Son nom reste indissolublement attaché à l’invention d’un système d’écriture en relief permettant aux aveugles d’apprendre et d’acquérir une formation littéraire ou scientifique au même titre que n’importe qui. L’histoire de Louis Braille est inséparable de la naissance de son procédé…
Né à Coupvray, en Seine- et- Marne, le 4 janvier 1809, Louis Braille a trois ans lorsque, se blessant accidentellement avec un outil que son père, bourrelier, avait laissé à sa portée, il perd un oeil, puis l’autre à la suite d’une infection. Il fréquente l’école du village et s’y montre bon élève. À dix ans, il entre à l’Institut des jeunes aveugles de Paris dont le fondateur, Valentin Haüy (1745- 1822), s’ingénie à développer les capacités de ses élèves. Les moyens, cependant, restent rudimentaires. On apprend l’alphabet par le toucher, avec des brindilles assemblées en forme de lettre, et les livres dont on dispose sont d’énormes recueils dont les caractères en étoffe sont collés sur des feuilles de papier.
À ses maîtres, Louis Braille apparaît appliqué et intelligent. Se désolant toutefois des limites qui restent imposées à la culture des aveugles, il cherche à mettre au point un code d’écriture fondé sur la représentation symbolique des lettres. Une première tentative de figuration des caractères par des triangles, des carrés et des cercles se solde par un échec.
Devenu entre-temps professeur à l’Institut des jeunes aveugles, Louis Braille entend alors parler du système qu’un officier de cavalerie, le Capitaine Nicolas- Marie- Charles Barbier de la Serre, avait mis au point pour permettre la lecture dans l’obscurité (1826). Ce procédé consistait à transcrire des signes conventionnels fort simples, traits et points, en formant des bosses dans un papier épais, à l’aide d’un poinçon. Barbier n’avait imaginé qu’un code très sommaire, qui permettait simplement aux soldats en campagne de lire et écrire des messages de nuit. À partir de cette ébauche, on pouvait aboutir à un alphabet complet.
Braille le comprend aussitôt : il réduit à six points, répartis en deux colonnes de trois, les douze points que le système de Barbier exigeait pour chaque signe. Les gros points, qui représentent les caractères alphabétiques, mathématiques et musicaux, sont en relief ; les petits points servent à indiquer la position relative des gros dans chaque groupe de six. L’agencement des gros points compose une figure qui est aisément repérable tactilement et que l’usager apprend très vite à traduire en une lettre, un chiffre ou une note.
Un moment accusé de plagiat, Braille conquiert peu à peu l’estime de tous ceux qui avaient à coeur de faciliter l’accession des aveugles à l’écriture, à la lecture et à la composition. Barbier lui- même lui rend hommage en 1833, reconnaissant dans le système de Braille une simplification qui en garantissait l’universalité. En 1829, Louis Braille publie son « Procédé pour écrire les paroles, la musique et le plain-chant au moyen de points, à l’usage des aveugles et disposé pour eux » et en 1836, âgé de vingt- sept ans, il réalise sa première transcription, en recopiant, selon sa méthode, des extraits de l’oeuvre du grand poète aveugle John Milton. En 1837, une deuxième édition du « Procédé » parfait et simplifie la méthode. Un an plus tard, Braille édite en relief un « Petit Mémento d’arithmétique à l’usage des commençants, contenant les nombres entiers et les fonctions décimales, suivi de cent problèmes ».
Il tente de répandre son procédé, mais se heurte à des rivalités professionnelles et à des obstacles administratifs. Ses élèves, cependant, bénéficient de sa découverte. Atteint de phtisie en raison des conditions insalubres qui règnent dans l’Institut, il abandonne son poste en 1844, devient professeur de musique et écrit plusieurs traités. Il meurt à Paris le 6 janvier 1852, âgé de quarante- trois ans, tandis que son oeuvre accède à une renommée internationale.
En 1952, la France reconnaît officiellement les accomplissements de Louis Braille par le transfert de ses cendres au Panthéon. Sa maison natale, qui abrite le Musée Louis-Braille ainsi qu’une bibliothèque, est restaurée en 1997 (à explorer sur le site canadien du Typhlophile). Redéfinie en 1878, l’écriture Braille est désormais en usage dans le monde entier et s’applique à toutes les langues. La publication par l’UNESCO, en 1954, de « L’Écriture Braille dans le monde » de Clutha Mackensie a marqué une étape importante dans le développement du système tactile. On compte désormais des machines à écrire Braille, des productions de cartes et diagrammes, des procédés de traitement de textes et de traduction automatique en caractères Braille, notamment au moyen de plages tactiles bien utiles dans l’utilisation de l’Internet.
Jacques Vernes, janvier 2002.