Stéphane est archéologue, Philippe son compagnon boursicote sur Internet. Tous deux vivent ensemble depuis plus de 10 ans, et l’accident qui a rendu Philippe tétraplégique n’a rien changé à leur amour mutuel. Ensemble, ils vont se retrouver au coeur d’une intrigue où des oeuvres d’art exposées au Louvre ont été contrefaites par un réseau d’extrémistes agissant de mèche avec des religieux réactionnaires ! Ils devront démêler les fils d’une affaire complexe sur fond de meurtres, en s’efforçant de préserver leur vie et leurs amis…

Tel est l’argument de l’Or d’Alexandre, dernier roman publié par l’écrivain Olivier Delorme aux Editions H&O. Une fiction au style haletant, parsemée d’événements qui trouvent leur source dans des faits divers et historiques plus ou moins récents et ancrent le récit dans notre réalité. Une réalité dont témoigne le personnage de Philippe, issu de la rencontre et de l’amitié nouée entre l’auteur et l’un de ses lecteurs, Michel Robert, tétraplégique : il travaillait dans une entreprise de champagnisation lorsqu’il fut victime, en 1992, d’un accident automobile dans le cadre professionnel. Depuis, il vit grâce à sa rente d’accident du travail et la majoration tierce personne.

La première rencontre entre Michel Robert et Olivier Delorme remonte à 2002, à Reims, lors d’une séance de dédicace d’un précédent roman, Le plongeon : « L’éditeur m’a mis le roman dans les mains, raconte Michel Robert. Je l’ai lu, puis j’ai écrit à l’auteur. Il m’a répondu, on a entretenu une correspondance jusqu’à ce que l’on se rencontre ». Michel Robert est encore étonné que, ce jour-là, Olivier Delorme se soit accroupi pour lui parler; c’était la première fois que ça lui arrivait : « On ne peut pas expliquer ce qui se passe quand quelqu’un est gentil avec vous ! ». Et cet étonnement a « titillé » Olivier Delorme : « J’ai pensé que s’il a réagi comme cela, c’est qu’il devait se faire traiter bizarrement par d’autres ». Michel Robert précise que des gens qu’il connaissait avant son accident, avec lesquels il travaillait ou faisait du sport, ne le saluaient plus, détournaient la tête…

Des relations amicales se sont établies. Au fil de leurs conversations et rencontres, Olivier Delorme a commencé à percevoir ce qu’était la vie d’une personne tétraplégique, les contraintes quotidiennes, les lacunes d’accessibilité : « J’ai découvert les problèmes sociaux d’une personne lourdement handicapée, l’aide humaine indispensable, les soins quotidiens, jusqu’à l’impossibilité d’aller aux toilettes. Je me suis demandé si l’on en parlait dans la littérature française d’aujourd’hui, j’ai voulu l’écrire, parce qu’écrire c’est agir ! ».

Quand on lui demande quelle part de lui-même, de son expérience de vie, figure dans le personnage de Philippe, Michel Robert répond simplement : « Je n’ai jamais vécu en couple et je ne joue pas en Bourse ! ». Une manière pudique de dire qu’il a tout raconté à Olivier Delorme de ce qu’entraîne une tétraplégie, autant sur le plan physique que fonctionnel, mental, sexuel. Un récit dans toute sa vérité, sa crudité, sans tabou, qui se trouve transposé dans le personnage de Philippe, jusqu’à son appétit de films et revues pornographiques dans lesquels il trouve un substitut à une sexualité devenue impossible à assumer. « Mes personnages sont imaginaires, complète Olivier Delorme, mais pour que le personnage de Philippe ait une densité humaine, qu’il soit crédible, j’avais besoin du témoignage de Michel ». Michel Robert vouvoie son auxiliaire de vie qu’il appelle par son nom, « Madame Deplanque », plutôt que par son prénom, Josyne; cette relation de tendresse mutuelle et de profond respect dure depuis 10 ans, l’un et l’autre ayant accepté les compromis d’une vie commune durant la majeure partie de la journée.

Olivier Delorme a su transposer cette relation qui fonctionne remarquablement bien sous sa plume, dans toute la diversité des tensions et des satisfactions du quotidien : « Je ne voulais pas faire de Philippe quelqu’un de différent dans l’esprit du lecteur dès le début du roman. J’ai attendu la centaine de pages pour annoncer la tétraplégie, le personnage étant déjà construit. C’est un effet romanesque, pour que le lecteur ressente une ‘grande gifle’ au moment de l’annonce du handicap, parce que le personnage ne se comporte dans la vie comme un gars en fauteuil, mais comme n’importe qui ».

Un point de vue approuvé par Michel Robert qui estime qu’annoncer le handicap dès le début aurait pu rebuter le lecteur. « Le rejet, reprend Olivier Delorme, on le trouve quand on est gay, handi, autre chose, c’est toujours la même connerie même si elle trouve des objets différents. Je n’avais pas idée que le rejet des personnes handicapées puisse exister, je pensais à la commisération, mais au rejet, non »…

Si finalement l’énigme de l’Or d’Alexandre est résolue dans les dernières pages du roman, l’histoire n’est pas terminée : intelligemment construits et bien installés dans leur vie et leur couple, les personnages de Philippe et Stéphane sont destinés à réapparaître dans les futurs romans d’Olivier Delorme, pour montrer d’autres possibles, contribuer à l’ouverture des mentalités. A suivre, donc, pour de nouvelles aventures…

Laurent Lejard, mars 2008.


L’Or d’Alexandre, par Olivier Delorme, Editions H&O, 23€, en librairies.

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