Une transaction est une convention par laquelle les parties entendent arrêter une contestation et se consentent des concessions réciproques. Elle a autorité de la chose jugée. Dans le cadre d’un accident corporel de la circulation, la victime qui conclut une transaction arrête définitivement le montant de ses indemnités, et peut la dénoncer en la forme d’une lettre recommandée avec avis de réception dans les 15 jours de sa conclusion. En outre, toute transaction concernant une personne mineure ou majeure mise sous tutelle doit être autorisée par le Juge des Tutelles ou le Conseil de famille. Ce délai de rétractation de 15 jours est court, les victimes reviennent rarement sur leur décision dans les formes et délais requis.
Cependant, deux arrêts de Cour d’appel, l’un d’Aix-en-Provence et l’autre de Paris, ont jugé qu’une transaction n’avait de valeur juridique que si la compagnie d’assurances respectait les dispositions légales lui incombant; à défaut, malgré le délai de 15 jours de rétractation, les victimes pouvaient saisir valablement la justice pour obtenir une intégrale réparation de leurs dommages.
En l’espèce, un jeune garçon de 13 ans avait été victime d’un gravissime accident de la circulation, son incapacité permanente partielle était de 100 %. En 1989, ses parents avaient conclu une première transaction avec une compagnie d’assurances, puis un avenant en 1993 portant le montant total de l’indemnisation à la somme de 841.900 €. Cette transaction fut attaquée en justice et ce malgré un délai de rétractation expiré depuis longtemps.
Par arrêt du 14 avril 2004, la 10e Chambre de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence a jugé que ce contrat n’était pas une transaction bien que la victime fut assistée d’un avocat et que la transaction eut été approuvée par le Juge des Tutelles, ledit contrat ne présentait aucune concession réciproque majeure et les dispositions légales (des articles L 211-9 et L 211-10 du Code des Assurances) n’avaient pas été respectées par la compagnie d’assurances. Par un deuxième arrêt en date du 18 mai 2005, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence évaluera le préjudice corporel à la somme de 2.806.000 € ; on est loin de la somme de 841.900 € réglée à titre transactionnel par la Compagnie d’Assurances à cette jeune victime présentant un taux d’I.P.P. de 100 % ! Cette évaluation judiciaire correspond à la réparation d’un préjudice corporel d’une jeune victime gravement handicapée. La Compagne d’assurances a introduit un pourvoi en cassation.
La 17e Chambre de la Cour d’Appel de Paris, par arrêt du 24 octobre 2005, a rendu une décision tout aussi remarquable. La Cour a jugé que le non-respect par la compagnie d’assurances de ses obligations légales édictées par le Code des Assurances rendait nulle la transaction conclue plusieurs années auparavant avec la victime. La Cour stipule : « Considérant que l’assurance Y était tenue, par application de l’article L 211-9 du Code des Assurances, de présenter dans un délai maximum de huit mois à compter de l’accident une offre d’indemnité aux victimes ayant subi une atteinte à leur personne ; que par application de l’article L 211-10 du Code des Assurances, à l’occasion de sa première correspondance avec les victimes, elle était tenue, à peine de nullité de la transaction qui pourrait intervenir, d’informer les victimes qu’elles pouvaient obtenir de sa part, sur simple demande, la copie du procès-verbal d’enquête de police ou de gendarmerie et de leur rappeler qu’elles pouvaient à leur libre choix se faire assister d’un avocat et, en cas d’examen médical, d’un médecin ; que l’assurance Y ne verse aux débats aucun document justifiant qu’elle a satisfait à ses obligations légales : qu’en conséquence, les transactions sont nulles ».
Faute pour la compagnie d’assurances de respecter les dispositions légales, la transaction n’existe pas. S’agissant de victimes, il est incontestable que leurs droits doivent être inlassablement défendus. Et l’arrêt de la Cour de Cassation à intervenir dans ces deux affaires est attendu avec le plus grand intérêt.
Catherine Meimon Nisembaum, avocate au Barreau, mars 2006.