Le « Villa-Joie » est situé dans un petit village de la Bresse, Saint- Just. Une cinquantaine d’hommes et de femmes polyhandicapés y vivent depuis une quinzaine d’années. C’est à leur demande que des ateliers d’expression artistique ont été mis en place.
C’est ce qui a décidé une dizaine de résidents à exprimer leurs sentiments, leurs valeurs, leurs espoirs et à raconter des tranches de vie dans un beau livre dont nous avons vu la maquette : beau parce qu’il sera grand comme un carton à dessin, illustré de dessins et peintures originales, de collages et de photomontages alternant avec les textes. Ces derniers sont des histoires écrites à partir d’images sur papier et calque que les auteurs ont observées, commentées, se sont approprié pour les intégrer à leur vie et leur préoccupation du moment. Le résultat, ce sont autant d’Univers oniriques exprimés par des personnes qui ont une élocution difficile, des gestes imprécis, une mémoire volatile, des pensées ancrées dans un autre monde.
Mimi Bressot, graphiste et plasticienne, explique comment elle a travaillé avec les auteurs : « Ils ont choisi un ou plusieurs photomontages, les ont observés, sont entrés dedans, afin de se glisser dans une histoire évoquant leur vécu. Tout ce qui a été dit a été enregistré puis retranscrit […] Ceci a exigé une grande capacité d’écoute réciproque et a développé le sentiment d’appartenir à un groupe. […] Chaque résident ayant tramé son histoire, l’exercice consistait ensuite en l’élaboration d’un trou réalisé dans une feuille de papier pour promener son oeil dans l’image choisie et arrêter son regard sur un détail qui permettait d’enrichir les premiers écrits ». Le format du livre résulte du travail des auteurs, qui avaient besoin de documents d’une grande dimension afin de pallier leurs difficultés de préhension. Mimi Bressot a décidé de respecter leur création en la restituant au lecteur dans son format original.
Les auteurs se présentent à la fin du livre, certains commentant l’événement qui les a handicapés : « j’ai fait un voyage à Bangkok en Thaïlande qui m’a été fatal » nous dit Jean- Marie Bertalmio en précisant qu’il est célibataire car « le mariage est une bêtise ». Michel Ecochard a vu sa vie changer alors qu’il effectuait son service national : « j’ai eu mon accident en allant fêter la quille, à 20 ans ». Ali Hamhoum, myopathe, se définit simplement : « je n’ai pas fait d’étude, rien du tout, je suis parti de Kabylie pour la France en 1974 ». Didier Poulet : « j’étais électromécanicien avant d’avoir l’accident. J’essaie d’avoir des idées sensées dans mon esprit ». Mais ce que nous dit Hubert Jacquet, hémiplégique depuis un accident, pourra étonner : « depuis que je suis handicapé, je n’ai jamais été aussi heureux ! » Quant à Betty Kaczynski, elle attend beaucoup du livre et des lecteurs : « j’ai décidé de faire ce livre pour qu’on lise mon histoire qui s’est passée avant mon handicap. Ce sera une grande satisfaction d’être lue, d’être reconnue, merci ».
La Vie en pointillés est vendu par souscription, au prix de 25,92 Euros (170 Francs). Il sera disponible à partir du 15 décembre. Son titre est venu d’un des résidents : « nos histoires sont des vies en pointillés, elles forment des chemins interrompus, qui repartent de nouveau, et puis toutes ces lignes brisées se rejoignent en bouquet, en gerbe, pour éclater ensuite, comme un feu d’artifice, dans la joie ». Renseignements et souscription : Patricia Therry, MAS Le Villa-Joie, Tél: 04 74 50 30 80.
Laurent Lejard, septembre 2001.