« Paroles de… » est une série en bande dessinée créée par l’association BD Boum, basée à Blois (Loir-et-Cher) et qui organise chaque année ce qui est le second Salon du genre en France. « L »association a une action sociale forte, précise Bénédicte Gourdon, ce qui l’a conduite à créer la série ‘Paroles de…’. C’est Corbeyran, mon compagnon, qui a écrit les scénarios de chacun des volumes « . Bénédicte Gourdon est l’initiatrice de ce « Paroles de… » consacré aux sourds : « Mon intention était de mettre en avant des tranches de vie et de sensibiliser les entendants aux sourds. Et expliquer le cheminement qui conduit un sourd à poser ses appareils, à ne plus prononcer un mot ». Elle a appris la L.S.F à la fin des années 1990, au contact des sourds de Bordeaux, ville où elle réside. Puis elle a travaillé à l’Institut National des Jeunes Sourds, ainsi qu’au Pole Santé Surdité du centre hospitalier. « Dans ces lieux, j’ai rencontré beaucoup de sourds qui racontaient des histoires de vie. Les sourds vivent mal le fait qu’on les oublie. Dans les réunions de famille, il est fréquent que les entendants parlent entre eux sans se préoccuper du parent sourd, qui vit cela comme une violence. Elle s’inscrit dans l’histoire des sourds, à partir de l’interdiction de la langue de signes et le fait que depuis sa légalisation on ne leur parle pas en signes. Heureusement, les sourds sont débrouillards, très expressifs; mais ce qui est mal vécu, ce sont les situations collectives, en famille, avec des amis, lors de sorties. Très souvent, les sourds ne peuvent participer, et ils se replient sur eux. Communiquer entre sourds et entendants, ça demande un effort, mais de toutes parts ».

L’ouvrage débute par le témoignage de Pierre Christin, célèbre scénariste de la série de bande dessinée contant les aventures spatiales de Valérian et Laureline; il explique que durant de nombreuses années il s’efforça de dissimuler sa surdité. « Il a lutté contre elle, complète Bénédicte Gourdon, parce qu’il voulait devenir journaliste, faire de la politique ». La plupart des histoires relatent la violence sociale faite aux sourds, et quelques-unes celle des sourds envers les autres. « Ce sont les interprètes qui m’ont raconté leurs expériences dans les postes de police, les tribunaux. Ils sont pris entre la position neutre de l’interprète, qui doit retranscrire sans rien modifier de ce qui lui est dit en signes ou en paroles, et le rôle que le sourd veut parfois lui faire jouer ». Il y aura peut-être un Tome 2 : « Au fil des rencontres, j’ai recueilli des témoignages que je n’ai pu inclure dans le premier, pour lequel je voulais de la diversité dans les âges, les situations que je ne voulais pas larmoyantes. J’ai évité les histoires trop lourdes. Les témoignages reposent sur la confiance, les sourds ont peur qu’on se serve de leurs récits à leurs dépens; ils sont difficiles à recueillir, j’en ai collecté en français, d’autres en langue des signes. Mais je n’ai reçu que du positif avec le premier livre, de la part des entendants comme de sourds très volontaires pour raconter leur histoire dans un Tome 2″…

Laurent Lejard, mars 2006.


Paroles de sourds, scénarios de Corbeyran, dessins réalisés par 21 auteurs (un pour chaque récit), Editions Delcourt, en librairies. 10,95€.

Partagez !