arguments très rationnels pour le dire, et du jour au lendemain, des hommes ont décidé que ces arguments là ne tenaient plus. Je crois au volontarisme en politique, et davantage encore dans le sport.
Propos recueillis par Laurent Lejard, mars 2010