Le département du Haut-Rhin a connu des vicissitudes historiques similaires à celles de son voisin du Bas-Rhin, longtemps disputé comme toute la région (Lorraine comprise) par deux puissants ennemis : la France et l’Allemagne. La paix revenue, et la « barrière » des Vosges aidant, il subsiste cette impression délicieusement dépaysante de contrée un peu à part qui préfigure peut-être la réalité européenne de demain.
Avec un centre historique habilement mis en valeur, Colmar, la préfecture, est un véritable joyau architectural. Miraculeusement épargné par les conflits, le coeur de ville (plat et partiellement piétonnier) a conservé ses constructions typiques à pans de bois et ses ruelles étroites tout droit sorties du Moyen-Âge. Un décor qui devient féerique lors du traditionnel marché de Noël et qui, à la belle saison, offre au visiteur la profusion de ses balcons fleuris : l’Alsace éternelle !
Incontournable, la célèbre Maison des têtes, dans la rue du même nom, abrite un établissement hôtelier de luxe mais on peut en contempler la façade de grès jaune agrémentée d’une centaine de statues. Grès jaune également pour la collégiale Saint-Martin, dont la construction s’étala du XIIe au XVIe siècle. Sur sa droite, l’ancien corps de garde, avec sa loggia Renaissance, donne accès, via un ancien marché couvert, à la rue des Marchands et ses superbes maisons. Le Musée Bartholdi, qui y est installé, est hélas inaccessible en fauteuil roulant mais on peut en découvrir la cour. Bartholdi, à qui on doit notamment la Statue de la Liberté et le Lion de Belfort, est en effet né à Colmar. En descendant la rue des Marchands, on parvient, par la place de l’Ancienne Douane (ou celle du Marché aux Fruits) à la rue des Tanneurs dont le nom, avec celui du quai de la Poissonnerie, évoque une activité liée à l’eau. Ainsi, le bien nommé quartier de la Petite Venise enchantera les promeneurs par son atmosphère typique et ses terrasses malgré des pavés parfois difficilement carrossables.
Autre « star » de Colmar, le Musée d’Unterlinden est situé juste en face de l’office de Tourisme, sur une jolie place ombragée. On y vient du monde entier contempler le célèbre retable d’Issenheim, peint par Matthias Grünewald au XVIe siècle. Il est heureux que cette oeuvre maîtresse soit exposée au rez-de-chaussée, seule partie du musée accessible en fauteuil roulant… Même configuration pour l’église des Dominicains, où l’on peut découvrir un autre chef d’oeuvre, sur fond d’or : la Vierge au Buisson de Roses de Martin Schongauer.
A quelques encablures de Colmar, la Route des vins (qui couvre deux départements) s’étire paresseusement à flanc de coteaux dans des paysages splendides aux couleurs changeant selon la saison. Elle est ponctuée de petits villages de carte postale où il est possible de déguster les célèbres nectars locaux. Entre Ribeauvillé et Riquewihr, le hameau d’Hunawihr abrite deux attractions touristiques accessibles (parking aisé) qui méritent le détour : les Jardins des papillons et, juste à côté, le Parc des cigognes et des loutres.
Le premier propose, sous une serre remplie d’orchidées, la découverte de différentes espèces exotiques de papillons qui y volettent librement : pensez à vous habiller (légèrement) de couleurs vives si vous souhaitez attirer leur curiosité ! Un éclosoir permet en outre d’assister à des naissances, occasion rarissime dans la nature. Quelques vivarium complètent le dispositif, où se dissimulent phasmes et caméléons. Juste à côté, la seconde étape, beaucoup plus vaste, vous donnera l’occasion de voir de très près l’oiseau emblématique de l’Alsace puisque le parc des cigognes a contribué à la réintroduction de ce volatile dans la région. Les innombrables (et bruyants) oiseaux que vous découvrirez ont été acclimatés pour demeurer sur place à l’année. Un aquarium présente quelques variétés locales de poissons ; des loutres s’ébattent paisiblement dans l’une des pièces d’eau du parc : succès garanti auprès des enfants ! En saison, un spectacle aquatique avec pingouins est proposé à heures fixes. Seul bémol : l’accès fauteuil roulant est parfois rendu malaisé du fait de graviers. Sachez enfin qu’il vous sera possible de vous restaurer sur place et que les toilettes sont accessibles.
A cheval sur plusieurs départements, le parc naturel régional des Ballons des Vosges offre de majestueux paysages forestiers que dominent parfois de romantiques châteaux en ruine. Célèbre par son fromage, Munster occupe le coeur de cette partie plus sauvage de la région. C’est le terroir de l’association Libre, qui propose depuis de nombreuses années un hébergement et des activités (estivales comme hivernales) parfaitement accessibles s’étendant sur toute la région. Le cadre splendide où est enchâssé le gîte depuis lequel s’effectuent ces activités vaut à lui seul le détour…
En descendant vers Mulhouse se dessine un paysage plus industriel, celui des carreaux de mine de potasse, un minerai utilisé comme engrais. Comme un pied de nez à la modernité, c’est là, sur la commune d’Ungersheim, qu’a été implanté il y a plus de vingt ans l’Ecomusée d’Alsace, un incontournable. Sauvées in extremis par quelques passionnés, 70 maisons traditionnelles authentiques provenant de toute la région ont trouvé ici une seconde vie, démontées puis restaurées et dévolues, grâce à une muséographie vivante, aux arts et traditions alsaciens. On y croise également de nombreux animaux de la ferme. L’accessibilité est incomplète (tout ne se visite pas en fauteuil roulant) mais la simple déambulation dans ce « village » à la rencontre d’artisans pratiquant des métiers en voie de disparition (ferronnier, charron, bouilleur de cru, etc.) est un enchantement. Ne manquez pas l’étrange collection d’art brut dédiée à André Bindler, tisserand devenu sculpteur. En saison, le programme des animations s’étale sur toute la journée. Parking aisé, restauration et hébergement possibles sur place.
Ville la plus importante du département en termes d’habitants, mais simple sous-préfecture du fait de l’histoire, Mulhouse compense son déficit en richesses architecturales (qui se réduisent à quelques rues du centre-ville) par un patrimoine muséal de niveau national. Devenue française seulement en 1798, Mulhouse a longtemps été une capitale industrielle : textile, tannage, puis chimie et mécanique à partir du XVIIIe siècle ; la proximité du bassin potassique au nord permit la création d’emplois tout au long du XXe siècle. Après la crise qui a frappé le textile au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, une réorientation s’est opérée avec l’implantation d’un centre de production automobile (P.S.A) qui est le premier employeur d’Alsace.
Fort d’une agréable muséographie contemporaine, le Musée de l’Impression sur étoffes (labellisé Tourisme et handicap moteur) retrace l’histoire des célèbres « indiennes », leur fabrication, leur importation en masse, leur copie par des industriels locaux, et comment la ville en est devenue la capitale (il n’en subsiste rien aujourd’hui). Le musée, qui est aussi un conservatoire de cette technique, comprend également un atelier d’impression sur tissus et propose de très belles expositions temporaires.
Du textile à l’automobile : Mulhouse est universellement connue grâce au Musée national de l’Automobile, constitué à partir de l’incroyable collection des frères Schlumpf dans le contexte de crise de la fin des années 1970. Longtemps tenue secrète, en partie cause de la ruine de l’entreprise textile de ses propriétaires, la collection ne fut « révélée » qu’en mars 1977, lorsque des syndicalistes y pénétrèrent, découvrant avec stupéfaction plusieurs centaines de véhicules historiques en parfait état de marche. Sensation toujours intacte lorsqu’on pénètre pour la première fois dans l’immense hangar de plain-pied où s’étalent à l’infini, grâce à un habile jeu de miroirs, parmi les plus beaux modèles de voitures de luxe au monde avec une préférence quasi obsessionnelle pour le fleuron local : Bugatti… Difficile, ensuite de visiter un autre musée automobile ! Seule frustration, habituelle dans ce style de muséographie : on n’aperçoit la plupart des véhicules que derrière des barrières (sauf rares exceptions, dont la fameuse Bugatti royale). Les personnes fatigables pourront emprunter un petit train (non accessible) qui sillonne les allées, et les passionnés de bruits de moteur s’en mettront plein les oreilles dans une galerie spécialement dédiée. Parking aisé, cafétéria et toilettes accessibles.
Egalement géré par Culturespaces, le Musée du Chemin de fer, en périphérie de la ville, vaut lui aussi le voyage. Moins « monomaniaque » mais tout aussi spectaculaire que la Collection Schlumpf, il intéressera plus facilement toute la famille. Imaginez une vaste gare de plain-pied fleurant bon la créosote et la graisse de machines où attendraient à quai des trains aussi prestigieux que l’Orient Express au milieu de vapeurs et de fumées propres à la rêverie. De quoi passer la journée si on en explore tous les recoins ! Outre un nombre impressionnant de locomotives, on peut y découvrir des wagons historiques, dont certains accessibles grâce à une passerelle judicieusement placée à hauteur de fenêtres. La technique n’est pas oubliée, de même que les réseaux miniatures. Parking aisé, restauration possible sur place.
Juste en face, les amateurs de technologie liée à l’électricité se régaleront à visiter Electropolis. Edifié sur le noyau d’une « grande machine » en fonction de 1901 à 1947, le musée, parfaitement accessible en fauteuil roulant, dispose d’une boucle magnétique. On y retrace, dans une muséographie très élégante, toute l’histoire de cette énergie depuis l’Antiquité. A noter, une salle originale et nostalgique consacrée à l’évolution des équipements électroménagers. De nombreuses expériences sont disponibles en démonstration mais le moment fort de la visite reste sans conteste la mise en lumière très réussie de la « machine ». Une manière de méditer, avec des yeux d’enfants, sur le devenir de toute la région…
Jacques Vernes, avril 2007.
Sur le web, le site Tourisme 68 propose une information généraliste sur le département, avec une rubrique consacrée au label Tourisme et handicap. Réalisé en Flash, son accessibilité aux déficients visuels n’est toutefois pas garantie.