Prescillia, Pauline, Aure et Marie vivent à l’institut d’éducation motrice Paul Durand Viel, dans les environs du Havre (Seine-Maritime), un établissement dont l’atelier « look » avait conduit, il y a quelques années, ses résidents jusqu’au Sénégal. Lesquels sont, par ailleurs, les mannequins des défilés de mode organisés par l’association Regard de soie, qui les a ménés jusqu’à Cannes en juin 2006. Prescillia, Pauline, Aure et Marie participent à l’atelier « Image de soi » qui apprend depuis plus de dix ans aux jeunes pensionnaires et externes à valoriser leur corps et leur apparence.
Prescillia, qui marche avec difficulté, se coiffe, se maquille parfois. Elle à recours à une brosse classique pour ses cheveux mi-longs, les attache avec des chouchous ou des élastiques. Pour se maquiller, elle utilise pinceaux, mascara, crayons : « Je choisis les teintes en fonction de ce qui correspond à la couleur de mes yeux. Ce n’est pas parce que je ne vais pas au collège que je ne dois pas me faire belle ! ». Pour les vêtements, elle associe le blanc, le beige, aime le rose, joue sur le mélange des couleurs : « Je suis très pantalon, large ou serré, j’aime bien mettre une jupe pour une fête même si ça me pose quelques problèmes. Pour les chaussures, je n’ai pas le choix, je porte des orthopédiques en cuir noir parce que ça va avec presque tout. J’aimerais mettre des baskets, mais je n’en ai pas trouvé qui me plaisent en orthopédie ». Bague, boucles d’oreilles, collier, Priscilla apprécie les bijoux.
Marie, quant à elle, laisse onduler ses cheveux. Elle utilise peu de produits, se maquille surtout le week-end, chez ses parents. Elle aussi est plutôt pantalon, avec une préférence pour les jeans larges et sans ourlet ; dès que le temps s’y prête, elle est en débardeur. Pauline, son amie, ne parvient à se coiffer que sur le dessus et le devant : « Je suis toujours coquette, j’aime bien me maquiller pour sortir. C’est ma mère qui le fait, sinon je mets les produits à côté ». Elle s’habille toujours en pantalon, avec taille élastique : « Une jupe, pour moi qui suis tout le temps assise, ça serre trop, je ne peux pas supporter ». Elle apprécie les tee-shirts, les débardeurs, coordonne ou marie les couleurs.
Côté épilation, Prescilla préfère se raser, Marie emploie une crème dépilatoire : « Au début, c’est ma mère qui le faisait, maintenant je me débrouille seule ». Toutes les deux trouvent que la cire fait trop mal. Marie s’est risquée aux piercings (nombril, arcade sourcilière) mais a dû les enlever : elle déconseille le piercing au nombril à tous ceux qui vivent assis, le risque d’infection étant élevé. Attention aussi au vernis à ongles coloré en cas de tremblement des mains ! Le brushing leur est plus facile au fer à lisser qu’à la brosse et au sèche-cheveux. L’usage des pinceaux est délicat : les jeunes femmes privilégient les teintes claires et le gloss. Elles multiplient les essais de maquillage, de vêtements, pour trouver ce qui leur va bien au quotidien, s’entraident pour se coiffer, se limer les ongles, essaient des trucs ensemble, en fonction de leurs capacités motrices.
Aure, infirme motrice cérébrale privée de la parole, a rejoint l’atelier pour se préparer à l’élection de Miss Paul Durand-Viel en 2005 : bien lui en a pris, c’est elle qui a été élue ! Elle se fait faire les ongles le week-end par sa mère, apprécie les parfums. Pauline en est presque une collectionneuse, Prescilla essaie ceux de son père en plus des siens, Marie pique dans ceux de sa mère.
Plus âgées, Clémence et Florentina, également infirmes motrices cérébrales, résident dans un établissement d’apprentissage de l’autonomie, Passer’aile, à Magny-le-Hongre (Seine-et-Marne). « Pour avoir des produits qui n’abîment pas la peau, estime Florentina, il faut utiliser des marques. Et savoir si on est allergique à certaines substances ».
Pour s’épiler, Florentina préfère les bandes de cires parce que la repousse est plus lente et moins importante. Elle utilise un gloss légèrement rosé pour les lèvres. Chaque matin, Florentina fait un soin complet du visage, avec une crème de jour et un correcteur de teint qui estompe les boutons et agit sur les rougeurs de la peau : « Le crayon à paupières n’est pas évident à appliquer, il est dangereux de le faire soi-même si l’on ne maîtrise pas ses mouvements. Les crèmes sont faciles à appliquer au tampon ou à la main. Pour les sourcils, je les épile à la pince, parce que la repousse se fait dans le bon sens, mais cela nécessite une bonne coordination des mouvements et beaucoup de patience ».
Florentina n’hésite pas à demander de l’aide lorsqu’elle ne peut réaliser des actes minutieux. « Le soir, poursuit-elle, il est important d’enlever le maquillage, de bien se démaquiller, même si cela prend du temps. Sous le maquillage, la peau ne respire pas ». Même si cela peut sembler pratique, elle n’envisage pas le maquillage permanent : « On se maquille en fonction de ses habits, de son humeur, de ses envies ». Clémence se maquille moins que Florentina : « J’y pense moins, mais j’aime bien, j’éprouve un grand plaisir même si je ne peux pas me maquiller seule ». Elle se fait faire les yeux, au mascara et au fard à paupières, parfois elle traite son visage avec un fond de teint. Ses cheveux sont tenus par des pinces ou un bandeau.
Et les garçons ? Retour à l’I.E.M Paul Durand Viel. Romain a adopté, comme beaucoup d’adolescents, le jean et les sweat-shirts : « Je fais attention comment je m’habille. Je préfère le noir, j’apprécie les baggy ». Ses cheveux courts lui font s’exclamer : « le brushing, c’est pour les filles ! » ; il traite toutefois sa peau contre les points noirs. Samuel, I.M.C, ose quant à lui le contraste du tee-shirt jaune moutarde sur sa peau noire ; lui aussi ne porte que des jeans, baskets et tee-shirts. Il se rase à la tondeuse, laissant sur ses joues de larges favoris taillés ras, de même qu’une pointe de barbe au menton.
Clémence, de Passer’aile : « Dans l’établissement, il y avait un atelier esthétique assuré par une esthéticienne, c’était chouette, un temps pour nous, on apprenait des choses. L’atelier est actuellement en cours de restructuration ». Les jeunes hommes participaient peu à cet atelier, surtout pour des soins du visage, le nouveau les prendra davantage en compte, avec une approche spécifique. Clémence conclut : « On se maquille et on se fait belle pour soi, ça montre aussi qu’on est bien dans sa peau, et que les autres sont bienvenus ».
Laurent Lejard, mars 2007.