Le Ministère de l’éducation nationale estime à 6.000 le nombre d’emplois (postes en équivalent temps plein) affectés à l’aide aux études des élèves handicapés. L’objectif fixé par le précédent Ministre, Luc Ferry, aurait donc été atteint. Le conditionnel est de rigueur, parce qu’il faut pondérer : dans ses emplois figurent « environ » 2.000 aides- éducateurs, sous un ancien statut en voie de disparition, dont l’une des fonctions consiste à aider les élèves handicapés. Les 3.999 auxiliaires de vie scolaire « nouveau statut » sont affectés pour 3.081 d’entre eux dans les écoles maternelles et primaires, les 918 restant oeuvrent dans les collèges et lycées (chiffres au 31 mars 2004). Le recours au temps partiel fait que chaque poste est occupé par 1,5 personnes ce qui établit un effectif salarié global de 8.000 personnes tous statuts confondus. Ces personnels effectuent des missions individuelles ou collectives : au total, 9.600 élèves bénéficient de leur aide durant le temps scolaire: 27% des A.V.S apportent un soutien à des groupes d’élèves dans le primaire contre 68% dans le secondaire. L’analyse des chiffres montre que l’aide individuelle est nettement plus importante dans les petites classes. Les emplois sont occupés aux deux tiers par des femmes et à 61% par des étudiants (le nombre de « pions » recyclés dans cette activité est marginal) dont 55% au niveau Bac + 2; la moyenne d’âge des personnels apparaît relativement élevée (27 ans).
Les emplois sont fréquemment morcelés : l’aide apportée à un élève peut ne porter que sur une partie du temps scolaire, une dizaine d’heures/ semaine par exemple. L’A.V.S aura au pire un contrat à temps très partiel, au mieux il interviendra auprès de plusieurs élèves pouvant être scolarisés dans un autre établissement. Cela gène fortement le soutien en zone rurale, l’éducation nationale ne prenant pas en charge les déplacements du salarié. Le Syndicat des Enseignants (U.N.S.A) propose que l’éducation nationale s’appuie, dans ce cas, sur des emplois associatifs de proximité. Le manque de transparence de la gestion effectuée par les Rectorats conforte les syndicats dans leur demande d’une clarification des contrats et des conditions de travail; contrairement aux autre employés de l’éducation nationale, les A.V.S n’ont que peu de garantie statutaire et leur nomination n’est pas régie par une commission paritaire réunissant administration et syndicats représentatifs. Ces conditions d’emplois font qu’il est parfois difficile de trouver des candidats motivés pour les occuper.
« Le dispositif a été lancé en hâte, affirme Nelly Pollet, du Syndicat des Enseignants (S.E), sans grande réflexion par rapport aux besoins et avec des personnels sans formation ». Il y a eu deux vagues de nomination : la première lors de la rentrée de septembre 2003, la seconde en novembre et décembre (certains postes n’ont été réellement occupés qu’en janvier 2004). Selon Nelly Pollet, la dotation des Académies en poste d’A.V.S a été effectuée « à la louche » par rapport aux données fournies par les Commissions départementales de l’éducation spéciale (C.D.E.S).
« Dans certains départements, poursuit Nelly Pollet, il y a une réflexion et une gestion souple des emplois, dans d’autres les nominations ont pris un caractère rigide sur des postes à plein temps sans apprécier les besoins de l’élève ». Pour le S.E, l’auxiliaire a une fonction qui dépasse la simple assistance : « L’A.V.S doit être généraliste, capable de prendre en charge n’importe quel élève handicapé et de l’aider dans sa conquête de l’autonomie ».
« Sur ce dossier, les syndicats ont travaillé en étroite collaboration et entente », affirme Emmanuel Guichardaz, du SNUipp (F.S.U) qui déplore l’absence de données fiables de la part de l’administration de l’éducation nationale, notamment en matière de couverture des besoins. « La dotation en postes s’est faite sur la base de l’ancien dispositif, avec une couverture étendue à l’ensemble des départements ». S’il y a encore des disparités selon les régions, la répartition équitables des emplois s’affine au fur et à mesure de l’information des enseignants et des parents. Pourtant, il n’est pas encore question de prévoir les besoins; les enfants nécessitant un A.V.S pourraient pourtant être aisément répertoriés avant la fin de l’année scolaire pour qu’ils trouvent dès la rentrée de septembre l’auxiliaire qui les aidera. Cette gestion prévisionnelle est espérée par le SNUipp, pour épargner aux enfants quelques semaines difficiles.
Les syndicats n’ont pas constaté d’abus significatifs. La plupart des A.V.S ont été employés pour remplir leur mission, pas pour faire de la surveillance; ce phénomène d’affectation à une autre tâche a parfois été constaté lorsqu’une personne employée à temps plein n’avait à s’occuper que d’un seul enfant, mais ce phénomène de « saupoudrage » semble marginal. Les informations de terrain montrent que le refus d’accepter un élève sans A.V.S devient rare. Il n’existe pas de dispositif de remplacement des personnels absents. Or, les étudiants occupent la plupart des emplois ce qui accroît le taux d’absentéisme notamment lors des périodes d’examen. Ce statut d’étudiant A.V.S est jugé inadapté par le S.E et le SNUipp qui préfèrent une professionnalisation des emplois dans un statut de travailleur social. L’absence de formation des A.V.S a constitué le gros point noir de cette première année d’activité. Comment peuvent- ils réagir face à un enfant insuffisant respiratoire qui s’étouffe ou une crise d’épilepsie ? Un budget sera disponible dès la prochaine année scolaire pour dispenser une formation portant sur la connaissance des handicaps et des besoins spécifiques. Des intervenants extérieurs à l’éducation nationale, telles des associations, pourront intervenir dans un cadre rémunéré.
Le Ministère de l’éducation nationale a récemment relancé la concertation sur le devenir du soutien scolaire aux élèves handicapés. Le dispositif actuel est jugé satisfaisant mais perfectible et pour cela plusieurs réunions de travail sont prévues d’ici à la fin de l’année scolaire; elles devraient notamment définir le cahier des charges de la formation des A.V.S, La réactivité de l’administration (Rectorat, Inspections Académiques, Directeurs d’établissements) est estimée exemplaire par le Ministère qui qualifie ses fonctionnaires de « bonne volonté » sur ce dossier, « l’état d’esprit des enseignants est positif ». L’affectation d’un A.V.S sur la base d’un projet éducatif est réaffirmée, elle ne peut être un préalable à l’accueil d’un élève mais doit correspondre à un besoin réel. Sur ce point, comme sur le caractère généraliste des A.V.S, le Ministère est en accord avec les syndicats. Elaborer un recrutement prévisionnel ne semble pas être une piste de travail « compte- tenu de la diversité des situations ». Les futures Maisons départementales du handicap instituées par la loi Boisseau pourraient être l’outil manquant pour recenser très en amont les besoins d’aide scolaire. La divergence essentielle porte sur le statut étudiant : le Ministère souhaite conserver leur recrutement prioritaire, en privilégiant ceux qui sont engagés dans des filières médicales, sociales ou éducatives. Dès la rentrée 2004, une formation devrait être dispensée à chaque A.V.S, organisée sous l’autorité du Recteur d’Académie et avec les personnes- ressources de l’éducation nationale et d’associations. Quand aux 6.000 postes actuels, le Ministère affirme qu’ils seront maintenus en septembre prochain.
La pérennisation des emplois a mobilisé le secteur associatif, et plus précisément la Fnaseph (Fédération nationale pour l’accompagnement scolaire des enfants présentant un handicap). « Nous devons faire pression pour que les 2.000 postes d’aides- éducateurs ancien statut ne disparaissent pas progressivement sans être remplacés, précise son Secrétaire Général Gilles Paumier. Et les disparités locales sont encore fortes : par exemple, il y a plus d’A.V.S dans la Sarthe que dans la Loire- Atlantique alors que ce département est trois fois plus peuplé ». Avec la création des nouveaux A.V.S, la Fnaseph a dû changer de mission; si les associations membres gèrent encore 400 emplois dans une trentaine de départements, pour lesquels les financements au titre des Emplois- Jeunes ne sont pas assurés à partir de septembre 2004, elle est devenue un organe de réflexion et de proposition. De vigilance également : « Nous redoutons que les départements aient recours aux emplois de type Civis, précise Gilles Paumier, pour compléter le dispositif A.V.S. Les associations gestionnaires seraient financées en grande partie, mais au prix de multiples acrobaties administratives. La Fnaseph s’y refuse ».
Laurent Lejard, mai 2004.