L’Aveyron, dont nous avons présenté quelques aspects, toujours d’actualité, en 2009 et 2010, correspond peu ou prou à l’ancienne province du Rouergue, théâtre de nombreux conflits (principalement religieux) tout au long du Moyen-Âge et jusqu’au début du XVIIe siècle qui ont laissé de durables cicatrices, tant sur les paysages que dans les esprits. C’est un territoire à la majesté rude, fait de hauts plateaux et de vallées profondes, où les températures peuvent s’affoler dans un sens comme dans l’autre, ce qui explique l’intérêt d’y pratiquer un tourisme de demi-saison… En dehors des villes, moteurs économiques portés à bout de bras par les autorités locales, l’élevage ovin règne en maître (principalement pour le roquefort, enjeu gastronomique et politique), que complète un agro-artisanat dont la qualité des produits a depuis longtemps dépassé les frontières régionales : il suffit, pour s’en rendre compte, de quitter l’autoroute !
Et justement, à une petite heure au nord de Montpellier, bien avant le célébrissime viaduc de Millau, La Couvertoirade permet de faire, en quelques minutes, un bon de plusieurs siècles entre la vitesse frénétique de l’autoroute A75 et la douce lenteur médiévale. L’Aveyron regorge en effet de sites templiers et hospitaliers remarquablement préservés où l’imagination s’envole sans peine… à condition d’oublier les pavés. C’est le cas ici, aux prémices du Larzac : déambuler en fauteuil roulant dans les ruelles de ce bourg fortifié est un enchantement qui se mérite. Faites halte au Point accueil tourisme, situé à droite de la poterne d’entrée, au pied des remparts, vous y trouverez, outre une maquette explicative, la possibilité de découvrir les lieux et leur histoire en visite guidée : bien utile pour mieux appréhender l’endroit. N’oubliez pas de ressortir par le bas du village afin d’admirer la doline (dépression calcaire naturelle) transformée en réserve d’eau pour ovins (lavogne), bien aussi rare que précieux dans la région. Et ne vous offusquez pas du parking payant (4€), il permet de réguler le flux de visiteurs, pléthorique en été, et de contribuer à la préservation de ce patrimoine unique. Emplacements réservés au plus près de la sortie piétonnière.
À une demi-heure de route, Sainte-Eulalie de Cernon témoigne également de la présence templière en Rouergue puisque ses murs abritent une commanderie remarquablement préservée dont, hélas, seuls les extérieurs se découvrent en fauteuil roulant, d’où l’intérêt, là aussi, de parcourir l’endroit en visite guidée. Résidence des commandeurs hospitaliers jusqu’à la Révolution, la petite cité comporte une belle église accessible de plain-pied ainsi que de splendides édifices Renaissance qu’une déambulation plutôt aisée (pas de pavés ici) permet d’admirer au détour des rues. À la fois célèbre et méconnue, ici vécut et travailla l’épicière Maria Grimal qui donna ses lettres de noblesse au roquefort. Utilisez le vaste parking gratuit situé en bordure de centre ancien, où la circulation automobile est règlementée, c’est plus commode.
Jouxtant Sainte-Eulalie, La Cavalerie est également un site templier dont le nom et surtout les très impressionnantes fortifications donnent une idée de l’importance : à découvrir de plain-pied mais, pour que vibrent ces murailles et leur histoire, préférablement en visite guidée, proposée ici comme ailleurs par l’Office de tourisme. Ultime bataille en date ayant ébranlé la région : celle des Rouergats contre les militaires pour la sauvegarde du Larzac, dans les années 1970, prélude réussi aux ZAD actuelles. Les « perdants » n’en ont pas gardé rancune puisque qu’une demi-brigade de la Légion étrangère s’est installée ici en 2015…
Sur la route de Rodez, Micropolis, étourdissante cité des insectes que nous avions présentée en 2009, fête ses vingt ans et continue à se projeter dans un avenir ouvrant à tous l’entomologie chère à Jean-Henry Fabre (1823-1915) né juste en face, dans le village de Saint-Léons. Covid oblige, le parcours de visite a été repensé mais ce sens unique imposé est désormais plébiscité par les visiteurs : fourmis en goguette, ruches transparentes et papillons multicolores voisinent les maquettes géantes et les collections de spécimens remarquablement mises en scène. Un parcours extérieur est en cours d’aménagement à flanc de coteau mais la question de son accessibilité aux visiteurs à mobilité réduite se pose encore : à suivre, donc. Restauration possible sur place, places de stationnement réservé disponibles à côté de l’entrée.
À une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Micropolis, Rodez (on prononce Rodesse) n’a guère changé depuis ce que nous en écrivions en 2009 et 2010 à l’exception notable de l’ouverture récente du déjà incontournable Musée Soulages dont le succès a surpris jusqu’aux initiateurs. Disons-le d’emblée : si l’oeuvre de cet artiste international « transmuteur » de ténèbres en lumière né en 1919 vous est inconnu ou encore obscur, mieux vaut le découvrir en visite (audio)guidée, faute de quoi vous risquez de passer à côté de l’essentiel. Pour le reste, tout est parfaitement aux normes et de passionnantes expositions temporaires autour de l’art moderne et contemporain sont régulièrement proposées au public. Le musée a également réalisé pour les visiteurs aveugles ou malvoyants une fort belle brochure mêlant braille, découpages tactiles et impression relief pour présenter divers aspects de l’oeuvre de Pierre Soulages, un livret en facile à lire et à comprendre est disponible pour les personnes handicapées intellectuelles, les autres aides sont détaillées ici. Si vous arrivez en voiture, utilisez le parking souterrain (peu onéreux) situé en contrebas de la colline, il vous permettra, via l’ascenseur ad hoc, de visiter le musée, et le centre ancien tout proche qui mérite réellement que l’on s’y attarde, au-delà de la spectaculaire cathédrale ou du toujours magique musée Fenaille, l’une et l’autre accessibles sans peine.
Spectaculaires aussi, et à de nombreux égards incomparables, le château et les jardins de Bournazel, situés à une quarantaine de kilomètres de Rodez. D’abord parce qu’il n’est pas ordinaire d’assister à la renaissance d’un édifice… Renaissance, ensuite parce que celui-ci a pu être équipé d’un ascenseur desservant tous ses niveaux, ce qui permet aux visiteurs à mobilité réduite de suivre la visite; il est même possible de se faire déposer en voiture, voire stationner devant l’entrée ! Construit au milieu du XVe siècle dans le style « savant » typique de cette époque, il a subi les vicissitudes de l’Histoire et plusieurs propriétaires, dont les derniers ont entrepris de rendre à ses ailes ouvrant sur l’horizon leur splendeur de jadis : les travaux sont toujours en cours. Meublé dans le goût éclectique de ces collectionneurs, il offre de belles enfilades évoquant le quotidien des illustres personnages qui y ont vécu. En contrebas, les parterres, bosquets et fontaines récemment recréés, classés jardins remarquables, apportent au site une touche poétique où l’on peut rêvasser si l’on ne craint pas les graviers….
À une demi-heure de là, Villeneuve d’Aveyron est une bastide (ville nouvelle du Moyen-Âge) aussi charmante que paisible dont le coeur médiéval, amoureusement préservé mais hélas encore ouvert aux voitures, bat aux rythmes yé-yés et rock’n’roll des années 1960/70 ! Aussi inaccessible en fauteuil roulant que le reste des monuments visitables de la cité (mais la déambulation reste plaisante), la Maison de la Photo, installée dans une imposante maison du XIIIe siècle autour des oeuvres de Jean-Marie Périer (né en 1940 en région parisienne et devenu un enfant du pays), propose une compensation de taille : une salle de projection, également ouverte aux visiteurs valides, diffuse en permanence un film présentant, et surtout expliquant la genèse des images exposées dans les étages; c’est l’auteur lui-même qui s’y colle et c’est passionnant, surtout pour les nostalgiques de cette époque ! Plus près de nous, et beaucoup plus tragiquement, c’est un autre enfant adoptif du pays, le journaliste Michel Renaud, assassiné lors de l’attentat de 2015 contre Charlie Hebdo, qui a été inhumé à Villeneuve.
À quelques encablures plus au sud, au bord de la rivière Aveyron, Villefranche-de-Rouergue, préfecture devenue sous-préfecture, sépare les Causses (terres à blé) du Ségala (terres à seigle). C’est une belle cité dont le centre ancien, assez pentu mais praticable en fauteuil roulant, s’enroule autour d’une place à arcades dont l’un des côtés est occupé par la gigantesque collégiale Notre-Dame, accessible de plain-pied. Faites en sorte de vous y trouver le jeudi, jour de marché : vous vous en mettrez plein les papilles ! Les places de stationnement réservé ne manquent pas sur le « boulevard » qui ceinture la ville dont l’exploration se fait le nez en l’air pour découvrir des trésors architecturaux qui s’étendent du Moyen-Âge au XVIIIe siècle. Parmi eux, il faut absolument visiter la chapelle des Pénitents noirs, accessible par rampe, où l’on ne sait plus vers quoi porter le regard tant y dominent les ors et les figures de l’âge baroque ! Ici comme ailleurs en Aveyron, ayez le réflexe visite guidée : les tarifs sont peu onéreux et les découvertes, y compris gastronomiques, infiniment plus… nourrissantes. Vous apprendrez ainsi l’histoire de la célèbre comptine de Jean Petit, et pourquoi « il danse ». S’il vous reste un peu de temps, passez donc la rivière pour faire un saut à la chartreuse Saint-Sauveur, immense vaisseau de pierre qui a conservé la plupart de ses bâtiments et un cloître dont on murmure qu’il serait hanté…
Achevons cette traversée aveyronnaise par l’un des plus beaux villages de France, perché à une demi-heure au sud de Villefranche : Najac. Sa forteresse médiévale, totalement impraticable aux visiteurs handicapés moteurs, domine le paysage et les antiques maisons qui s’étirent à ses pieds le long de la crête. Pour en apprécier la majesté, passez d’abord par la place du Faubourg, dont la position élevée offre, depuis sa base, un point de vue extraordinaire sur le site. Vous pourrez ensuite descendre la rue du Barriou (ou reprendre votre véhicule pour stationner en contrebas de la route départementale, sous la loge) et découvrir un décor qui semble n’avoir guère changé depuis les origines. La fontaine monolithe du XIVe siècle est un vrai tour de force ! La Maison du Sénéchal impressionne par son austère élégance, celle du Gouverneur, entièrement restaurée et mise en accessibilité, héberge quant à elle un Centre d’interprétation du patrimoine comprenant un espace descriptif du terroir et de son habitat ainsi qu’une collection permanente d’objets archéologiques découverts dans la région (dont un trésor templier !). Des expositions temporaires y sont régulièrement proposées, excellent prétexte à revenir flâner en Aveyron…
Jacques Vernes, septembre 2020.
Sur le web, le site officiel Tourisme Aveyron, au ton délicieusement décalé, permet de préparer un séjour sous tous ses aspects mais la thématique handicap, peu présente en dehors des sites labellisés T&H, nécessite de décrocher son téléphone ou envoyer un mél : aucun souci de ce côté-là, les professionnels du tourisme du département sont depuis longtemps sensibilisés au sujet !