Marie-Christine Théry habite dans un quartier de Lille-Sud, vaste zone située au- delà de la rocade et comportant nombre de grands ensembles : « Il y a un fort taux de chômage, beaucoup d’habitants sont défavorisés ». Le contact quotidien de personnes qui survivent avec grande difficulté l’ayant rendue plus revendicatrice que ce que pouvait accepter un mouvement associatif, il était logique qu’elle entrât en politique : le choc du 21 avril 2002 (premier tour de l’élection présidentielle qui vit arriver au deuxième tour un candidat d’extrême- droite), lui a fait sauter le pas. Elle est entrée chez Les Verts, par affinité pour l’écologie politique sans pour autant se situer dans les courants de ce parti.
Trois ans après, elle eut la fierté de mettre en ballottage le candidat socialiste dans un canton détenu par ce parti depuis les années 1930 et qui a eu pour illustres titulaires Roger Salengro (Ministre de l’intérieur du Front Populaire) et Pierre Mauroy (Premier Ministre de 1981 à 1984, ancien député- maire de Lille) ! Si elle n’a pas remporté l’élection, Marie- Christine Théry évoque avec une certaine fierté la crainte que ses résultats ont généré chez son adversaire. Elle en tire une forme de reconnaissance de la militante handicapée (hémiplégique) qui s’affirme bien dans son parti et son quartier : « Je prends le métro, les gens me connaissent. Ils ont un a priori positif pour une personne en fauteuil roulant; ça ‘accroche’ bien parce que je vis comme tout le monde ».
Fonctionnaire au Conseil Régional, elle ne pouvait se présenter lors des Régionales et c’est du fait d’une démission pour cumul de mandats qu’une opportunité s’est présentée à elle dans une cantonale partielle: « C’était ma première campagne électorale. Après une évolution rapide au sein des Verts, j’ai été surprise d’être choisie par les militants. Ce fut une belle aventure humaine et collective. J’ai participé à toutes les actions militantes: distribution de tracts sur les marchés ou près du métro, porte à porte malgré des difficultés d’accessibilité. Physiquement, je n’ai pas rencontré de problèmes. Dans mon parti, je ne suis pas considérée comme handicapée; les militants sont ouverts à la différence du fait de leur appartenance à la classe moyenne, pour la plupart d’entre eux, et d’un engagement associatif important. Parmi les autres candidats, certains ont ‘vu’ mon fauteuil roulant, le socialiste a évoqué un impact compassionnel de la part des électeurs, d’autant que son parti comporte une militante qui est sur fauteuil roulant et qu’il ne met guère en avant… »
Marie-Christine Théry agit pour une politique des transports, la réduction de la place de la voiture en ville, l’emploi et l’économie locale. L’événement que fut Lille 2004, ville européenne de la culture, lui laisse un goût d’inachevé : « On n’a pas trop participé. Je siégeais dans le conseil de quartier à l’époque de la préparation des festivités, la démocratie participative n’a pas été utilisée pour associer les habitants. Et je n’ai eu aucun retour d’information sur l’accessibilité des événements aux personnes handicapées ».
La militante s’efforce de maintenir un équilibre entre son travail, sa vie privée et son action politique. Mariée, espérant avoir un enfant, elle vit avec un homme également handicapé moteur. Elle considère sa ville comme accessible et participe aux balades urbaines organisées par Les Verts pour attirer l’attention des citoyens : « On met en évidence l’état de la voirie, on rencontre les usagers de la ville. Il y a un grand écart entre les personnes handicapées et les décideurs ».
Laurent Lejard, décembre 2004.