Ille-et-Vilaine. Rennes, capitale régionale, est une véritable porte d’entrée sur la Bretagne. Autoroute et T.G.V y aboutissent et elle incarne historiquement le principal référent économique et culturel pour la plupart des Bretons. Pôle universitaire, les nombreux étudiants qui résident dans l’antique Condate contribuent autant à son ambiance chaleureuse qu’à ses prix raisonnables. Le stationnement réservé y est en outre largement respecté, même le soir. Malgré des pavés souvent cahoteux, la vieille ville, et ses plus de 1.500 maisons à pans de bois, est idéale pour flâner, faire des emplettes ou se restaurer dans l’une des innombrables crêperies (on parle de crêpes pour les préparations sucrées, de galettes pour les salées). Autre lieu d’animation, l’immense marché qui se déploie autour de la Halle Martenot et où l’on peut trouver tous les produits que la Bretagne peut offrir, notamment poissons et coquillages.
Mais Rennes est surtout célèbre pour son Parlement, incendié en 1994 et redevenu, après une restauration spectaculaire, siège de la Cour d’Appel. Les visites en sont réglementées mais il suffit de prendre contact avec l’Office de Tourisme (02 99 67 11 11) en signalant, au besoin, la nature de votre handicap. Moins populaire et pourtant fort élégante, la Place de la Mairie et ses bâtiments en abside (dont l’Opéra) qui semblent faits pour s’emboîter l’un dans l’autre. Les illuminations y ont été particulièrement soignées, tout comme celles des quais de la Vilaine, récemment réaménagés. Les amateurs de verdure seront, quant à eux, largement servis dans les 10 hectares du paisible parc du Thabor, ses arbres centenaires et son étonnante volière.
Les plus aventureux pourront pousser jusqu’à la célèbre forêt de Brocéliande, située à une quarantaine de kilomètres au sud- ouest de Rennes, autour du village de Paimpont. Attention, si les chemins en sont généralement praticables, une carte s’avère indispensable pour y atteindre les principaux centres d’intérêt liés à la Légende Arthurienne… A même distance, mais à l’est, la spectaculaire cité de Vitré, juchée sur son éperon rocheux, a conservé l’aspect qui était le sien au Moyen- Âge et quelques traces du passage de Madame De Sévigné. L’atmosphère y est des plus agréables, surtout le soir.
A une trentaine de kilomètres vers le nord- est, tout aussi spectaculaire, la forteresse de Fougères évoque immanquablement Carcassonne, l’authenticité et le calme en plus… Vous voilà sur les pas de Chateaubriand, Balzac et Hugo, qui ont très tôt succombé au charme romantique de l’endroit. Les principaux centres d’intérêt (château, église Saint Sulpice, vieilles rues) sont situés dans la « ville basse » mais il ne faut pas hésiter à reprendre la voiture (ou le petit train) pour admirer, depuis la « ville haute » un spectaculaire point de vue sur la vallée et ses monuments. Comme ailleurs en Bretagne, les incendies et les bombardements de la seconde Guerre Mondiale ont fait des ravages, notamment parmi les constructions en bois : seuls les plus fortunés avaient accès à la pierre (schiste et, plus encore, granit). La « ville haute », construite à partir du XVIIIe siècle, abrite un espace consacré au peintre impressionniste Emmanuel de la Villéon et un passionnant atelier- musée de l’horlogerie ancienne. Fougères est une belle étape sur la route de Saint- Malo ou du Mont Saint- Michel.
Sur la Côte d’Émeraude, Saint-Malo est emblématique à plus d’un titre : « cité corsaire » protégée par ses hauts murs, capitale des cap- horniers et des terre- neuvas, berceau de Jacques Cartier, Surcouf et Chateaubriand, elle fut pratiquement rayée de la carte par les bombardements alliés d’août 1944 et entièrement reconstruite dès la fin de la guerre. Si le site a conservé toute sa majesté, surtout lorsqu’on le découvre depuis la jetée, il faut bien reconnaître que l’impression est un peu atténuée, quand on y pénètre, par la sévérité du béton, parfois à peine masqué de granit. Aucun musée n’est accessible et les abaissés de trottoirs sont rares en dehors de la rue principale. Mieux vaut arpenter les remparts (accessibles par rampes) ou promener en bord de mer « hors les murs » et rêver en contemplant les flots…
Côtes d’Armor. En suivant, vers l’Ouest, un littoral tourmenté et sauvage particulièrement romantique, un crochet par le Cap Fréhel et son phare solitaire comblera les amoureux de nature indomptée, surtout à la tombée du jour. Pour jouir au mieux de cette Bretagne-là, celle des falaises et des landes, du granit et des ajoncs, il ne faut pas hésiter à abandonner les routes principales pour s’aventurer sur ces voies qui n’ont d’autre issue que la mer. Les chanceux, outre des ciels dont on comprend qu’ils aient inspiré tant de peintres et de poètes, pourront y découvrir tel menhir ou dolmen veillant depuis des millénaires sur le paysage… La côte du Goëlo, ce sont également les fameux « petits ports bretons », les pittoresques Saint- Quai Portrieux et Paimpol d’où l’on peut embarquer pour l’île de Bréhat et ses myriades d’oiseaux.
Celles et ceux qui n’ont pas le pied marin ne manqueront pas de visiter la majestueuse Abbaye de Beauport, propriété du Conservatoire du Littoral, rien moins que sublime sous ses éclairages nocturnes (juillet août) et qui offre, dans la journée, une très belle vue sur la baie. Les cheminements y étant parfois un peu difficiles, privilégiez la période d’avril à septembre si vous avez besoin d’être aidé(e).
Fous de Bassan, cormorans, macareux et autres goélands nichent également par milliers sur l’archipel des Sept Îles, accessibles depuis Perros- Guirec, et qui doivent beaucoup à la Ligue de Protection des Oiseaux (L.P.O). L’île aux Moines présente en outre la particularité d’abriter l’ultime phare habité en France (avec celui de Cordouan, à l’embouchure de la Gironde). Ce bout de littoral fait partie des incontournables de la région, c’est la Côte de granit rose, merveilleux caprice de la nature qu’un récent aménagement a en outre rendu accessible à tous, notamment depuis Ploumanac’h, à côté de Trégastel. Évitez la foule en privilégiant les horaires « extrêmes » (matin et soir), vous en ramènerez le souvenir impérissable de rochers aux formes étranges posés sur la lande, battus par le vent et les flots.
Des flots dont on dit à juste titre qu’il est difficile de s’y baigner : l’eau n’y dépasse guère les 19° au plus fort de l’été et l’amplitude des marées peut rendre l’exercice périlleux. Beaucoup d’établissements hôteliers disposent donc d’une piscine : plus chaud et moins risqué. Ouvert à tous et pleinement accessible, le Forum de Trégastel offre même un éventail d’activités de bien- être et de remise en forme en plus d’une piscine d’eau de mer à 30° qui ouvre sur le granit rose… A proximité, le Radôme de Pleumeur Bodou propose deux spectacles et un musée des télécoms réellement passionnant qui, outre son accessibilité soignée, permet à tout un chacun de toucher et s’amuser avec de vrais centraux téléphoniques ! Ancien site classé top secret inauguré en 1962 par le général de Gaule, le Radôme accueille également certaines expositions temporaires de la Cité des Sciences (Paris).
Finistère. Aux confins de la Côte des Légendes et du Léon, la région de Brest ouvre sur la Mer d’Iroise et l’Atlantique. Il faut bien le reconnaître, la « Métropole océane », pilonnée par les Alliés, a été rebâtie dans l’urgence avec un projet architectural aujourd’hui contesté, et les constructions récentes conservent toujours une certaine sévérité; son charme se situe donc ailleurs. A commencer par ce qui a survécu du Brest de jadis, tel le Fort Vauban, unique vestige ancien avec quelques arpents de remparts, qui abrite un Musée de la marine hélas inaccessible. Juste à côté, le cours Dajot offre un spectaculaire point de vue sur le port de commerce, devenu le nouveau « coeur battant » de la ville avec ses boutiques et ses restaurants. De l’autre côté de la « rivière » Penfeld, via un pont levant célèbre, on accède au populaire quartier de Recouvrance, relativement épargné par les bombes.
Tout le bord de mer est occupé par le vaste Arsenal militaire, second en France après Toulon et base française des sous- marins nucléaires. Les lieux (mais pas les navires) sont accessibles à la visite en été sur justification de nationalité (Europe et pays membres de l’Otan). A quelques encablures du centre- ville, le parc de découverte animalière à vocation écologique Océanopolis bénéficie d’une excellente accessibilité. En 3 pavillons (tempéré, polaire, tropical), pas moins de 42 aquariums abritent près de 10.000 animaux de 1.000 espèces différentes dans un décor digne de Jules Vernes. Ne manquez pas de prendre l’ascenseur panoramique sur le grand bassin, c’est magique !
Magique aussi, la vue sur la baie depuis le Pont Albert Louppe (ou « Pont de Plougastel ») dynamité par les Allemands en 1944, restauré après- guerre et enfin réservé à la circulation des piétons et des deux roues à la faveur de l’inauguration, en 1994, d’un nouvel ouvrage haubané, le Pont de l’Iroise. Plougastel est un bourg charmant célèbre pour ses fraises, qui font d’ailleurs l’objet d’un Musée patrimonial particulièrement bien documenté. Le premier étage (accessible) abrite en outre une très riche collection de meubles et costumes bretons qui vaut à elle seule le détour. Et ne repartez pas sans avoir fait le tour de l’époustouflant calvaire érigé, en pierre grise de Kersanton, à côté de l’église; c’est l’un des plus riches de Bretagne. Associé à Plougastel, Daoulas est dominé par une fière abbaye qui abrite notamment un jardin médicinal et un espace d’expositions temporaires accessibles. Stationnement réservé possible à l’entrée.
Magiques encore, et terres de légendes par excellence, les Monts d’Arrée culminent à… 384 mètres (Tuchen Kador, Roc’h Trévezel). Un peu de respect : voilà plus de 200 millions d’années que le temps façonne et sculpte ces paysages de landes et de tourbières, et quelques millénaires que l’humanité y niche ses menhirs, ses korrigans et ses dieux, dont le redoutable Ankou ! Il faut saluer l’initiative de l’association Addes qui propose d’originales randonnées en Joëlette (sorte de palanquin équipé d’une roue), dont certaines, accompagnées d’un conteur, au clair de lune ou au lever du soleil…
Au sud de la presqu’île de Crozon, la baie de Douarnenez, chère à de nombreux peintres et à l’écrivain quimpérois Max Jacob, est surtout célèbre pour son Port- musée, dont la visite est rendue frustrante par une accessibilité incomplète ne permettant pas d’approcher au plus près des bateaux. On pourra se consoler en promenant autour du cimetière marin ou, face à la mystérieuse Île Tristan (en cours de réhabilitation), flâner du côté de l’ancien port de pêche, berceau des conserveries Connétable et Petit Navire, et siège du Chasse- Marée, magazine à l’origine des rassemblements de vieux gréements. Quant aux enfants, ils adoreront sans doute le site des Plomarc’h et sa ferme pédagogique.
Plein Ouest, c’est la Pointe du Raz, « grand site national » et point remarquable de nos cartes de géographie. Très dégradé par le tourisme de masse (1 million de visiteurs par an) l’endroit a fait l’objet d’une campagne de réhabilitation drastique qui, si elle a permis à la végétation de se reconstituer, n’en pose pas moins problème pour les fauteuils roulants. Certes, une navette accessible conduit les visiteurs de « l’espace d’accueil » (son parking payant, ses restaurants, ses boutiques…) au phare d’où partent les sentiers balisés conduisant au cap proprement dit. L’endroit est fabuleux. Mais quelle déception de constater que le sentier carrossable (très) discrètement signalé à droite du bâtiment s’interrompt à quelques centaines de mètres du but pour laisser place à un pseudo- pavage disjoint et cahoteux totalement impraticable ! Ce « ratage » résulte semble- t-il du cahier des charges particulièrement rigoriste imposé par certains technocrates du Ministère de l’écologie. La procédure de labellisation Tourisme et Handicap en cours permettra peut- être aux visiteurs handicapés moteur d’accéder un jour jusqu’au « bout de la France »…
En descendant vers le sud le long de la Côte de Cornouaille, on arrive à Quimper, capitale du mythique Gradlon, roi d’Ys, cité disparue dans les flots et dont on dit ici : « Pa vo beuzet Paris, ec’h adsavo Ker Is ! » (Quand Paris sera engloutie, resurgira la ville d’Ys). Lovée autour de la « rivière » Odet, protégée par ses collines, Quimper semble avoir tourné le dos à son histoire maritime au profit d’industries plus rémunératrices, parmi lesquelles les fameuses faïenceries Henriot ou le fabricant de vêtements Armor Lux. Côté tourisme, outre un centre- ville où se distinguent encore quelques belles maisons à pans de bois et des bords de rivière propices à la flânerie, un passage par la majestueuse cathédrale gothique Saint Corentin s’impose. D’abord parce qu’une récente restauration intérieure lui a rendu de surprenantes couleurs, ensuite parce que son plan de construction l’a faite louvoyante, enfin parce qu’on y découvre une antique tradition de solidarité envers les plus démunis, qui peuvent quotidiennement y trouver du pain.
Autres incontournables, dont la muséographie contemporaine se conjugue parfaitement avec l’accessibilité (sauf pour les déficients visuels) : le Musée Départemental Breton, installé dans l’ancien palais épiscopal, et le Musée des Beaux Arts. Le premier présente un vaste panorama des arts et traditions populaires, dont de nombreux costumes; le second abrite, entre autres richesses, une collection d’oeuvres centrées sur les paysages et légendes locales ainsi qu’un riche fonds de l’enfant terrible du pays, Max Jacob.
Morbihan. La jolie route côtière qui part en direction de Lorient ouvre sur la Côte des Mégalithes. Un littoral qui tire son nom du célèbre site des alignements de Carnac. Titanesque. Les menhirs, protégés par une enceinte grillagée qui n’empêche pas de les admirer de jour comme de nuit, s’étendent sur près de 4 kilomètres. On ne connaît pas avec exactitude l’identité des constructeurs ni la fonction de ces alignements, constitués au Néolithique (4.500 à 2.000 ans avant notre ère) mais leur connotation religieuse est encore sensible aujourd’hui. Un point de vue a été aménagé dans une ancienne tour (inaccessible) et on peut, moyennant quelques centaines de mètres à travers bois (accessibles avec aide) approcher le Grand Quadrilatère, mystérieux monument de pierres plates, et le Géant du Manio, immense mégalithe élevé à côté. En évitant les heures de grande affluence, Carnac laisse au visiteur une impression absolument ineffable.
Forte impression également à l’approche de la presqu’île de Quiberon, dominée par la silhouette solitaire du Fort de Penthièvre (propriété du Ministère de la Défense) et ponctuée d’élégantes maisons qui bénéficient d’une extraordinaire vue sur l’océan. Comme ailleurs en Bretagne, le Conservatoire du Littoral, établissement public chargé de la protection des côtes, est arrivé avant les bétonneurs, pour le plus grand bonheur de tout le monde. Ainsi, il est question de mieux protéger la si belle Côte Sauvage, victime de son succès à chaque déferlante touristique. Du port de Quiberon, les passagers en fauteuil roulant peuvent embarquer à bord du Vindilis (S.M.N) pour rejoindre Belle Île en Mer et ses enchantements. Loin de la rigueur minérale d’Ouessant ou de Sein (Finistère), et deux fois plus vaste que Groix sa voisine, Belle Île semble avoir réussi l’ardu compromis entre écologie, développement économique et tourisme.
Une journée suffit pour en faire le tour (navettes, nombreux loueurs de véhicules et vélos) mais il est difficile de ne pas tomber sous le charme et rêver d’y résider plus longtemps, à l’instar de la grande Sarah Bernhardt qui y fit de nombreux séjours. Tant pis pour la Citadelle Vauban de Palais (difficilement accessible), partez plutôt à l’aventure : Sauzon, adorable port d’échouage préservé, les Poulains et leurs spectaculaires ruines du fort de Sarah Bernhardt, les aiguilles de Port Coton, sublimes, paraît-il, les jours de tempête, la paisible Locmaria, les criques minuscules, les plages de coquillages.
La Bretagne est une région qui vous prend… et qui vous garde. A l’abri du béton, verte et préservée jusque sur ses côtes, son climat changeant peut décliner toutes les variantes au cours d’une même journée et réserve des ciels absolument splendides. On s’y fait d’autant plus vite que l’accueil y est souvent chaleureux. Foin des clichés, précipitez-vous en Armorique avant que tout le monde le sache, vous pourriez même en revenir avec des coups de soleil !
Laurent Lejard, juin 2005.