C’est par la chronique qu’Expo 02 a assuré sa prime notoriété : décalée d’une année, deux équipes dirigeantes successivement débarquées, un gouffre budgétaire comblé par les finances publiques, des installations controversées. Ouverte au public depuis le 15 mai, cette exposition nationale suisse propose au visiteur des installations splendides qui font réfléchir ou rêver, irritent ou ravissent, mais ne laissent jamais indifférent. Sur quatre sites du pays des Trois Lacs, des « arteplages » – selon l’expression consacrée par la première équipe d’Expo 02 – présentent une mise en espace, en scène et en lumière de la Suisse d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Entre réflexion philosophique… et Luna- Park. Toutes les arteplages sont tournées vers le lac qu’elles bordent : à Neuchâtel, des « galets » sont élevés sur une plage lacustre, à Bienne ce sont des tours (dont une musicale) qui flottent sur le lac, à Morat un cube d’acier se visite par bateau, à Yverdon- les- Bains vous traversez un nuage posé sur l’eau.
L’arteplage de Bienne pose la question de ce que deviendra cette nation si diverse, fédération de 26 cantons (un célèbre fabricant de montres pétitionne même pour en créer un 27e à la gloire de sa marque !) dans lesquels on parle quatre langues et de multiples dialectes : un archipel d’îles (Territoire imaginaire) lorsque les glaces polaires auront fondu ? Une mégalopole aux tours immenses reliées par des voies rapides cernant des jardinets devenus le seul lieu de relaxation de suisses désormais stressés ? Un monde virtuel (Cyberhelvetia.ch) dont vous fabriquez les images à voir à travers des lunettes polarisantes ? Un coffre- fort géant dont le robot gestionnaire (Argent et valeur) fait grignoter les billets de banque par un destructeur de papier ?
Bien des présentations laisseront le visiteur dans son imaginaire… ou sur sa faim s’il les aborde de manière trop rationnelle. En l’absence du compendium des intentions avouées de leurs auteurs, mieux vaut laisser voguer son esprit sur ces architectures de bois, ces contrastes forts, ces lignes harmonieuses, ces oppositions de couleurs. L’Expo est un étalage d’impressions visuelles, tactiles, odorantes, dans l’immédiateté de la sensation. Le soir, l’ambiance change totalement : la superbe mise en lumière vous propose un autre spectacle, coloré, vif et contrasté, un autre monde dans une autre agitation, notamment à Neuchâtel avec ses concerts de musique actuelle chaque soir au Cargo. Le public y est différent, plus jeune.
Deux installations au moins mettent en scène clairement le monde du handicap. La première, Empire of silence (Bienne), est un show interactif à la manière d’un train- fantôme sur le thème du silence à vaincre par la frénésie et le bruit, dont les créateurs affirment avoir pris comme point de départ la rédaction par clignement d’oeil du roman « Le scaphandre et le papillon » écrit par le journaliste paralysé (et décédé depuis), Jean- Dominique Bauby.
La seconde, Blindekuh (Morat), est une exploration dans le noir, conduite par des aveugles à la découverte de vos autres sens tout en évitant de vous retrouver dans un lac intérieur. Un « bar noir » complète la visite, des spectacles, des offices religieux, y sont représentés le samedi soir et le dimanche matin. Pour participer à cette installation, il est nécessaire de réserver (lire détails pratiques en bas de page).
Si chaque site possède sa thématique, Morat est le plus « helvéto- suisse » : le désormais fameux Monolithe conçu par Jean Nouvel abrite notamment la peinture panoramique de la bataille de Morat, qui vit les suisses alliés au roi Louis XI triompher des troupes du Duc de Bourgogne en 1476. On y accède par bateau, puis ascenseurs. Restera- t-il en place après l’Expo ? La réponse est entre les mains des autorités…
Il y a tant à visiter qu’il est difficile ici d’être exhaustif : les histoires d’amour de Swiss Love (Yverdon) plairont aux « fleur bleue », le pavillon consacré à la « magie de l’énergie » (Neuchâtel) et son dompteur- danseur d’eau sont un enchantement à ne rater sous aucun prétexte ! Enfin, de nombreux événements (« events », en anglo- suisse) ludiques, culturels, sportifs, parsèment cette exposition nationale dont on peut espérer qu’elle connaîtra une nouvelle édition… en 2027.
Quelques conseils pratiques : Les personnes handicapées bénéficient d’une réduction de 10% sur le tarif d’entrée (48 FS pour 1 jour, 120 FS pour 3 jours, 240 FS pour la saison). Gratuité pour l’accompagnateur sur présentation d’un justificatif de tierce- personne. Fauteuils roulant ou béquilles sont prêtés gratuitement durant la journée, sous réserve que vous ne quittiez pas l’arteplage où vous les empruntez.
Des maquettes tactiles en trois dimensions permettent aux aveugles et malvoyants d’apprécier l’architecture d’ensemble de chaque arteplage; elles sont généralement situées près du point d’information principal (face à l’entrée), qui peut mettre à votre disposition des cassettes sonores décrivant certaines expositions. Attention : lecteur non fourni !
Si vous voyagez sur une navette Iris, vous pouvez demander à être accompagné(e) en fauteuil jusqu’au bateau et à être pris(e) en charge au débarquement. Les personnes à mobilité réduite peuvent éviter les files d’attente en se présentant à l’Easy Access (parfois indiqué Presse ou VIP); si vous ne le trouvez pas, demandez cet accès au personnel d’accueil de chaque exposition. Le stationnement automobile est possible à proximité de l’entrée des arteplages sur présentation, auprès des factionnaires, de votre macaron GIC ou de la Carte européenne de stationnement; les autres automobilistes étant détournés, vous circulerez et stationnerez aisément en ville. Les navettes desservant les parkings spéciaux et payants d’Expo 02 (si vous préférez les utiliser) sont munies de rampes pour fauteuil roulant.
Par ailleurs, les sols en gravier d’Yverdon et de Bienne (pour partie) sont parfois difficilement « roulables » et salissent les mains. Prévoyez d’être aidé(e), utilisez des gants, évitez de visiter ces sites par temps de pluie (dans ce cas, optez plutôt pour Neuchâtel ou Morat). Au « nuage » d’Yverdon, les imperméables fournis à l’entrée sont suffisants pour les piétons mais les personnes en fauteuil roulant auront intérêt à se protéger les jambes au moyen d’un plastique ou d’un pantalon imperméable.
Morat est une ville pentue. Vous pouvez demander l’assistance des forces militaires suisses ! Mais attention, ces militaires parlent essentiellement le suisse alémanique. Toujours à Morat, l’exposition Blindekuh (parcours dans le noir) est ouverte plus longtemps que les autres installations (9h30 à 22h) et dure une heure, sur réservation préalable au 058 726 80 13 et retrait d’un ticket spécial.
La manipulation des élévateurs pour fauteuils roulants est effectuée par le personnel et il faut parfois attendre l’employé(e) qui en possède la clé. Les ascenseurs, eux, sont d’accès libre. Les visiteurs sont parfois très nombreux et il ne faut pas hésiter à se faire de la place en se faisant remarquer… voire en poussant doucement.
Les catamarans Iris qui relient les Arteplages sont accessibles aux personnes en fauteuil roulant, aidées alors par le personnel; des sièges passagers disposant de davantage de place pour les jambes sont situés dans la cabine arrière inférieure du catamaran.
Lors de notre visite, l’Arteplage Mobile du Jura (AMJ), qui accueille des présentations multimedia et des thématiques politico- philosophiques, n’avait pas encore été mise en service, nous n’avons donc pu en apprécier l’accessibilité.
Plus généralement, question distances, Yverdon est à une heure de voiture de Genève, Neuchâtel et Morat (Murten en allemand) à une heure trente, Bienne (Biel) à une heure quarante- cinq. Question prix, l’entrée en Suisse par autoroute oblige à payer une vignette de 40 francs suisses (environ 25 euros) par véhicule, et les repas pris dans les restaurants (surtout ceux de l’Expo) sont souvent prohibitifs. Seule l’essence est moins chère !
Renseignements complémentaires sur www.expo.02.ch. Des services spécifiques pour personnes handicapées sont proposés par l’association Handicap 02 qui a notamment réalisé un guide d’accessibilité vendu aux guichets d’information d’Expo 02. L’exposition Empire of silence existe aussi sur le web.
Laurent Lejard, mai 2002.