Martin Deschamps cadre assez bien avec l’image, un peu stéréotypée, que l’on a des rockeurs tendance hard. Mais son sourire et sa gentillesse, ainsi que son physique hors-norme, en font une exception dans un monde de brutes réelles ou revendiquées ! Car Martin Deschamps a subi les conséquences d’un médicament pris par sa mère (selon elle) et voisin de la Thalidomide, cette substance chimique qui tua de nombreux nouveaux nés et laissa des séquelles invalidantes aux survivants, essentiellement des membres atrophiés. Ce médicament est probablement la cause de l’absence d’une jambe, d’un avant-bras et d’une main réduite à deux doigts chez notre rocker.
La passion de la musique et du chant lui est venue très jeune : « Dès mes 4 ans, je fouillais dans les disques des parents, j’écoutais Elvis, j’aimais les rythmes latins, le calypso. J’ai reçu ma première batterie à l’âge de 11 ans, j’avais formé un petit groupe, on jouait dans la cave, mes parents ont souffert tout en m’encourageant, ils m’ont laissé beaucoup de liberté, m’ont donné mon courage et ma détermination. Très jeune, j’ai eu une petite motoneige et un tricycle. Mon père a inventé plein de trucs, pour que je skie, que je puisse jouer de la batterie. Après deux, trois ans, j’ai eu envie de composer et j’ai découvert la basse, qui est devenue mon instrument de prédilection. J’ai cherché et trouvé mon groove. Ça m’a amené à faire des concours, ma carrière a été lancée grâce un concours radiophonique en 1996. J’avais remporté le titre de chanteur de l’année, ça m’a ouvert des portes. Avant, je faisais le circuit des bars. J’habite à Rawdon, à une heure au nord de Montréal, près des Laurentides. Après le concours, le public savait que j’existais, on a réalisé d’autres titres, et une maquette qui n’a pas vraiment fonctionné à ce moment ». Le groupe Offenbach partait alors en tournée pour la promotion d’un best-of et avait besoin d’un chanteur leader. Martin Deschamps fut engagé, et propulsé dans le show et les spotlights qu’il n’a plus quitté depuis.
Il s’est produit dans les plus grandes salles du Québec : « Les trois-quarts de la population sait qui je suis, le quart restant c’est les anglophones (rires). Même si je suis bilingue, que j’ai des titres en anglais, et que je reprends des titres d’AC-DC ou d’autres groupes qui m’ont influencé dans ma jeunesse. J’ai réalisé cinq albums, avec diverses influences, dont les rythmes latins, la country. Mais fondamentalement, je suis un rocker, après avoir eu une période reggae ». Et militant, ses béquilles arborent le Peace and Love, symbole de la paix. Il abandonne une partie du bénéfice de ventes de disques à des associations, s’engage régulièrement aux côtés des personnes handicapées, en étant porte-parole lors de la semaine annuelle qui leur est dédiée au Québec : « J’ai toujours ressenti une grande indifférence vis-à-vis de ma condition de personne handicapée, je n’ai pas de retenue, d’inhibition. Petit, je jouais déjà les vedettes, j’aimais attirer l’attention. Evidemment, on me remarquait pour ma différence, mais j’attirais les gens par mon attitude enjouée, positive, animée. C’est là qu’est la magie. Je me sens très privilégié de faire ce que je fais, les autres le comprennent vite, ils réalisent que mon handicap ne m’handicape pas beaucoup, qu’il est une force, et si je ne peux pas faire du patin à glace, je m’en fous ! ».
Les téléspectateurs québécois peuvent le voir dans un autre métier, celui de présentateur d’une émission de documentaire sur des gens passionnés, hors du commun, Caméra tout terrain, diffusée sur Canal D. Il aimerait bien également sortir des limites de la Belle Province, l’enthousiasme du public français l’attire, mais il reste conscient d’un certain décalage : « On parle la même langue mais parfois on ne se comprend pas. Je vais raffiner mes textes, ma prononciation parce que le public français fait attention aux textes. Je vais travailler avant de me lancer, pour être à la hauteur. C’est ce que je fais dans ma nouvelle maison de disques ». Et à 36 ans, il mène également la vie tranquille d’un père de famille : « Lou est née il y a trois ans et demi, depuis j’essaie de garder ma folie, mais je réserve aussi beaucoup d’énergie pour elle. Ma carrière continue, avec l’inspiration que Lou m’amène, et en criant ma chance ! ».
Laurent Lejard, février 2007.
Pour en savoir plus : Martin Deschamps se raconte dans la biographie Portrait d’un rocker, parue aux Éditions au Carré (Canada) sous la signature de Maryse Pagé.