Aboubacar Koné est originaire de Sikasso, troisième région administrative et économique du Mali. Cordonnier de métier, il est également un militant dévoué à la cause des plus démunis, membre de l’Association des handicapés du Mali : « Je vois les handicapés physiques comme toute autre personne bien portante, à part certaines activités physiques que les handicapés en général ne parviennent pas à faire. Ils peuvent faire les travaux intellectuels les plus difficiles. Ce sont des personnes qui ont très souvent besoin d’aide en un moment de leur vie, pour s’affirmer et s’intégrer dans la vie active, pratiquent sports et jeux, s’épanouissent dans ces activités ».
Aboubacar Koné a été victime d’une poliomyélite alors qu’il avait 5 ans, qui lui a paralysé les deux jambes. Aujourd’hui, il vit à Bamako, la capitale, et confectionne ou répare chaussures, ceintures, sacs, tout ce qui est en cuir : « Je n’ai pas pu poursuivre mes études après le primaire, j’ai abandonné l’école malgré les efforts de mes parents à me faire changer d’avis. J’ai été envoyé chez un oncle dans le but d’apprendre le commerce avec lui, parce qu’il était commerçant. Après trois années, on m’a ouvert une boutique de vente d’articles divers qui a échoué après seulement une année d’activité, à cause de mon état physique qui faisait que je mettais du temps à servir les clients. A ce moment, j’ai beaucoup regretté l’abandon de l’école et je me suis inscrit dans un cours d’alphabétisation où j’ai fait deux fois 45 jours de formation pour ensuite m’engager comme apprenti cordonnier, et devenir plus tard cordonnier, un métier que l’on fait assis la plupart du temps. Je confectionne et répare les chaussures, les sacs, les ceintures et autres ».
Mais son travail lui suffit à peine pour survivre, sans qu’il puisse envisager l’avenir : « Ne parvenant pas à joindre les deux bouts avec mon métier, je suis célibataire et je vis seul en attendant que mes affaires s’améliorent. Je fréquente une jeune fille sage, que je souhaite marier ». Un avenir qu’il espère améliorer par l’action associative : « Depuis très jeune, je cherchais à créer une association des handicapés, car c’est là que notre salut se trouve. Je suis membre de l’Association Malienne des Handicapés pour le Développement, qui a pour but d’aider les handicapés dans toutes les activités de développement et de promotion, afin qu’ils ne tombent pas dans la mendicité et la pauvreté. Cette association nous aide par des dons en nature à l’approche des fêtes, et nous cherche des subventions pour nos différents projets, même si le montant est faible. Elle fait de son mieux pour notre développement ».
L’État aide-t-il les personnes handicapées ? « Nos véhicules sont exonérés à 100% des taxes douanières, on bénéficie de l’accès gratuit aux stades avec des places facilement accessibles pour nous, on reçoit des dons de diverses natures, surtout à l’approche des fêtes. Beaucoup d’efforts sont faits pour notre développement et nous mettre à l’aise pour tout ce que nous désirons entreprendre. Mais nous sommes très nombreux, les choses deviennent plus difficiles parce que les moyens sont limités ». Et la discrimination sociale est encore forte : « Oui, comme tous mes semblables, quand les véhicules de transport en commun refusent de nous prendre parce que nous sommes lents dans notre déplacement. Nous avons du mal à avoir du travail, et nous sommes très souvent humiliés par certaines personnes qui se moquent de nous ».
Malgré ces difficultés, Aboubacar Koné veut évoluer socialement : « Je compte créer avec un groupe de camarades une fabrique de savon, si nous trouvons les fonds nécessaires; cela nous permettra de subvenir à beaucoup de nos besoins quotidiens qui ne sont pas assurés. Moi, personnellement, je souhaite avoir une formation et des matériels modernes indispensables pour perfectionner et améliorer ma confection de chaussures. Je souhaite avoir un moyen de déplacement me permettant d’être entièrement autonome dans mes activités quotidiennes ».
Il reste optimiste : « La détermination des différentes associations des handicapés à oeuvrer pour le développement socioéconomique des handicapés, et la forte implication des autorités du Mali à aider les handicapés, garantissent un avenir prometteur. Des handicapés sont directeurs, chefs de départements, d’entreprise et autres. Des handicapés visuels au Mali arrivent à faire le branchement de leur ordinateur et se connectent à l’Internet pour rechercher et trouver tout ce dont ils ont besoin. Le 17 mai dernier, Journée mondiale de la télécommunication dont le thème était ‘connecter les personnes handicapées’, beaucoup de choses ont été faites en faveur du développement socioéconomique des personnes handicapées. Beaucoup de choses sont faites par les associations, les autorités, les personnes de bonne volonté, et les personnes handicapées elles-mêmes, pour le développement des handicapés. L’lNAM (ancien Institut des Jeunes Aveugles), le Centre d’Appareillage et d’Orthopédie aident beaucoup les personnes handicapées. Dieu merci, nous évoluons avec les autres ! »
Propos recueillis par Abdoulaye Coulibaly, septembre 2008.