Le judo est un sport de combat d’origine japonaise se pratiquant à mains nues, le but du combat consistant à immobiliser ou à faire tomber l’adversaire en utilisant des prises visant à le déséquilibrer. Il a été créé vers 1880 par Jigorokano et emprunte de nombreux éléments à l’art martial du Jiu- jitsu. Le judo handisport est pratiqué par les malvoyants et les handicapés physiques mais avec des règlements différents. Les déficients visuels doivent avoir une acuité visuelle inférieure à 6/60ème au meilleur oeil avec correction, ou un champ visuel inférieur à 20°. Ils s’expriment en « loisir » ou en compétition. Celles-ci sont organisées pour garçons et filles de tous âges, depuis le degré national jusqu’au plus haut niveau international : le judo pour déficients visuels est une discipline des Jeux Paralympiques. C’est le même sport que celui des valides qui est pratiqué ; seules des adaptations d’arbitrage sont mises en oeuvre pour les rencontres spécifiques. Les grades sont les mêmes que ceux des valides.
Les handicapés physiques (amputés en fonction du niveau d’amputation, hémiplégiques, infirmes moteur d’origine cérébrale, paraplégiques) pratiquent en « loisir » un judo différent. La finalité de la pratique est, pour eux, axée sur la maîtrise technique qui débouche sur la self défense. Des rencontres techniques sous forme de challenges régionaux commencent toutefois à se mettre en place.
Judo et handicap visuel. Les déficients visuels sont classés en trois groupes (B1 à B3) qui combattent ensemble pour le moment. Il faut savoir qu’un B2 par rapport à un B1 (aveugle) perçoit seulement la lumière et que le B3 perçoit ce qu’un voyant peut discerner derrière un verre cathédrale épais, ou ne possède qu’une vision tubulaire qui perturbe considérablement l’orientation spatiale.
De nombreux clubs reçoivent des malvoyants dans leurs cours. Après une période d’adaptation, les enseignants s’aperçoivent très vite de la richesse que représentent ces judokas pour leur enseignement auprès des valides. La confrontation d’un non- voyant avec un judoka les yeux bandés remet en cause bien des a priori, le handicap est souvent inversé, les possibilités de progression sont étonnantes. La perception des techniques est différente chez les aveugles, par l’exploration tactile des différentes contractions musculaires qui concourent à telle ou telle technique. Les exigences pour les passages de grade sont les mêmes pour tous. Ceci veut dire que la ceinture noire d’un aveugle vaut celle d’un voyant. Ces dispositions sont réglées par un protocole d’accord entre la Fédération Française Handisport et la Fédération Française de Judo, Jiu- Jitsu, Kendo et Disciplines Associées.
Les compétitions spécifiques pour handicapés visuels. Ce sont les règles de la Fédération Internationale de Judo qui sont appliquées, avec quelques adaptations. Au début et à chaque arrêt de combat, les deux judokas se tiennent le kimono pour se situer, puis se lâchent et attendent le signal de l’arbitre pour commencer le combat. Il est interdit de reculer avant de prendre la garde, ce qui est considéré comme un refus de combat. L’arbitre annonce les valeurs de chaque avantage ou sanction afin que les combattants soient clairement informés.
Les combattants ont des appuis plus bas, les genoux très fléchis. Ils recherchent une descente du centre de gravité qui traduit une position de jambes plus écartées et un bassin en retrait. Ce judo est très tonique, la garde joue un rôle primordial. Les judokas assurent leur prise informationnelle avec la saisie du kimono, leurs bras servant d’antennes. Le contact proche est à la fois recherché (le corps se solidarise à celui de l’adversaire, ce qui améliore la stabilité et permet l’action en contre), et craint car cela rend vulnérable. Les aspects tactico- techniques sont assez différents de ceux utilisés par les voyants. En effet, certaines tactiques utilisées par les voyants (sorties de tapis, rupture de garde) ne le sont pas chez les aveugles : leur combat est plus orienté vers l’offensive.
Sébastien Le Meaux, médaillé d’argent lors des Jeux Paralympiques de Sydney: « j’ai commence le judo à l’age de 5 ans (ma maladie s’est déclarée après mes 17 ans), j’étais alors un enfant assez turbulent et le judo avait pour réputation d’apaiser et de canaliser l’énergie; c’est donc tout naturellement que mes parents m’ont orienté vers ce sport. C’est lui qui m’a permis de sortir du « trou », cette période noire que rencontrent toutes les personnes handicapées; le judo m’a fait reprendre confiance en moi et aller à nouveau vers les autres. Au début, j’ai du réadapter mon judo afin de retrouver les meilleures sensations possibles: c’est un sport tactile, l’adaptation n’a pas été trop difficile. L’avantage sur un tatami, c’est que nous sommes à égalité avec les autres judokas, on peut s’exprimer, et vu de l’extérieur, les spectateurs comme les judokas, en oublient que nous sommes malvoyants. Le judo m’apporte une bonne hygiène de vie mais aussi des valeurs morales indispensables à la pratique de notre sport : ceinture noire sur le tatami, ceinture noire dans la vie. La compétition m’aura permis de connaître et de dépasser mes limites mais aussi de développer une combativité aussi importante sur les tatamis que dans la vie quotidienne; sans oublier d’avoir pu réaliser mes rêves de médaille olympique ! »
Pour en savoir plus : La Fédération française de judo présentant un site aussi hideux qu’institutionnel, on lui préfèrera celui de la Fédération Française Handisport (fiche Judo) et surtout celui, beaucoup plus esthétique et complet, de Gérald Rollo (médaillé de Bronze à Sydney) qui propose notamment une histoire du judo et son règlement officiel. Les seuls clubs présents pour l’instant sur le Web sont celui de Nantes et de Marquette Lez Lille (59).
Jacques Vernes, novembre 2001.