« Aujourd’hui encore, les femmes adultes sont ‘oubliées’, mises à l’écart dans la communauté de l’autisme, car la clinique de l’autisme reste essentiellement masculine. » Ce constat de l’Association Francophone de Femmes Autistes (AFFA) sera l’un des éléments d’un colloque co-organisé par le Centre Ressources Autisme Ile de France (CRAIF) qui doit se dérouler le 14 mars à l’Assemblée Nationale, Femme avant Tout !. Quel est donc le problème ? « L’autisme favorise la manipulation, explique la présidente de l’AFFA, Marie Rabatel. On ne sait pas trop ce qu’on a le droit de nous faire ou pas. » Une réalité également constatée par Betty Molin, qui travaille dans le Rhône sur le programme du Planning Familial Handicap et alors ? « Des personnes viennent exposer des situations de violences subies. Certaines rencontrent des difficultés de discernement, de décrypter les situations auxquelles elles sont confrontées; habituées à obéir, il leur est difficile d’oser s’affirmer. On pense pour elles, on fait à leur place. » Avec comme conséquences soumission et dépossession de l’autonomie des personnes vivant en institutions médico-sociales : « On leur explique que le consentement, poursuit Betty Molin, c’est aussi le droit de ne pas accepter ce qu’on propose, imposé par l’organisation de l’établissement. »
Les agressions et violences sexuelles seront à nouveau au coeur des débats, comme c’était le cas récemment lors d’une table-ronde au Sénat. Avec un focus plus marqué sur les femmes autistes. « L’autisme engendre une vulnérabilité particulière, ajoute Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire traumatique; les violences sexuelles aggravent l’autisme. Je suis contente que ce colloque ait lieu, que l’omerta sur les violences soit levée, particulièrement sur les femmes handicapées mentales ou autistes. » Engagée dans des organisations féministes, Laure Salmona veut développer la prise en charge du psycho-traumatisme des victimes : « C’est l’ensemble des conséquences d’une agression en terme de santé mentale, de troubles neurologiques et endocriniens. Les blessures neuropsychiques ont des conséquences considérables qui entrainent des risques de dépression, d’addiction, de suicide. » Une prise en charge thérapeutique pour sortir de la sidération, mettre des mots, peut atténuer et faire disparaître les séquelles, l’Etat commence d’ailleurs à le prendre en compte : la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a inauguré le 22 février le Centre National de Ressource et de Résilience de Lille (Nord), premier établissement de recherche sur le psycho-traumatisme prélude à la création d’une dizaine d’unités de soins.
L'(in)action des politiques
Cet engagement de la ministre de la Justice, Marie Rabatel l’a ressenti en la rencontrant il y a quelques semaines : « On a eu un échange ouvert sur tous les sujets, sans tabou. J’ai évoqué le sujet du consentement à l’acte sexuel parce qu’une personne autiste n’a pas forcément d’âge prédéfini pour ce consentement éclairé. Il faut en comprendre les conséquences, le fait d’être en position de soumission, et là le consentement n’est pas fidèle. » Et puisque l’on évoque les ministres concernées, on relève l’absence au colloque de la secrétaire d’Etat chargé des droits des femmes, Marlène Schiappa, officiellement pour des raisons d’agenda. Comme c’était déjà le cas pour la table-ronde du Sénat… Ce qui fait se remémorer sa réponse le 22 mai 2018 au député Adrien Taquet défendant des amendements « handicap » au projet de loi réprimant les violences sexistes et sexuelles : « [Ces dispositions] n’ont pas leur place dans ce projet de loi spécifique mais qu’elles pourraient s’inscrire dans le cadre plus global d’un projet de loi de la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel. » La ministre des Femmes ne veut visiblement pas s’intéresser à celles qui vivent avec un handicap. « C’est bien le problème, confirme Muriel Salmona, quand on essaye d’alerter Marlène Schiappa ou Agnès Buzyn [ministre de la Santé et des affaires sociales] elles renvoient vers Sophie Cluzel ! »
Secrétaire d’État que Marie Rabatel a également récemment rencontrée : « Je suis sortie bien triste de ce rendez-vous. Elle ne comprend pas ce qu’est une stratégie d’agresseur. Elle a besoin d’avoir une connaissance de ce qu’est l’agression dans le couple. Elle me parlait des violences sexuelles dans les institutions pour ce qu’on lui en a dit. » Le salut viendra-t-il d’Adrien Taquet, devenu secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance ? Il avait marqué un intérêt certain pour les droits et l’autonomie des personnes handicapées et s’exprimera au colloque : un homme au secours des femmes ?
Laurent Lejard, mars 2019.