Comme tout le monde, les jeunes Sourds ont leur rêve, cette aspiration majeure qui les fait agir. Et ce n’est pas leur handicap qui les empêchera de rêver. Certains veulent devenir footballeur, maquilleuse professionnelle, ingénieur, infographiste, comédien, photographe, ébéniste… D’autres veulent voyager : Etats-Unis, Japon, Portugal… Tous expriment un souhait identique : celui des relations sourds et entendants; ils veulent être respectés, apprendre à communiquer avec les autres et vivre dans le même confort que le monde qui les entoure. Voici quelques-uns de leurs rêves…
Généreuse, aimable, gracieuse, parfois rusée, Florence, 15 ans, imagine son avenir professionnel, le métier qu’elle rêve tellement de faire et qu’elle met en scène sur elle-même : « Oui, j’ai un rêve, devenir maquilleuse professionnelle, car j’aime voir les dégradés de couleurs sur les visages, cela fait rêver et je trouve ça vraiment fabuleux. J’adore la beauté et surtout la mode, c’est aussi ma façon de m’habiller. C’est ce métier qui me donne envie de découvrir la mode. Pour y parvenir, il faudrait que je fasse deux ans de C.A.P, un an de formation et un an de Bac Professionnel. Je veux pratiquer ce métier dans le mannequinat ou bien dans les salons de mariage, pour maquiller les personnes qui vont dans des fêtes ou qui vont se marier. J’aime assortir le maquillage à leurs visages et les rendre plus belles. Je me maquille aussi moi-même et, souvent, mes amies, je leur donne des astuces de beauté ».
Songeuse, Julia, 15 ans, révèle ce qu’elle souhaite vraiment réaliser : « Je voudrais aller en Californie car je vois souvent, dans les magazines, les endroits, les quartiers, le climat, la mer en Californie… c’est beau ! J’ai aussi envie d’acheter les vêtements du même style que les stars et pouvoir aller à Hollywood, pour aller sur ses boulevards où il y a les étoiles dans lesquelles sont gravés les noms des célébrités… » Sur un plan plus professionnel, Julia voudrait être photographe : « Je récupère des magazines de ma mère comme Elle, je m’inspire des plus jolies images. Je prends souvent des photos moi-même, j’en fais des montages et des animations. Un Sourd peut faire ce métier mais je ne connais pas encore le monde de cette profession, les études qu’il faut suivre, les niveaux de difficulté. » Julia confie son rêve de fonder une famille : « Je voudrais avoir deux ou trois enfants, être mariée avec un Sourd, habiter à New York, et m’acheter des vêtements sur la 5e Avenue ! »
« J’aimerais avoir suffisamment d’argent pour faire ce que j’aime. Pas des milliards ou des millions d’euros comme les célébrités : vivre modestement, cela me suffit. Être célèbre, je ne veux pas, ce n’est pas mon genre. J’espère seulement bien vivre le reste de ma vie ». Et rencontrer ceux qui ne sont pas comme elle : « Je voudrais aussi communiquer et apprendre à parler avec les entendants, devenir leur amie. J’espère être heureuse sans souffrir. »
Youssef, 14 ans, garçon attentionné, sérieux et honnête, a une passion pour le football mais craint que les relations sourds-entendants l’empêchent de devenir footballeur professionnel. Mais il va se battre pour pouvoir réaliser ses rêves : « Mon rêve ? Devenir footballeur professionnel, puisqu’en général ce sont les entendants qui passent pour pro, les Sourds, non. Je veux montrer que les Sourds peuvent devenir des professionnels. Il n’y a pas d’études pour être footballeur, il faut commencer ce sport très jeune, faire beaucoup d’entraînements; plus on s’améliore, plus on est fort. J’aime le football car c’est ma passion, mais il faut penser quand même aux autres métiers, dans l’informatique par exemple. Plus tard, je m’imagine dans un club de foot avec les Sourds; avec les entendants ce n’est pas possible. »
Youssef semble ignorer que quelques Sourds jouent dans des clubs professionnels, en France et au Sénégal par exemple, un début d’intégration dont il pourrait profiter. Il parle de ses projets de voyages dans les pays qu’il visitera lorsqu’il sera footballeur professionnel : « J’aimerais aller au Japon et en Amérique. Cela dépendra de la situation, de mon temps libre, de l’argent que j’aurai. Je ne parle pas la langue japonaise, mais l’anglais, je m’y connais ! ». Youssef s’inquiète toutefois du poids des relations difficiles entre sourds et entendants : « Je suis sourd profond mais je parle avec les entendants, le problème c’est qu’ils parlent souvent derrière mon dos. Je voudrais que les entendants ne soient pas racistes à l’encontre des sourds, et qu’ils comprennent pourquoi on est sourd. J’espère que lorsque je serais avec les footballeurs professionnels, on s’entendra bien. Je voudrais que mes rêves se réalisent, surtout dans le football, être comme Zinedine Zidane, c’est mon idole ! »
Agé de 15 ans, drôle, généreux et plein d’imagination, Jimmy raconte sa passion, et son envie d’exercer un deuxième métier : « Je voudrais faire deux métiers dans ma vie, par exemple dans la journée je voudrais exercer comme ébéniste, et dans la soirée être footballeur professionnel. Ebéniste, pour sculpter un meuble très ancien et le moderniser en le vendant moins cher, ce métier je ne suis pas sûr de le pratiquer, mais il me plaît pour le moment. Footballeur professionnel, c’était d’abord l’idée de mon frère, il m’a influencé en parlant sans cesse de match, des footballeurs et, depuis, le football est devenu ma passion. Je pense que je suis capable de faire deux métiers à la fois, même si je suis sourd, ce n’est pas ma surdité qui m’empêchera de travailler. Ce qu’il faudrait faire, c’est se battre pour pouvoir réaliser ses rêves. » Contrairement à Youssef, Jimmy ne craint pas les relations avec les entendants : « Elles ne me posent aucun problème. J’ai beaucoup d’amis entendants, grâce à mon club de foot, je m’entends extraordinairement bien avec eux, et je n’ai pas de difficultés pour communiquer ». Mais comme Youssef, il veut découvrir le monde : « J’aimerai voyager dans le monde entier, apprendre les différentes langues des signes, connaître les différentes traditions, cultures… La langue des signes que j’aimerais apprendre est celle des Etats-Unis. J’apprécierais énormément de rencontrer des sourds qui ont une langue des signes différente de la mienne. » Ce qui le comblerait : « Que mon club gagne contre les autres et que le métier que j’exerce m’intéresse, que je travaille avec plaisir. »
Cheveux châtains, timide, révoltée mais humble, Laury, 16 ans n’a pas de rêve pour son avenir : « Je ne sais pas comment je serais plus tard, je ne m’imagine pas. » Elle s’est pourtant intéressée au métier qu’elle voudrait pratiquer : « Au début, j’hésitais pour devenir interprète, mais j’ai appris qu’une sourde sévère ne pouvait pas faire ce métier et que cela sera difficile pour moi. ». Malgré cela, elle a envie de voyager et d’apprendre. « Je rêve d’aller au Portugal, passer mes vacances dans ce pays, mais pas y vivre. J’aime ce pays parce qu’il est beau, qu’on peut y rencontrer des jeunes; j’aime aussi la langue portugaise, je prendrai plaisir à l’utiliser et les Portugais ont de jolies voix, j’adore leur façon de vivre. Le climat est très agréable, on peut bronzer, se baigner. Je souhaiterais réussir ma vie et j’espère pouvoir aller au Portugal. C’est mon plus grand rêve. D’autres projets pour ma vie, dans l’avenir ou professionnellement, j’en n’ai pas, et je ne veux pas y penser. »
Cette découverte des aspirations de quelques collégiens sourds est une ouverture aux autres. Leurs rêves peuvent se réaliser si tout le monde s’en donne les moyens, pas forcément financiers, parce que c’est aussi une question de motivation. Ils espèrent que la tolérance et le respect des différences se développent, et pour cela, que chacun se mette à la place de l’autre. Ils veulent que tout le monde se respecte dans la liberté des choix, que les Sourds acceptent ceux d’entre eux qui signent, parlent, codent. Et pour faire comprendre ce que subissent les Sourds et les personnes handicapées, ils rêvent que, l’espace d’un instant, les rôles soient inversés…
Mariem Zamouri, collégienne, journaliste stagiaire, avril 2009.
Avec le soutien de la Fondation d’entreprise Veolia Environnement, mécénat de compétences.