Autant le préciser d’emblée, à l’instar de son homologue française, Londres ne se laissera guère cerner en trois jours. La ville est très étendue et ses richesses, tant architecturales que culturelles, la placent au premier rang des capitales européennes. Handicapé(e), vous y serez en outre mieux accueilli(e) que dans nombre d’autres cités du Vieux Continent. Envers de la médaille, la vie y est chère et votre budget s’en ressentira. Quant à la barrière linguistique, elle se dressera immanquablement devant vous si vous ne possédez pas au moins quelques bases dans la langue de Shakespeare. Last but not least, souvenez- vous que l’Angleterre n’appartient pas encore à la zone euro (1 livre équivalant à 1,5 euro) et qu’on y circule à gauche…
Si vous en avez l’opportunité, surtout si vous êtes en fauteuil roulant, faites au moins une fois l’expérience de l’Eurostar : accès facile, accueil chaleureux et conditions de voyage de grand luxe en première classe (repas compris) à mini prix ! Attention, les autres catégories de handicap payent plein tarif. Les chiens- guides d’aveugles y sont admis depuis peu, la question est en cours d’examen pour les chiens d’assistance. En matière de transports, une fois arrivé(e), l’accessibilité vous en paraîtra fort différente selon que vous soyez aveugle ou handicapé moteur. En effet, si les messages sonores et braille sont assez généralement répandus (un plan du métro en gros caractères est mis à la disposition des personnes malvoyantes), l’accessibilité du réseau aux fauteuils roulants, excellente pour les bus, est vraiment réduite pour le métro. Seuls les prolongements récents de la Jubilee Line ne présentent aucune difficulté. Ailleurs, ils vous faudra souvent compter avec des seuils et des lacunes parfois rédhibitoires malgré la présence d’ascenseurs pour accéder aux stations. Quant aux légendaires taxis, ils disposent généralement d’une rampe d’accès mais le prix de la course est élevé. Malgré une voirie assez dégradée par endroits, les trottoirs londoniens sont généralement larges, avec des abaissés à la plupart des carrefours. Des bandes tactiles sont également disposées sur de nombreuses traversées, parfois nanties de feux sonores (sur vert piétons). Dans tous les cas, rappelez- vous que le trafic vient sur votre droite !
Nous vous suggérons de commencer votre visite par le London Eye, colossale grande roue posée au bord de la Tamise, non loin de la gare de Waterloo, et dont la silhouette fait désormais partie du paysage. Du haut de ses 135m (un record du monde), la vue y est absolument époustouflante sur une quarantaine de km (par temps clair, faut- il le préciser). En une demi- heure, vous aurez ainsi la possibilité de vous faire une idée plus précise de la configuration de la ville et de son immensité. Romantisme garanti à la tombée de la nuit… Une entrée spécialement aménagée à l’intention du public handicapé vous évitera même de faire la queue. Plein tarif pour vous et gratuité pour votre accompagnateur. S’il pleut, ce qui est assez ordinaire ici, n’hésitez pas à vous embarquer malgré tout : vous apercevrez assez du centre de Londres et de ses monuments (à commencer par le Parlement et Big Ben) pour nourrir votre imagination.
Quant aux nourritures terrestres, au- delà des clichés sur la mauvaise qualité supposée de la cuisine locale, deux constats s’imposent : le monde entier s’est invité à la table de nos voisins… mais il le fait payer fort cher. En dehors des grandes chaînes de restauration rapide, ils sont en effet rares, les restaurants de l’hyper- centre qui proposent des repas à moins de 30 euros par personne. Quelques bonnes surprises toutefois du côté de Soho et au Victoria & Albert Museum. Evitez le Strand, surtout le soir, et fuyez tout ce qui ressemble à une cafétéria.
Outre la qualité de sa table, pour qui aime la magie des arts décoratifs, le Victoria & Albert Museum a de quoi séduire. Gratuit, (comme tous les musées nationaux, les autres sont payants et chers) parfaitement accessible et remarquablement agencé, il déborde d’objets rares, vêtements historiques, meubles et tableaux anciens présentés « en situation ». On déambule ainsi dans des chambres Renaissance, des salons baroques ou des palais de Maharadjah. Aucun visiteur n’est oublié: les enfants disposent de salles à contenu pédagogique en libre accès, les personnes fatigables se voient offrir des tabourets, les aveugles et malvoyants des cartels en braille et gros caractères ainsi que des objets à toucher.
Les objets remarquables sont souvent accompagnés d’une vidéo expliquant leur histoire et leur usage. Et comme le public ne se presse guère dans ces lieux situés en- dehors des circuits touristiques, le plaisir de la visite n’en est que plus grand. Les derniers étages sont occupés par de vastes collections de porcelaines, argenteries et tissus qui attendent une prochaine rénovation mais dont l’exhaustivité enchantera les passionné(e)s.
Autre « gros morceau », la réputation du célébrissime British Museum n’est pas usurpée et l’infinie richesse de ses collections aura également de quoi remplir des heures d’exploration, de la Préhistoire à la Révolution Industrielle. Très peu de tableaux (ils sont répartis entre la Tate Britain, la National Gallery et la Tate Modern) mais beaucoup de sculptures et d’objets dont les controversées mais splendides frises du Parthénon… et « notre » Pierre de Rosette. Un élévateur à fauteuil est disponible sur le côté gauche de l’entrée principale mais il est possible d’entrer de plain- pied par l’aile Montague (arrière du Musée). Tous les étages sont desservis par des ascenseurs dotés d’indications braille. En cas de besoin, le personnel, très affable, se fera fort de vous aider à trouver votre chemin. La foule, ici, est nombreuse mais elle se presse surtout autour des pièces emblématiques. Il suffit, comme souvent, de s’éloigner de ces must pour découvrir des salles tout à fait tranquilles.
Si l’art antique vous laisse… de marbre, ne manquez surtout pas le cabinet des curiosités (Enlightenment Gallery) du rez de chaussée et l’extraordinaire bibliothèque circulaire désormais librement ouverte à la visite au centre de la Grande Cour. Autres muséographies remarquables, celles du cabinet des horloges (la plupart fonctionnent) et les vitrines présentant des joyaux de la Renaissance à nos jours : inutile de rechercher semblables collections en France, il n’y en a pas! L’art français, en revanche, est d’autant mieux représenté dans ce musée (comme dans d’autres telle la fameuse Wallace Collection) que les anglais ont été de grands amateurs de nos productions nationales bradées lors de la Révolution… Dernier point, si vous souhaitez vraiment vous restaurer sur place, consacrez-y quelques Livres Sterling supplémentaires et offrez- vous le restaurant situé au- dessus de la bibliothèque, dans la Grande Cour, vous y serez au calme et mangerez correctement.
De l’autre côté du fleuve, la Tate Modern vaut également le détour. Vous y accéderez de préférence par l’aérien Millenium Bridge (passerelle piétonne) de Norman Foster, duquel vous aurez une vue remarquable sur les berges de la Tamise dominées par la silhouette massive de la cathédrale Saint Paul et le « pain de sucre » (les londoniens lui donnent d’autres qualificatifs) de la compagnie Swiss Re. Découvrez- en ici un panoramique saisissant. La Tate Modern est une ancienne centrale électrique reconvertie en Musée d’Art Contemporain: l’agencement est spectaculaire, les volumes immenses. Comme toujours en la matière, l’appréciation des collections est affaire de goût mais l’humour et la sensualité ne sont pas absents, et l’accessibilité vraiment exemplaire. Un restaurant (très bruyant) est installé à son sommet, d’où l’on domine un beau morceau du paysage londonien. Le bâtiment est un haut lieu de la modernité, écho « rive sud » des constructions verre et acier de la City. Ce qui étonne, en effet, c’est la présence parfois incongrue de « verrues » ultramodernes (d’un goût parfois douteux) en plein coeur du centre historique. Le pire exemple de cette « bruxellisation » pourrait être ce qu’il est advenu du Strand, jadis avenue distinguée, aujourd’hui artère sans charme dont la plupart des beaux immeubles ont disparu. Autre choc du côté de Westminster où le seul secteur préservé semble être celui des ministères (Whitehall).
C’est vers le 10 Downing Street (un vrai bunker) en remontant vers Trafalgar Square qu’on pourra admirer les célèbres Horse Guards. Trafalgar Square, d’où l’on accède à la National Gallery, est un peu le coeur emblématique de Londres, son coeur battant se situant plutôt du côté de Picadilly. De là vous pourrez vous perdre entre Oxford Street et Shaftesbury Avenue et découvrir ce que shopping signifie vraiment! Attention, l’incontournable Harrods est situé résolument plus au sud- ouest (Brompton Road) à quelques encablures de Hyde Park. Quant au quartier de Covent Garden et son typique marché couvert, très populeux à toute heure du jour et de la nuit, les amateurs d’art lyrique y seront particulièrement choyés: outre la qualité mondialement réputée de sa programmation, le Royal Opera House fait beaucoup pour le confort de ses visiteurs handicapés (lire cet article). Il faudra vous y prendre à l’avance pour réserver vos places (et ne pas oublier de vous faire inscrire sur l’access list pour bénéficier de réductions) mais quels souvenirs en perspective ! Et le public est non seulement élégant (Rolls avec chauffeur à la sortie) mais également connaisseur et passionné.
Comme à Paris, les beaux quartiers de Londres sont situés à l’ouest. Kensington, Bayswater, Paddington, Chelsea, au- delà des splendides Regent’s Park et Hyde Park. L’habitat y est principalement composé d’élégantes demeures, identiques et soigneusement entretenues, de style classique ou victorien qui évoquent immanquablement l’illustre locataire du 221B Baker Street. On y vit en autarcie, on s’y croise dans les boutiques chic, les galeries d’art et les antiquaires, on s’y retrouve dans de très authentiques pubs, des restaurants branchés ou autour de ces barbecues inimitables, propices aux rencontres inattendues, qui peuvent réunir tout un quartier sur l’herbe fraîche d’un parc. De quoi donner, au simple visiteur de passage, l’envie de revenir plus souvent et peut- être plus longtemps…
Jacques Vernes, décembre 2004.
Pour préparer votre voyage, procurez-vous l’excellent Rough Guide to Accessing London édité à l’occasion de l’Année Européenne des personnes Handicapées et disponible gratuitement (en anglais) sur le Web et auprès de certains points d’informations touristiques à Londres. Consultez également la section réservée aux visiteurs handicapés sur le site Visit London.