Lahanissa Madi est native des Ardennes et c’est le choix d’une filière estudiantine qui la conduit à Villeneuve d’Ascq, ville nouvelle de 70.000 habitants issue de la fusion, en 1970, des communes d’Annappes, Ascq et Flers- lez- Lille. Connue pour son Musée d’art moderne, l’agglomération est également un Centre universitaire. C’est dans sa faculté de Droit que Lahanissa Madi a choisi d’étudier en 1980; la ville lui a plu, elle s’y est installée. Elle est mère d’une fillette de 10 ans et travaille à mi- temps comme clerc de notaire : « Je suis entrée en politique à la demande du maire, parce qu’il cherchait une femme handicapée résidant dans un quartier précis »…
« Je ne suis pas une militante, je ne participe pas aux activités d’un parti politique, j’ai été candidate en tant que personnalité sur la liste du Mouvement des citoyens [devenu en 2002 Pole Républicain puis Mouvement Républicain et Citoyen en 2003 NDLR]. Ce qui compte pour moi, c’est d’aider les autres dans l’amélioration de leurs conditions de vie, ce qui me semble indépendant du groupe politique auquel on appartient ».
Au sein du Conseil Municipal, Lahanissa Madi détient la Délégation « Amélioration des conditions de vie des personnes à mobilité réduite ». Outre les personnes handicapées, son action concerne les personnes âgées, les parents d’enfants en bas âge, etc. : « Je ne voulais pas me cantonner uniquement au handicap. Je pilote des projets concernant la voirie et les locaux publics, la sensibilisation à l’emploi dans des entreprises locales. Je suis également à l’écoute des demandes des gens : j’ai vécu quasiment tout le temps en milieu ordinaire et je ne savais pas que les personnes handicapées pouvaient rencontrer autant de difficultés, tant en matière de démarches administratives que d’emploi ou de logement. Beaucoup sont désorientées et c’est pour cela que je souhaite créer un guichet unique d’information disposant de toutes les ressources nécessaires pour orienter, conseiller et aider ». Lahanissa Madi définit sa mission comme un soutien aux demandes des personnes, pas comme un assistanat.
Trouver du travail ne lui a pas été facile: « Un notaire a fait l’effort de casser les portes de son étude, d’aménager les locaux et leurs abords, et c’est pour cela que je travaille depuis quinze ans dans une Société Civile Professionnelle. Sur les trois notaires, deux étaient réticents, le troisième associé les a convaincus et au bout de deux ans ils m’ont dit ‘vous savez, on n’était pas très chauds’ ! Leur regard sur les personnes handicapées avait changé, ils n’imaginaient pas auparavant que l’on puisse être handicapé et utile à la société ». Professionnellement, Lahanissa Madi a dû également surmonter un préjugé « ethnique » qui ne lui a pas été opposé dans son activité publique: « sur les 49 élus, 10 sont originaires d’un pays étranger; c’est une volonté de la ville que de représenter tous ses citoyens ».
Si Villeneuve d’Ascq est une ville facile à vivre, accessible aux personnes handicapées du fait de sa conception, les équipements vieillissent et des points noirs subsistent : « j’ai fait en sorte, depuis mon élection à la municipalité, que tous les bureaux de vote soient mis en accessibilité pour les personnes en fauteuil roulant, isoloirs compris. La voirie doit être restaurée, l’accès à certains services publics est à améliorer. Des logements aménagés n’étaient disponibles que dans quelques quartiers alors que la ville est très étendue; nous créons maintenant des appartements spécifiques dans tous les quartiers. La formation d’une partie du personnel municipal à la Langue des Signes Française est projetée. Dans les services municipaux, le réflexe de penser aux besoins spécifiques des personnes handicapées est acquis; il y a une écoute, des échanges, je ne suis pas toute seule à travailler pour cela ».
Pour en arriver là, Lahanissa Madi a dû encore faire changer le regard: « après mon élection, il m’a semblé que les autres élus ne s’attendaient pas à côtoyer une conseillère municipale handicapée qui ait un rôle actif. Quand les choses ne se sont pas déroulées comme je le souhaitais, peut- être parce que débutant en politique je me faisais trop d’illusions, je suis allée trouver le Maire pour lui dire que je n’étais pas une image à véhiculer, que je voulais être crédible et efficace au service des citoyens qui m’avaient élue et qu’il devait me donner les moyens de travailler. Depuis, je dispose d’un chargé de mission, j’ai toutes les conditions requises pour travailler et les élus sont à l’écoute ! »…
Lahanissa Madi ne se voit guère briguer un autre mandat électif, que ce soit au Conseil Général ou à l’Assemblée Nationale. Parce que ce qui l’intéresse, c’est d’être une élue utile, de terrain, au service des autres, loin des palabres et des débats politiciens.
Laurent Lejard, mars 2003.