Gérard Masson a été élu en 1995 au conseil municipal de Jonzac, sous-préfecture de Charente-Maritime et ville thermale qui soigne rhumatologie et O.R.L. La géothermie a permis de créer « Les Antilles de Jonzac« , vaste centre aquatique à ambiance tropicale qui reçoit 300.000 visiteurs chaque année. La ville investit, mais sa communauté d’agglomération n’a toujours pas créé la commission d’accessibilité instaurée par la loi de février 2005. Gérard Masson y occupe la fonction de second adjoint au Maire : « On a fait appel à moi, pour être le ‘handicapé de service’, comme cela se passe dans les petites villes qui comptent une personne en fauteuil roulant ». Et comme souvent, ce n’est pas l’appartenance politique qui a été déterminante, Gérard Masson n’étant d’ailleurs pas encarté, mais l’envie de servir une population au sein de laquelle il est né : « Dans nos campagnes, on a la chance que le consensus s’établisse, même si des élus ont une appartenance politique ».
« J’ai mis du temps à essayer d’expliquer ce qu’est le handicap à mes concitoyens. J’ai cru que j’allais les ‘vacciner’ tout doucement en étant adjoint au Maire; je pense qu’aujourd’hui je n’y suis pas encore parvenu. Ce qui me fait un peu de peine et m’inquiète, c’est que si on n’est pas présent en permanence, il n’y a pas de vaccin ! On te comprend quand tu es sur place, mais dès que tu as le dos tourné, on retrouve les marches, les gènes, les portes trop étroites… Par exemple, j’ai assisté à la construction d’un cinéma, et à la fin, l’architecte a enlevé trois sièges au premier rang parce que pour lui, c’était la norme, alors que je lui avais demandé d’imaginer les places fauteuil à d’autres endroits dans la salle. A Jonzac, la place Fillaudeau, très agréable, a été dotée d’un plan incliné sur un côté… et de quatre marches à l’opposé : pour l’architecte c’est pas grave, il suffit de faire l’aller et le retour ! »
« Je suis né dans ce village, j’y ai passé 60 ans de ma vie, l’équipe municipale, ce sont tous des amis, ils m’écoutent, mais si j’ai le dos tourné, pour eux une marche de 10 centimètres ce n’est pas une marche ! La question, on ne se la pose pas et on est toujours en train de refaire… et c’est fatigant ». Les thermes sont accessibles, son environnement également, mais le plan incliné de la Salle des Fêtes est jugé « intolérable », de même que l’accès à l’ascenseur des Antilles inaugurées récemment. Ce contexte n’encourage pas Gérard Masson à envisager de se présenter comme maire : « On n’utilise pas dans une petite ville comme Jonzac le fait qu’avec un adjoint en fauteuil roulant on puisse parler, discuter des aménagements nécessaires, on fait confiance aux architectes. J’ai failli abandonner, mais il ne le faut pas; je pense qu’il est indispensable de continuer à s’intégrer dans les conseils municipaux, on peut faire passer un certain nombre de messages. Tout le monde s’imagine que je serai maire de Jonzac parce que cela fait 13 ans que je siège au conseil municipal. Je ne serai pas maire de Jonzac et je ne me présenterai aux prochaines élections que si l’équipe municipale actuelle se rajeunit un peu et si on me donne quelques assurances quant aux actions futures en direction des personnes handicapées, sur l’accessibilité et l’aide à la vie à domicile ».
Même si, quand il évoque les autres handicaps, il a l’impression que les Jonzacais vivent sur une autre planète : « Lorsque j’ai proposé que l’on place des pictogrammes à la mairie pour aider les personnes sourdes à s’orienter, on m’a répondu ‘ce n’est pas la peine, on va aller à leur domicile’. On préfère envoyer une assistante sociale chez un aveugle plutôt que de lui donner les moyens de se déplacer jusqu’aux services publics. Quand on parle à de jeunes trisomiques, pas seulement à Jonzac, on ne regarde pas leur sourire, on regarde de l’autre côté quitte à heurter un mur »…
Propos recueillis par Laurent Lejard, décembre 2007.
PS : Gérard Masson a démissionné quelques semaines avant la fin de son mandat et a abandonné la vie politique.