Le hasard d’une conversation en direct sur Internet il y a quatre ans, via un Chat généraliste, est à l’origine de la rencontre de Marie-Antoinette et de Sébastien. Cherchant des conseils en informatique, elle a trouvé à la fois un spécialiste en la matière… et l’homme de sa vie. Leur relation fut d’abord épistolaire, entre deux êtres qui se découvrent, apprennent à se connaître. Mais ce que Sébastien n’avait pas compris, en lisant son profil web, c’est que Marie-Antoinette était en fauteuil roulant. Peu lui importait, d’ailleurs, parce que pour Sébastien le handicap moteur lourd de Marie-Antoinette, séquelles d’une amyotrophie spinale, n’y changeait rien : il la trouvait agréable, ouverte, vivante, il l’aimait déjà, elle était le soleil venant le tirer d’une existence morne, coincé qu’il était dans un milieu familial peu compréhensif, fermé à ses problèmes de jeune homme tentant de faire sa vie. « Sans Marie-Antoinette, lâche-t-il, je ne serais plus de ce monde ! ».
« On a passé de longues heures au téléphone, confie Marie-Antoinette, on dormait même au bout du fil ! J’ai expliqué mon handicap, ce que je pouvais faire ou pas ». Et puis vint le jour tant attendu de la première rencontre en face à face : « C’est moi qui ai fait le voyage, raconte Marie-Antoinette. J’ai pris le train depuis Paris pour Belfort, mes parents n’étaient pas au courant. Pour ma famille, il était inconcevable que quelqu’un puisse être amoureux de moi ! ». « Tout c’est passé naturellement entre nous, complète Sébastien. Dans ma famille, mon père n’a rien dit, ma mère a été très négative ».
Marie-Antoinette avait eu quelques aventures amoureuses, comme Sébastien d’ailleurs, mais en le rencontrant, elle se voyait pour la première fois construire une vie à deux. Ils avaient pris le temps de se découvrir, leur première rencontre leur permettait de se toucher, avec la crainte, pour Marie-Antoinette, de décevoir Sébastien : « Il s’attendait peut-être à autre chose. Mais non, il m’a portée, il a eu les gestes qu’il fallait, comme ci c’était depuis 20 ans… »
Durant des mois, ils se sont vus toutes les deux à trois semaines, Sébastien travaillait temporairement. Son contrat terminé, fin 2003, ils ont décidé de s’installer ensemble dans le bourg du Val d’Oise où Marie-Antoinette résidait chez ses parents. Elle les a quittés : « Mes parents étaient réticents à me laisser partir, vivre avec un garçon avant le mariage… Et ils craignaient que Sébastien profite de moi ». Une appréhension qui disparut rapidement, Sébastien assurant efficacement l’aide quotidienne dont Marie-Antoinette avait besoin. Sébastien a certes, de son côté, perdu un ami, qui n’a pas accepté cette relation, mais il en a gagné bien d’autres.
Faire la part de l’amant et de l’aidant, ils ne s’étaient pas posé cette question avant d’assister au séminaire « Vie affective et sexuelle » qui s’est déroulé le 31 mars dernier à Strasbourg. « En entendant des témoignages, explique Marie-Antoinette, on a réalisé que peut-être à long terme notre relation serait affectée, que Sébastien se fatiguerait de son rôle d’aidant, qu’il pourrait perdre sa place de conjoint. On a alors décidé d’engager des démarches pour obtenir une aide humaine qui assure l’essentiel, Sébastien n’étant aidant que dans le cadre intime ». Leur vie commune est également sexuellement épanouie : « Je me sens vraiment femme avec Sébastien », confie-t-elle pudiquement. « Notre relation est fusionnelle, complète Sébastien. On arrive à se comprendre sans débattre, ni parler ». Ils ont pourtant été séparés toute une semaine, durant une hospitalisation de Marie-Antoinette : « C’était la première fois qu’on était séparé, c’était dur, tellement on était habitué à l’autre ».
Ils envisagent d’avoir un enfant, après le mariage : « Comme j’ai une maladie génétique, explique Marie-Antoinette, il a fallu faire des recherches. Il n’y a pas de risque de transmission à l’enfant. Je cours un risque lié à mon état général et je devrai accoucher avant terme, à six mois ». Elle sera suivie par un service spécialisé dans la prise en charge des grands prématurés dont les médecins l’ont accueillie de manière ouverte, sans lui cacher les difficultés ni chercher à la décourager, contrairement à d’autres. Marie-Antoinette et Sébastien devront par ailleurs affronter deux difficultés : la première, leur logement trop petit, ce qui les conduira à déménager; par chance, la municipalité de leur ville leur promet un appartement dont ils pourront définir au préalable les aménagements utiles dans une résidence prochainement construite. Mais ils seront confrontés à l’absence de prise en charge des aides humaines destinées au parent d’un enfant handicapé, dispositif social qui reste à inventer. En attendant cette échéance, Marie-Antoinette et Sébastien préparent le jour de leur union officielle, qui sera célébrée le 12 juillet 2008 au Plessis-Bouchard…
Laurent Lejard, novembre 2007.