Marie-Christine Agon est une femme active. Malgré l’amyotrophie spinale qui lui a ôté l’autonomie : « Je suis psychosociologue de formation avec une spécialisation en psychologie sociale et en psychanalyse. Au début de mon activité professionnelle, j’ai eu des contrats ponctuels, dont un pour le Centre Technique National d’Études et de Recherches sur le Handicap et les Inadaptations (CTNERHI). J’ai vite compris que j’aurai du mal à trouver du travail dans la recherche, ce qui m’a conduit à me reconvertir dans la formation d’adultes, en suivant les cours du soir du Conservatoire National des Arts et Métiers. J’ai également enseigné dans des écoles d’infirmières, notamment sur la relation soignant-soigné, la survenue du handicap et ses conséquences ».
Depuis près de quinze ans, elle travaille dans une association laïque gérant des établissements de vacances et de loisirs, créée à l’époque du Front Populaire (1936) et des premiers Congés payés, les CEMEA (Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active). Elle forme notamment des futurs animateurs préparant leur BAFA (Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur) et a initié la création d’une spécialisation « handicap », tout en dirigeant, l’été, des séjours de vacances : « Je suis partout sur le terrain, avec mon auxiliaire de vie et un adjoint, en voiture s’il le faut. Je travaille dans des locaux aménagés. Cela fait 14 ans que je travaille pour le CEMEA, et trois ans pour l’APAJH (Association pour Adultes et Jeunes Handicapés), comme directrice d’un centre de séjour qui accueille, durant le mois d’août, des enfants, adolescents et adultes polyhandicapés. Je suis entré aux CEMEA en présentant spontanément ma candidature, pour intégrer des personnes handicapées sur des stages. J’y ai développé un BAFA Handicap et un réseau spécifique ».
Avec le temps, Marie-Christine a légèrement réduit son activité: « Depuis que je travaille, mon état de santé s’est dégradé et j’ai obtenu une pension d’invalidité qui m’a permis de réduire mon activité professionnelle à un 3/4 temps ». Parce qu’elle doit également s’occuper de son fils, âgé de 15 ans: « J’ai eu mon fils avant de travailler de manière régulière. Je l’élève seule depuis qu’il a un an et demi. J’ai vécu huit ans avec le père de mon fils, que j’ai eu un peu tardivement après quatre années de longues recherches; je voulais être sûre de ne pas lui transmettre ma maladie et il fallait trouver le médecin qui accepterait d’accompagner ma grossesse. En fait, il y avait un risque vital pour moi, mais pas pour le bébé. Avec mon conjoint, on s’est lancé dans cette aventure, mais il n’avait pas bien calculé l’aide qu’il faudrait m’apporter pour élever notre enfant. Ça a été trop lourd pour lui, il a fait une dépression nerveuse puis est parti. J’ai embauché des jeunes filles au pair pour qu’elles s’occupent de mon fils, parce que dans le même temps j’avais commencé à travailler aux CEMEA ».
J’ai dû me débrouiller, il n’existe pas de dispositif d’aide et de soutien aux parents handicapés: il est peu admis, dans notre société, que les handicapés se ‘reproduisent’, on va dire ça comme cela, surtout quand ils ont un handicap génétique ! Rien n’est prévu et on a déjà du mal à accepter la sexualité des personnes handicapées; comment pourrait-on admettre qu’ils puissent faire des enfants ? ».
C’est ce qui a conduit Marie-Christine à s’engager au sein de la Coordination Handicap et Autonomie, pour notamment demander que les besoins en aide humaine des parents handicapés soient pris en compte : « Pour le bien-être d’un enfant, il faut que la personne qui s’occupe de lui soit distincte de celle qui assiste un parent handicapé dans ses gestes quotidiens. C’est nécessaire pour fonder la personnalité de l’enfant. Il y a des progrès à faire pour que des personnes handicapées puissent devenir parents, obtenir les travailleurs familiaux et les places en crèches nécessaires. Cela veut dire prévoir les besoins en aide humaine en couvrant également ceux qui sont indispensables pour élever un enfant, sans être réduit à réaliser des économies de bout de chandelle. On a droit, comme tous les êtres humains, à la sexualité, au mariage, à la liberté ».
Une liberté et une sexualité que Marie-Christine assume pleinement : « Ce n’est pas parce que mon conjoint m’a quitté que j’ai renoncé à ma sexualité, à ma vie de femme. J’ai toujours eu des petits amis, qui ont partagé ma vie, même si c’est moi qui ai élevé mon fils. J’ai toujours essayé de faire la part des choses, entre la relation affective et l’aide dont j’ai besoin au quotidien ».
Laurent Lejard, septembre 2005.
PS : Marie-Christine Agon est décédée d’un accident cardiaque fin août 2007, à l’âge de 46 ans.