Le tabou républicain de l’état de santé du Président refait surface pour la quatrième fois en quarante ans. Après Charles de Gaulle (qui apprenait ses discours par coeur pour n’avoir pas à lire en public avec des lunettes), Georges Pompidou (dont la grave maladie fut soigneusement cachée aux citoyens jusqu’à ce qu’ils apprennent son décès au milieu du film de la soirée télé), et François Mitterrand (qui garda secret durant dix ans le cancer de la prostate qui le minait), c’est au tour de Jacques Chirac. Certes, on ne pourra pas lui reprocher de mentir aux Français comme l’avait fait son prédécesseur en faisant publier chaque semestre des bulletins de santé mensongers : dès son élection de 1995, le Président Chirac a clairement dit qu’il ne diffuserait aucun bilan de santé. Il reste donc dans sa logique personnelle en s’abstenant d’évoquer ses éventuels troubles auditifs.
Ces troubles n’ont pourtant rien d’honteux, ils sont liés au vieillissement et assez fréquents chez les septuagénaires. Certes, à cet âge- là, on a beaucoup de cheveux blancs et la chevelure du Président en manque visiblement mais de là à considérer une coquetterie comme le signe d’une vitalité exceptionnelle…
Le problème est ailleurs, dans le déni de la malentendance que subissent, leur vie durant, celles et ceux qui la vivent depuis l’enfance, une maladie ou un accident. Le « sourd comme un pot » est encore moqué, raillé, victime de plaisanteries douteuses et parfois assimilé à un handicapé mental parce qu’il comprend mal ce qu’on lui dit. En gardant le silence sur les difficultés d’audition qu’on lui prête, Jacques Chirac ne rend donc service ni au prestige de sa fonction, ni à la vaste communauté de ses compatriotes malentendants.
Laurent Lejard, novembre 2003.