Cela se passait le 14 octobre dernier à Paris, dans les imposants salons d’honneur de l’Hôtel de Ville. Six personnes handicapées motrices recevaient leur chien d’assistance, dans l’émotion et les larmes des familles d’accueil, des bénéficiaires et du public. Organisée par Handichiens (ex-Anecah), cette cérémonie à la fois solennelle et amicale témoignait de l’engagement et du don des dizaines de familles qui élèvent des chiots, participent à leur éducation, pour qu’ils deviennent d’efficaces chiens d’assistance et soient, à l’âge de deux ans, offerts à une personne lourdement handicapée. Offerts, parce que le bénéficiaire ne paie pas l’animal, mais pas gratuit : le coût moyen d’élevage et d’éducation d’un chien d’assistance ou d’un chien guide d’aveugle, dans laquelle des professionnels interviennent, est compris entre 12.000€ et 15.000€. Multipliez par 60, nombre d’animaux remis cette année par Handichiens, et vous connaîtrez le budget annuel dégagé par l’association pour cette opération…
« Ce qui est réglé, précise Hélène Bost-Hourticq, présidente de l’association Handichiens, c’est la prise en charge de l’entretien des chiens. Chaque bénéficiaire reçoit 50€ par mois, au titre de la Prestation Compensation du Handicap, pour la nourriture et les soins vétérinaires. Mais pour l’éducation, il n’y a rien encore ». Pourtant, la loi du 11 février 2005 stipule que la P.C.H « peut être affectée […] à des charges […] liées à l’attribution et à l’entretien des aides animalières ». Mais en pratique, seuls les textes réglementaires relatifs à l’entretien ont été élaborés et mis en oeuvre. Laurence Tiénot-Hermant, présidente de l’Association Française contre les Myopathies, rappelle que l’aide animalière est un moyen de compensation du handicap : « Ce qui se joue entre la personne ‘différente’ et le chien est quelque chose de magique, de formidable, qui mêle l’émotion, la chaleur, la convivialité, la complicité et bien évidemment la réponse aux besoins. Mais pour l’A.F.M, il est clair que quel que soit le moyen de compensation permettant de réaliser son projet de vie, il ne doit y avoir pour la personne aucun surcoût ou dépense à sa charge. Il est anormal que le coût d’éducation des animaux d’assistance repose sur la personne handicapée ou les associations ».
Patrick Gohet, Délégué Interministériel aux Personnes Handicapées, évoque la question qui bloque: qui doit être propriétaire du chien? « Les associations n’ont pas, sur ce point, la même position. La Fédération des écoles de chiens guides d’aveugle est ferme, la propriété du chien doit rester à l’école qui l’a formé ». Une clause de propriété que l’association Handichiens est prête à abandonner: « La Direction Générale de l’Action Sociale ne veut pas que soient financés, au titre de la compensation, des chiens qui n’appartiennent pas à la personne handicapée, rappelle Hélène Bost-Hourticq. Nous sommes prêts à abandonner cette propriété au profit de la personne handicapée. Mais ce n’est pas le seul problème, l’Administration considère qu’il n’y a pas de raison de financer l’éducation des chiens. J’espère que nous aurons des crédits pour les stages de formation que suivent les maîtres, et le suivi nécessaire, cela concerne directement la personne handicapée ». Soit environ le quart du coût global d’un animal d’assistance.
Hélène Bost-Hourticq rappelle également qu’il n’a jamais été prévu que la loi vienne suppléer à la générosité publique : « Les associations ont une action ‘starter’; la puissance publique et les collectivités territoriales doivent venir en relais mais on ne peut pas tout faire basculer d’un coup ». Même si trouver l’argent nécessaire pour remplir cette mission est difficile : « J’y passe un vrai plein-temps ».
Les écoles de chiens guides d’aveugles fournissent quant à elles environ 150 animaux chaque année, le délai d’attente moyen étant d’un an. « Globalement, constate Michel Rossetti, l’un des dirigeants de l’Association nationale des maîtres de chien guide d’aveugle, les clubs services [Lions, Rotary, etc.] financent partiellement. Les écoles ont également recours aux dons et legs, de nombreux bénéficiaires prévoyant quelque chose dans leur testament. L’Administration nous a bien dit qu’il n’y aurait pas d’effet ‘d’aubaine’ et que ce qui était financé devait continuer à l’être de la même façon ». Pour Michel Rossetti, la clause de propriété ne constitue pas le véritable obstacle : « Les services vétérinaires sont favorables au maintien de la propriété par les écoles, qui veulent pour leur part garantir ainsi un suivi correct du chien jusqu’à la fin de sa vie. Mais l’Administration ne nous a jamais dit clairement qu’elle conditionnait le financement de l’éducation des chiens au transfert de la propriété du chien à la personne aveugle, un transfert auquel l’A.N.M.C.G.A est favorable ». Michel Rossetti estime que dans cette affaire « l’Administration réalise une économie, cela fait moins d’argent à sortir ».
Le Ministre délégué aux personne handicapées, Philippe Bas, a affirmé à Hélène Bost-Hourticq sa volonté de régler ce dossier avant la fin prévisible de son mandat. Un dossier que Patrick Gohet s’engage à réactiver auprès de son Ministre. A suivre, pour voir si Philippe Bas saura imposer sa volonté à l’Administration…
Laurent Lejard, octobre 2006.