Samedi 9 décembre 2000, alors que le Téléthon occupe encore la une de l’actualité, un événement « historique » se joue dans la discrétion feutrée des salles de l’Assemblée Nationale, avec la création du premier parti politique fondé en France autour des revendications des personnes handicapées : le Collectif des Démocrates Handicapés (CDH). Près d’une centaine de militants, handicapés moteurs, aveugles, myopathes, sourds, handicapés psychiques, parents, accompagnants, se sont donné rendez- vous pour le congrès fondateur, après une année d’échanges virtuels sur le net, dans le cadre d’une liste de diffusion.
« Nous sommes la plus grande minorité en Europe, avec 60 millions d’Eurocitoyens, et en France avec 5 millions de Français. Nos revendications valent bien celles des chasseurs ou des écolos », introduit Jean- Christophe Parisot, myopathe, président du CDH. Ce dernier ne se veut pas un parti protestataire, « un groupuscule d’excités qui fuient en avant », mais un mouvement démocratique qui souhaite convaincre par la raison et s’il le faut par la sanction. Pour ce faire, il s’est structuré en onze fédérations régionales avec des correspondants en Belgique et au Canada, s’est doté de statuts, d’un bureau politique de douze membres, d’un logo soulignant son enracinement européen et a décidé de se constituer en véritable parti avec un programme en 100 points. Parmi les principales revendications : l’application immédiate pour la fonction publique des lois sur l’embauche des personnes handicapées dans le secteur privé, l’indexation de l’AAH sur le SMIC assortie d’un plan de rattrapage du retard accumulé depuis quinze ans, le doublement des heures de tierce- personne pour sortir de l’enfermement de la dépendance, la création en urgence d’une commission d’enquête parlementaire sur la maltraitance des personnes handicapées mentales, la budgétisation d’un plan d’adaptation des transports et des lieux publics, une politique d’intégration scolaire et universitaire audacieuse des jeunes handicapés, avec notamment la reconnaissance de la Langue des signes, du braille et la mise en place d’une réglementation nationale sur les examens.
« Vote utile ». Dès les municipales de 2001, le CDH entend présenter un candidat sur des listes allant de la gauche plurielle à la droite républicaine dans une quarantaine de villes afin de figurer sur celle qui prendra en compte leurs propositions. Mais il voit plus loin en espérant réunir pour les législatives les 50 candidats qui lui permettraient d’obtenir les financements publics. Quant à une éventuelle candidature à la Présidentielle, Jean- Christophe Parisot ne réfute pas cette possibilité, indiquant qu’elle donnerait lieu à un congrès spécial du CDH. En attendant, plusieurs maires se seraient déjà manifestés auprès du mouvement pour accueillir ses candidats, tandis que de nombreux particuliers ont manifesté leur adhésion, en invoquant le « vote utile ». Cependant, certains posent déjà le problème de la couleur politique du mouvement quand les membres de son bureau affirment qu’il faut « mettre de côté la rose et la croix de Lorraine » et évoquent les grandes heures de la Résistance pour illustrer une situation où les sensibilités politiques seraient dépassées par l’urgence et l’importance du combat. A une autre époque, les écologistes avaient été victimes de cette même question. « Pour ce qui nous concerne, je crois pouvoir affirmer qu’elle ne nous séparera pas », répond Marc Gonzalves, secrétaire national du CDH.
Emmanuel Benaben, décembre 2000
Voici la composition du Bureau du CDH tel qu’il se présente officiellement : Président Jean- Christophe Parisot, myopathe; Vice présidents Gilles Besson, aveugle, Maurice Hayard, sourd, Jean- Pierre Picaud, handicapé physique et père d’un enfant tétraplégique; Secrétaire national Marc Gonzalves, père d’un enfant autiste; Secrétaire national adjoint Anne Gravet, handicapée atteinte d’une sclérose en plaques; Trésorier Carlos Boursier, handicapé moteur.