Le droit à la retraite est l’un des plus sensible qui soit. Il suffit qu’un gouvernement engage sa réforme pour que les syndicats et les salariés protestent, et manifestent leur désapprobation par centaines de milliers. A l’origine de ce mécontentement, la réforme initiée par le Ministre des affaires sociales, François Fillon. En quoi les travailleurs handicapés sont- ils concernés par cette réforme ?
Deux catégories de retraités handicapés. La loi actuelle établit une distinction entre les travailleurs handicapés. Ceux qui perçoivent une pension d’invalidité versée par un régime de protection sociale obligatoire (Sécurité Sociale, MSA), une allocation adulte handicapée (AAH) ou sont atteints d’une incapacité de travail d’au moins 50%, et les autres. Les premiers bénéficient d’une retraite dès l’âge de 60 ans, quel que soit le nombre d’années travaillées et de trimestres de cotisations, avec une pension de retraite égale à 50% du salaire de référence (calculé sur les mêmes critères que celui des valides) éventuellement complétée pour atteindre le « minimum vieillesse » dont le montant est équivalent à l’AAH (577,92 euros/ mois).
Les seconds sont traités comme l’ensemble des autres salariés. Leur droit à la retraite est directement dépendant du nombre de trimestres de travail et de cotisation. Il n’est pas tenu compte, pour ces travailleurs handicapés non allocataires, de leur fatigabilité au travail ou des restrictions de leur aptitude. Tous ceux- là se retrouvent dans le cadre commun et risquent de devoir travailler plus longtemps afin de percevoir une pension de retraite. Autant dire que pour eux la retraite à 60 ans est une douce illusion.
Une retraite menacée ? Vous qui êtes allocataire ou pensionné, pouvant opter pour une retraite à taux plein dès 60 ans (la règle qui prévaut pour le régime de base est également applicable aux retraites complémentaires), voudriez certainement savoir si vos droits sont menacés. La Secrétaire d’Etat aux personnes handicapées s’est prononcée en faveur de dispositions particulières, lors de sa visite du CAT Val- Mandé le 14 mai, précisant être « pour des solutions extrêmement souples dans la nouvelle loi et pour des parcours personnalisés ». Prenant exemple d’un salarié, elle a ajouté « Roger, trisomique, a travaillé jusqu’à 50 ans mais il est fatigué. Qu’il puisse prendre sa retraite à 50 ans, cela ne me choque pas du tout ». Marie- Thérèse Boisseau a également estimé que le minimum vieillesse « n’est pas adapté aux personnes handicapées ». C’est dans le projet de loi sur l’égalité des chances (lire cet Editorial) que des dispositions concernant la retraite des travailleurs handicapés seront incluses.
Face à des syndicats de salariés et des associations de personnes muets sur le sujet (seul le Collectif des Démocrates Handicapés s’est exprimé clairement en faveur d’une retraite anticipée, dénonçant « une réforme handiphobe »), on peut se réjouir des déclarations de Madame Boisseau. Le projet de loi du Ministre des affaires sociales, François Fillon, introduit en effet une notion d’équilibre entre la durée de la vie active (2/3) et la période de retraite (1/3) pour tenir compte de l’augmentation de l’espérance de vie. Sa comptabilité froide ne prend pas en compte la durée de vie des travailleurs handicapés, réputée inférieure à la moyenne même s’il n’existe pas d’étude récente sur ce point. On le sait, le travail use les hommes et il est d’ailleurs la première cause de handicap parmi les salariés. Ceux qui en subissent les conséquences devaient- ils être condamnés à travailler jusqu’au cimetière tout en étant obligés de se constituer une retraite dont ils ne bénéficieraient pas ? Marie- Thérèse Boisseau répond non. Puisse- t-elle être entendue par le gouvernement, les parlementaires, les syndicats et les associations. Pour que ce Top ne se transforme pas en Flop…
Laurent Lejard, mai 2003.