L’état des lieux pointe tout d’abord un manque ou une difficulté à trouver une information structurée et objective sur les aides techniques. Il met en avant le risque de se retrouver en contact direct avec le fabricant et/ou le distributeur orientant l’utilisateur vers ses propres solutions. C’est par ailleurs la raison même de la création d’Hacavie qui a été fondée afin d’être le maillon manquant entre la personne et le revendeur de matériel médical, dont les intérêts divergent.
Le rapport mentionne néanmoins les initiatives déjà en place dénuées d’intérêts commerciaux (Handicat, Cerathec, APF Lab – le Hub, Certam). Il cite également le risque d’interruption ou de manque de mise à jour de ces services, le manque de visibilité ou de reconnaissance ainsi que l’absence de certaines catégories de produits non couverts ou incomplets, comme les besoins cognitifs ou auditifs. Mais qu’en est-il du soutien que pourrait apporter l’État à ces initiatives, tant en termes financiers pour assurer leur stabilité évitant toute interruption, qu’en terme de communication pour améliorer leur visibilité ?
Le rapport met donc en avant la nécessité absolue d’une information complète et objective s’appuyant sur l’existant et allant plus loin qu’une simple base de connaissance partagée. Il met en évidence le besoin de centres de ressources experts de niveau régional et national, clairement identifiés, afin de pouvoir guider la personne dans sa recherche, mais aussi les équipes d’accompagnement (Les Centres d’Information et de Conseil sur les Aides Techniques étant cités en exemple).
Le deuxième constat majeur pointe le manque d’accompagnement des personnes âgées et/ou souffrant de handicap dans la recherche, le choix et l’essai de la bonne aide technique au risque de se retrouver avec un matériel inutile, inadapté ou même dangereux. La personne doit pouvoir être accompagnée dans son choix d’aide technique par des spécialistes de ce domaine sans forcément passer par leur médecin traitant, dont la connaissance des aides techniques n’est souvent pas leur compétence première. Il est donc évoqué la possibilité d’étendre le droit de prescription des aides techniques aux ergothérapeutes exerçant dans des structures collectives et pluridisciplinaires. Il est également cité le besoin de formation spécifique pour les professionnels du secteur ainsi que la nécessité d’avoir des équipes d’accompagnement locales sur la base d’un cahier des charges précis et des crédits pérennes.
Le dernier point majeur concerne le financement des aides techniques, l’organisation actuelle est mise en défaut à cause de pratique disparates (financement par la Sécurité Sociale et/ou la Maison Départementale des Personnes Handicapées selon les circonstances, catégories d’aides techniques non prises en charge, location et recyclage non couverts…). Il est donc suggéré d’étendre largement la prise en charge par la Sécurité Sociale dans le cadre du remboursement LPPR à de nouvelles catégories d’aides techniques, en commençant par les aides à la toilette (dans le cadre du 5e risque Autonomie en cours de création ?), de réserver l’appel au département (MDPH, Conseils Départementaux) aux dossiers les plus complexes (aide technique rare, nouveautés, besoin spécifique…) et d’évoluer vers une notion de financement basé sur l’usage plutôt que l’achat, afin de pérenniser des alternatives à l’achat de matériel neuf tels que la location ou le rachat d’aides techniques remises en état.
Enfin, sans entrer dans les détails, le rapport insiste sur le besoin d’un niveau d’exigence concernant les distributeurs d’aides techniques ou de services assimilés par le biais d’une certification assurant un niveau de qualité minimal que ce soit en matière d’information de leur clientèle, de service après-vente et de formations. Cette certification serait obligatoire pour obtenir le financement d’une aide technique que ce soit par l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) ou la PCH (Prestation de Compensation du Handicap), permettrait d’harmoniser les pratiques du secteur et d’améliorer la qualité générale de service.
Pour conclure, il est à noter que ce rapport s’appuie énormément sur les pratiques actuelles en France mais s’inspire aussi des pratiques modélisées à l’étranger, tout particulièrement celles décrites par l’Association for the Advancement of Assistive Technology in Europe (AAATE) et le réseau Eastin (Réseau Global d’Information sur les Aides Techniques) dont Hacavie est un membre majeur pour sa base de données Handicat, et aussi par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Le Comité Interministériel du Handicap du 16 novembre dernier présente ainsi la remise du rapport sur les aides techniques du docteur Philippe Denormandie : « Dès 2021, une expérimentation sera mise en place pour renforcer l’évaluation des besoins et l’accompagnement des personnes dans les territoires, afin de permettre aux personnes de disposer des aides techniques les plus adaptées à leurs besoins et à leur projet de vie, et de bénéficier d’une formation à leur utilisation. En parallèle, un protocole de coopération sera mis en place pour permettre la prescription des aides techniques par les ergothérapeutes ; la seconde étape visera à faire évoluer les nomenclatures pour réduire les restes à charge et mieux prendre en compte l’innovation, en commençant par l’ouverture prochaine de la concertation sur les fauteuils roulants dans la suite des dispositions de la LFSS 2020. Un pilotage national confié à Philippe Denormandie et associant toutes les administrations concernées est mis en place afin de s’assurer de l’avancée de l’ensemble des mesures portées dans le rapport. » Les recommandations faites dans le rapport devraient donc avoir une application concrète. A voir comment elles seront transcrites dans le cadre la loi, et après assujettissement aux contraintes budgétaires.
Yann Bertel, Cicat Hacavie, décembre 2020.