La vie de Catherine Dedieu-Lugat a failli s’interrompre à l’âge de huit ans. Un camion de chantier la renverse, elle a le bassin broyé. Les médecins ont dû très vite sauver les organes vitaux mais une gangrène gazeuse s’est déclarée et a fait des ravages, nécessitant plusieurs amputations sur une jambe et une partie de la hanche. Les parents de Catherine l’ont fait sortir dès que possible de l’hôpital pour qu’elle retrouve une vie normale. « Je ne peux pas dire que mon enfance ait été massacrée, estime- t-elle. J’ai repris l’école environ neuf mois après l’accident, dans le même établissement. Ce qui a été dur, c’est la rééducation ambulatoire. J’avais été hospitalisée à Garches et j’en garde encore un sentiment d’effroi; c’est une ville dans la ville, énorme. A l’époque, le service de réanimation pédiatrique n’existait pas, la douleur d’une enfant n’était pas prise en charge ». Bien que l’amputation ne lui ait même pas laissé un moignon appareillable, Catherine a conservé la marche debout, avec des béquilles : « J’utilise quelques heures par jour une prothèse de jambe qui me permet d’alléger l’effort que supportent mes épaules du fait de l’emploi des cannes anglaises ».
Après une scolarité classique, marquée toutefois par le refus des enseignants de la laisser participer aux classes de neige et autres séjours linguistiques à l’étranger « par peur du handicap », Catherine Dedieu- Lugat est entrée à l’Ecole Française des Attachés de Presse pour en sortir Major de promotion en 1983. « Il m’a fallu des mois pour trouver mon premier emploi. Je ne l’ai pas gardé longtemps, trop exploitée par ma patronne. Sur le conseil d’une collègue, une grande professionnelle réputée dans le monde de la mode, je me suis mise à mon compte. Elle m’a aidée, conseillée ».
Quelques temps plus tard, Catherine Dedieu- Lugat a participé à la fondation de l’Agefiph: elle en a été la première directrice de la communication, créant et organisant ce secteur pour l’association et participant à la conception de son identité graphique. « Au bout de deux ans, j’avais fait le tour de ce que je pouvais réaliser dans cet organisme. Quand je ne me sens plus à l’aise dans ce que je fais, je préfère partir ou tirer la sonnette d’alarme ». C’est ce qu’elle fit il y a quatre ans alors qu’elle était directrice de la communication du Comité National Français de Liaison pour la Réadaptation des Handicapés (C.N.R.H). « J’avais été recrutée en 1995 pour structurer sa politique de communication. Mais quand on a, avec mes collègues de travail, commencé à faire ce que l’on m’avait demandé, le répondant n’est pas venu de la direction de l’association. Je suis partie quelques mois avant la liquidation du Comité ».
Si Catherine travaille maintenant plutôt pour des entreprises privées ou des sociétés publiques, elle donne également de son temps et de sa compétence à des associations de personnes handicapées. Ces temps-ci, c’est à la Défi Parade qu’elle travaille, en popularisant auprès de la presse ce premier défilé festif et non revendicatif de personnes handicapées. « Nous espérons réunir de 5 à 25.000 personnes dans les rues de Paris ». Pour l’occasion, Catherine dévoilera au grand jour un autre de ses talents, chanteuse : « J’ai commencé à chanter dans des clubs, pour faire un ‘boeuf’, et pour des amis. Je m’accompagne au piano dans un répertoire jazz (Ella Fitzgerald), soul (Tina Turner) ou chanson française (Liane Folly, Véronique Sanson) ». Sur la grande scène de la Défi Parade, Catherine Dedieu- Lugat interprétera une composition de Gilles Naudin. Elle refuse que son handicap soit un obstacle : « C’est à moi de mettre les autres à l’aise, de faire le premier pas, et cela m’a plutôt réussi. J’ai choisi il y a de nombreuses années de cultiver le bonheur, de me lever en me disant ‘ce sera une belle journée’ même si tout ne se passe pas comme je le voudrais. Je ne fais pas vivre aux autres ce qui ne les regarde pas, j’ai le culte des petits bonheurs »…
Laurent Lejard, octobre 2003.