En 1997, Monsieur X âgé de 22 ans au moment des faits, est victime d’une agression à l’arme blanche qui le rend tétraplégique; ses lésions sont gravissimes. Les circonstances de l’infraction sont banales : il avait rendez-vous avec son amie dont il était séparé et la trouva en compagnie d’un autre homme, dans une voiture. Il essaya de sortir son amie du véhicule mais son rival, furieux, prit un tournevis dans la boîte à gants et lui planta deux coups avec l’outil, dont un dans la partie haute du cou.
Monsieur X saisit la Cour d’Assises sans obtenir réparation de son préjudice corporel. Puis il confia son dossier à un avocat spécialisé qui, en extrême urgence, saisit la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions de Créteil (le délai de prescription pour saisir la CIVI expirait dans le délai de 10 jours); la Commission désigna deux experts judiciaires, l’un médical, l’autre architecte. Au cours de l’expertise médicale, Monsieur X fut assisté par son médecin-conseil et par son avocat, et par ce dernier seulement pour l’expertise architecturale. L’expert judiciaire déposa son rapport et évaluait à seulement 8 heures par jour la durée de la tierce personne. Monsieur X saisit alors par voie de conclusions la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions de Créteil pour obtenir la réparation de son entier préjudice corporel et contesta l’évaluation de la tierce personne.
Par un jugement d’octobre 2002, la CIVI de Créteil retenait un quart de responsabilité à l’encontre de Monsieur X, considérant qu’il avait participé par son comportement à la réalisation partielle de son dommage. Cependant, la CIVI faisait droit partiellement à la demande de l’avocat de la victime et retenait 16 heures de tierce personne par jour au lieu des 8 heures par jour évaluées par l’expert judiciaire. Sur le conseil de son avocat, Monsieur X interjeta appel de cette décision devant la 1e Chambre de la Cour d’Appel de Paris. Son avocat contesta à nouveau devant la Cour, d’une part le partage de responsabilité, et d’autre part l’évaluation du dommage corporel et tout particulièrement celui de la tierce personne qui devait être indiscutablement de 24 heures sur 24, compte tenu tant des lésions gravissimes, que des très importants besoins en aide humaine de Monsieur X.
Par arrêt de janvier 2004, la Cour d’Appel de Paris confirmait, hélas, la responsabilité de Monsieur X à hauteur d’un quart, mais évaluait parfaitement le préjudice corporel et surtout la durée de la tierce personne portée cette fois-ci, à 24 heures sur 24, sans autre qualification. Il est vrai que la présence de l’avocat durant toutes les opérations d’expertise lui avait permis d’expliquer à la Cour le point de vue erroné de l’expert et les besoins de son client gravement handicapé.
Ainsi, ce qui est rare, la tierce personne a été évaluée dans cette affaire à huit heures quotidiennes par l’expert judiciaire, puis à 16 heures par les juges du premier degré; et enfin à 24 heures quotidiennes par la Cour d’Appel, et ce de manière constante au taux unique de 11€, soit 264€ par jour. Il ne faut jamais oublier que l’expert judiciaire donne un avis au juge qui n’est bien évidemment pas tenu de le suivre : cette affaire en est la démonstration flagrante, et permet de constater le pouvoir du juge dans le cadre de l’expertise judiciaire afin d’apprécier et de fixer le montant de la réparation intégrale du préjudice. La 1er chambre de la Cour d’Appel de Paris a évalué le montant total de l’indemnisation à la somme de 3.379.336€; cependant, compte tenu du quart de responsabilité à la charge de la victime, le montant de son dommage a été ramené à la somme de 2.337.095€. Le droit au logement adapté a été provisionné. Cette décision est très favorable à Monsieur X car la réparation de son dommage corporel est importante, malgré le partage de responsabilité.
Mais que dire du destin tragique de Monsieur X qui aurait pu ne pas obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel, s’il avait rencontré son avocat 10 jours plus tard ? Il aurait alors saisi trop tard la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions de Créteil, son droit aurait été déclaré prescrit. Même si le chemin est long, il faut toujours garder espoir, et se renseigner sur ses droits et les exercer. Monsieur X s’occupe actuellement de la réalisation de son logement adapté, qui va lui être financé. Son avocat, qui apprécie notamment son caractère volontaire, lui souhaite de vivre heureux et entouré de sa famille agrandie et qui lui est si attachée…
Catherine Meimon Nisenbaum, avocate au Barreau, mai 2006.