Etienne Coutheron était lourdement handicapé. Peu après sa naissance, les médecins diagnostiquent une tumeur au cerveau et l’opèrent. Il s’en suivra une hydrocéphalie mal résorbée, entre autres difficultés. Etienne subira durant sa brève vie de multiples séquelles, motrices et intellectuelles, jusqu’à son décès prématuré à la suite d’une violente crise d’épilepsie. Son frère aîné, Yannick, monteur de films pour le cinéma et la télévision, raconte dans un document, « Quoi après » (diffusé le 28 novembre 2002 à 15h35 sur France 5) sa relation avec son frère, la place qu’il occupait au sein de la famille, le vide qu’il a laissé après son départ.
Etienne marchait peu et avec de grandes difficultés, sur quelques mètres au mieux. Les multiples opérations chirurgicales tentées sur lui n’ont pas changé sa démarche, elles ont simplement séparé l’enfant de sa famille. Au début, les parents faisaient confiance aux médecins; ils sont devenus vigilants au fil du temps : « ils nous ont menti, ils n’auraient pas dû nous donner d’espoir » dit son père, « s’acharner sur lui alors que des milliers de gosses meurent chaque jour dans le monde » !
Yannick s’est souvent occupé du frère que ses parents lui ont donné, parce qu’on lui trouvait un petit air triste, il avait été élevé au milieu des adultes. Son père fabriquait alors des métiers à tisser que sa mère utilisait pour faire des vêtements de laine, une vie plutôt baba cool…
Après la naissance d’Etienne, la vie de famille est bouleversée. Sa mère abandonne son travail pour se consacrer à son fils. Son père se reconvertit dans l’informatique, secteur dans lequel il avait travaillé et qu’il souhaitait abandonner par choix de vie; plus lucratif que l’artisanat, cette activité permettra à la famille d’être à l’abri du besoin et de payer les aides techniques coûteuses et les soins non pris en charge. Tous vivront au rythme des besoins d’Etienne, changeant de résidence au gré des besoins de sa santé ou de ses placements en centre. Il n’était pas pensionnaire, dormait toujours chez ses parents. La tentative d’internat partiel, une à deux nuits par semaine, ne fut supportée ni par lui ni par la famille, sa présence manquait.
La vie de famille s’est organisée autour d’Etienne et après sa mort chacun doit faire face, affronter sa peine et son souvenir. Sa mère affirme que si elle avait été sûre de le retrouver dans un autre monde, elle l’aurait suivi, tant sa douleur était forte. Les trois dernières années ont été difficiles, Etienne déprimait en pleine adolescence, sa santé se dégradait, il ne pouvait pratiquement plus marcher, il regardait les filles mais aucune se lui portait la moindre attention. « Il sentait bien qu’il n’était pas comme les autres, c’était l’anti- vie », il perdait le goût des choses. Le désespoir a conduit sa mère à envisager de se suicider avec son fils. Lorsqu’il a subi son ultime crise d’épilepsie, elle a demandé au médecin, appelé d’urgence, d’arrêter la réanimation, de laisser partir Etienne sans lui infliger davantage de souffrances.
Aujourd’hui, sa mère vit dans le souvenir, sans avoir le goût des choses et en culpabilisant « quand on est content ». Etienne manque à Yannick, des sensations simples comme son rire ou sa main sur la sienne lorsqu’en voiture il changeait les vitesses. Il le déclare à son frère : « ta disparition, bien que douloureuse, m’apparaît finalement comme un soulagement, celui de ne pas te voir sombrer davantage »…
Laurent Lejard, novembre 2002.