Selon des estimations officielles, 3 millions de personnes handicapées vivent au Maroc, soit 10% de la population. La grande majorité vit essentiellement de la mendicité et grâce à la solidarité familiale. Certaines, peu nombreuses, ont pu faire des études. Un peu plus d’un millier sont titulaires du bac et environ 300 d’une licence ou plus. Depuis bientôt un an, 48 d’entre elles revendiquent un emploi. « Nous sommes des handicapés marocains tous titulaires d’un diplôme d’études supérieures équivalent à la licence au moins. Nous sommes au chômage pour certains depuis 1988. Toutes nos démarches individuelles ont échoué ce qui nous a contraint à nous regrouper. Nous sommes allés rencontrer en février 2000 le secrétaire d’état marocain chargé des handicapés, mais cet entretien n’a pas abouti ».
A partir de ce jour, ceux qui se font appeler le groupe des « handicapés- licenciés- chômeurs » ont entamé une série de sit-in, marches et manifestations. Pas moins de 28 actions ont été menées devant les administrations concernées (Premier ministre, ministère de l’emploi et de la formation, ministère des droits de l’homme, ministère des droits des femmes, de la protection de la famille et de l’enfance et des personnes handicapées, Parlement, etc)
Selon des sources non gouvernementales (Ligue Internationale des Droits de l’Homme notamment), certaines de ces manifestations ont été violemment réprimées par la police marocaine. La chaîne de télévision américaine ABC rapportait le 19 décembre 2000 que lors d’une marche organisée par ce groupe de handicapés trois manifestants avaient été blessés, des témoins affirmant en avoir vu six autres être interpellés par les forces de police. Par ailleurs, les « handicapés- licenciés- chômeurs » nous ont affirmé avoir été emmenés de force dans un asile psychiatrique à l’occasion de manifestations et cela à plusieurs reprises.
Ils déplorent le manque d’empressement du gouvernement à résoudre leurs difficultés : « Des promesses de solutions nous ont été faites par plusieurs ministres mais pour l’instant rien n’a bougé » affirment- ils. « Aucune loi contraignante pour l’emploi des personnes handicapées dans le secteur privé n’existe au Maroc. De plus, les employeurs marocains que nous avons contacté craignent que l’embauche d’une personne handicapée ne soit pas rentable, [le taux de chômage s’élève à 22% de la population active avec une part non négligeable de jeunes diplômés de l’université NDLR]. En revanche la constitution marocaine et son article 13 et la loi de juillet 1992 légitiment notre combat pour notre recrutement dans le secteur public ». Qu’allez- vous faire maintenant ? « Nous n’avons plus rien à perdre et nous préparons l’action ultime : dans les plus brefs délais, nous entamerons une grève de la faim collective et illimitée ».
Les « handicapés-licenciés-chômeurs » semblent déterminés et prêts à aller jusqu’au bout. Ils lancent cet appel pressant, d’une part aux associations de handicapés, aux Organisations Non Gouvernementales et aux gouvernements « aidez- nous moralement et matériellement », et d’autre part, à la presse internationale « s’il vous plaît, parlez de notre combat ! »
Abder Ragui, février 2001.
NB: Nous avons sollicité le point de vue du gouvernement marocain via l’ambassade du Maroc à Paris. Après de multiples renvois dans ses différents services, nos interlocuteurs ont fini par nous demander d’écrire au ministre tout en précisant qu’ils ne pouvaient garantir de réponse…