Quand un salarié du secteur privé devient inapte à son poste de travail, il est le plus souvent licencié. Dans le secteur public, la situation est bien différente grâce au statut protecteur de la fonction publique. Là, les agents sont bien plus souvent reclassés, même si des conditions strictes sont à respecter : c’est le médecin du travail qui prononce l’inaptitude, les restrictions ou l’inaptitude à certaines missions, et déclenche la procédure de reclassement qui doit aboutir en un temps limité. « Il est difficile de trouver un poste dans le délai imparti de trois mois, précise Maylis Boxberger, référente handicap au Centre Hospitalier Sainte-Anne (Paris 14e). Cela nécessite de travailler avec la direction des ressources humaines et le référent handicap. L’agent doit être en poste pour réaliser le reclassement, il ne peut pas être en maladie ou en formation. » Dans cet hôpital membre d’un groupement hospitalier de territoire (GHT) qui gère en commun les ressources humaines de plusieurs établissements, les personnels de santé (agent de service hospitalier, aide-soignant, infirmier) devenus inaptes sont systématiquement reclassés s’ils le souhaitent. Maylis Boxberger s’appuie également sur une convention avec le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, qui cofinance : « Le FIPHFP est vraiment un atout, on se rencontre entre référents handicap d’autres établissements ». Ces échanges assurent la diffusion des expériences et bonnes pratiques, et permettent d’identifier les difficultés à traiter.
« Chaque mois, le service social, la direction, le référent formation et le référent handicap se réunissent en Commission de Gestion Individualisée des Personnels (COGIP), reprend Maylis Boxberger. L’agent est informé, la commission délibère avec le médecin du travail. On fait la proposition d’un bilan de compétences pour évaluer les restrictions fines, avec des conclusions partagées entre la direction des ressources humaines et l’agent. » La démarche de reclassement comporte des journées découverte pour que les agents concernés testent l’emploi qu’ils souhaitent occuper : « On fait un essai, avec des bilans réguliers, le reclassement s’effectue sur un poste vacant, ajoute Maylis Boxberger. Le reclassement concerne tous les agents, qu’ils soient titulaires au statut fonction public ou contractuel de la fonction publique. Il y a deux possibilités, le reclassement professionnel avec des aménagements, ou un reclassement dans un emploi administratif. Là, il est nécessaire de faire le deuil de son métier, en travaillant avec un psychologue. » L’agent peut également suivre une formation professionnelle longue, jusqu’à deux ans, avec maintien de rémunération.
Une situation qu’a vécue Yannick Péché, alors éducateur de jeunes enfants dans le service d’urgence pédopsychiatrique : « J’ai subi en 2016 une fracture de deux vertèbres lombaires pendant une journée de travail, consécutive à des fêlures apparues au fil du temps. J’ai été arrêté pendant un mois et j’ai repris avec de vives douleurs. Le médecin du travail m’a déclaré inapte, je ne pouvais plus me baisser, porter des enfants, conduire des activités avec eux. » Après six années d’expérience dans ce métier et à l’âge 32 ans, Yannick Péché avait trois solutions : basculer en invalidité, démissionner pour faire autre chose, ou se reclasser en milieu hospitalier. Il a choisi cette dernière possibilité, reprenant des études pour devenir assistant de service social. « Je suis entré en formation continue sur deux ans, en dehors du cursus universitaire, directement en deuxième année grâce à la validation de mon expérience professionnelle. J’avais commencé à y penser après une consultation de mon médecin généraliste qui m’avait dit que je ne pourrais pas poursuivre ce travail. Je me suis renseigné sur ce que je pouvais faire pour me reclasser le plus tôt possible dans l’hôpital. » Cela a quand même pris six mois d’arrêt de travail suivi de six autres dans un poste administratif, avant d’entrer en formation en septembre 2017. « Ça s’est plutôt bien passé, même si c’est mon second choix de carrière, poursuit Yannick Péché. L’hôpital a promis un poste à la fin de la formation, je sais qu’il y a des postes de libre. » Il apprécie ce parcours de reclassement plutôt fluide : « Au positif, j’ai eu la formation que je souhaitais dans le délai que je voulais, malgré une décision un peu longue à se dessiner pour le financement. Le gros des formalités était assuré par la référente handicap, Maylis Boxberger. Et être en emploi a aidé à accélérer le processus. Au négatif il n’y a pas vraiment grand-chose, juste une galère de médecins pour obtenir les arrêts de travail. »
Autre reclassement tout récent, celui de Krystelle Silene, qui était aide-soignante depuis 2007, dans un service de stérilisations des matériels médicaux : « Je suis restée près d’un an en arrêt de travail pour des douleurs à l’épaule. Lors de la visite de reprise, le médecin du travail a limité à six kilos le port de charges, puis à quatre kilos après une évaluation sur mon lieu de travail. » Elle ne pouvait plus travailler comme aide-soignante et a souhaité se reconvertir dans l’administratif, accompagnée par la référente handicap, notamment pour se faire reconnaître travailleur handicapé par la Maison Départementale des Personnes Handicapées. « Maylis Boxberger et un psychologue m’ont accompagnée en phase de début de reclassement, pour aboutir à une orientation sur un poste d’adjoint administratif. » Elle est formée dans l’emploi par ses collègues, répond au téléphone, gère les plannings, traite le courrier, et va également bénéficier pendant six mois de journées de formation professionnelle. « C’est énormément positif, conclut Krystelle Silene. Je suis tombée sur une équipe de travail qui voulait quelqu’un dans ma situation, ça se passe très bien. Mon ancien poste d’aide-soignante n’a pas été bloqué et il a été pourvu rapidement, c’est positif pour tout le monde. »
Yanous.com en partenariat avec le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), septembre 2018.