Durant le week-end marquant l’arrivée du printemps, des centaines de sites, hébergements et activités qui ont reçu un label Tourisme et Handicap vont ouvrir leurs portes au grand public pour mieux faire connaître l’offre adaptée. Depuis son lancement en 2002, plus de 3.200 labels ont été délivrés par l’association gestionnaire qui agit comme sous-traitant de l’État, l’association Tourisme et Handicaps (A.T.H). Il faut en effet rappeler que le label et la marque Tourisme et Handicap appartiennent à l’État, le S final établissant la différence entre l’association et le label qu’elle gère.
Or, si ce label a quelque temps constitué un véritable outil de promotion du tourisme des personnes handicapées auprès des professionnels et des acteurs de terrain, les errements actuels de sa gestion ont conduit à son obsolescence : la loi du 11 février 2005 et ses décrets d’application ont en effet renforcé les règles d’accessibilité applicable aux établissements et installations recevant du public, rendant désormais obsolète le cahier des charges que les sites et hébergements touristiques doivent remplir pour obtenir une labellisation.
Décrets et circulaires d’application sont pourtant presque tous parus en 2006, pour une pleine application à compter du 1er janvier 2007. Interrogée récemment lors de la présentation à la presse des journées printanières Tourisme et Handicap (qui s’est déroulée, symbole funeste, dans une salle inaccessible en fauteuil roulant…), la présidente de l’association éponyme, Annette Masson, ne s’en est guère émue : « Il faut attendre que tous les textes réglementaires soient publiés pour mettre les labels à niveau. C’est l’État qui décide de la mise en oeuvre ». Cela veut dire que depuis plus de deux ans les labels délivrés sont en deçà de la réglementation, et que cela va continuer. L’attente risque d’être longue car l’élaboration des textes relatifs aux stations de montagne et autres installations particulières (hôtels-restaurants d’altitude, établissements flottants, enceintes sportives et établissements de plein air, salles de spectacles, chapiteaux) est au point mort : la déléguée ministérielle à l’Accessibilité, Michèle Tilmont, ne l’a, de son propre aveu, pas placé parmi ses priorités. Le délégué interministériel aux Personnes Handicapées, Patrick Gohet, estime en revanche nécessaire de réactiver ce chantier visiblement abandonné.
Cet attentisme n’est pas sans conséquences : sur le terrain, les gestionnaires d’équipements touristiques et les professionnels du tourisme s’interrogent sur l’opportunité d’une labellisation qui ne leur apporte dorénavant aucune garantie. Plus grave, ils redoutent que les investissements réalisés soient insuffisants pour satisfaire à la nouvelle réglementation, avec comme conséquence prévisible la nécessité de procéder ultérieurement à de nouveaux investissements et travaux pour être conforme.
En retardant la mise à niveau de ses labels, l’association Tourisme et Handicaps tire à nouveau une balle dans les pieds (ou les roues) de chaque touriste handicapé : elle avait déjà refusé, en 2004, la proposition du ministre du tourisme de l’époque, Léon Bertrand, de réformer le label au moyen d’une décentralisation de sa délivrance, confiée au département ou la région. Cette occasion de démultiplier les initiatives a été ratée. La labellisation reste donc centralisée entre les mains de quelques personnes qui en décident souverainement, au risque (clairement assumé) de maintenir la marginalisation du tourisme des personnes handicapées encore confiné à une approche sociale tragiquement éloignée du principe de l’accès à tout pour tous.
Laurent Lejard, mars 2009.