Il aurait pu être un homme politique sans histoire, alliant à la fois le travail de terrain et une participation aux instances de son parti, l’U.M.P (Union pour un mouvement populaire). Mais en 2000 un magazine spécialisé « oute » l’homosexualité de Jean- Luc Romero qui, deux ans plus tard, rend publique la séropositivité avec laquelle il vit depuis près d’une vingtaine d’années: « Il n’y a pas eu de conséquence négative pour ce qui concerne mes activités politiques. L’U.M.P m’a même confié la fonction de Secrétaire National chargé de la lutte contre le Sida et les comportements à risques ». Jean- Luc Romero rappelle toutefois que la discrimination touche les personnes séropositives, lors de la recherche d’un emploi par exemple, évoquant une enquête réalisée par l’association Aides et dans laquelle 100% des recruteurs refuseraient un sidéen! « Les discriminations sont plus compliquées à mettre en oeuvre envers un homme public: en pratique, on n’ose pas lui dire les choses en face. Avant que je révèle ma séropositivité, j’entendais régulièrement des propos qui m’étaient désagréables; depuis, les gens n’osent plus ». La décision de la révélation a été longue à prendre; elle est venue à la suite d’un congrès durant lequel un magistrat homosexuel et séropositif s’est publiquement « outé ». « Avant, on a peur des conséquences que l’on suppose. Après, il n’est plus possible d’utiliser la maladie comme un prétexte »…
Jean-Luc Romero a créé en 1995 l’association Elus locaux contre le Sida tout en restant prisonnier d’une contradiction: « J’affirmais publiquement que le Sida n’est pas une maladie taboue alors que je refusais d’annoncer ma séropositivité ». Il estime que son « outing », qui n’était pas souhaité par son entourage, a fait tomber aux yeux des autres le fantasme et le tabou. « Pour beaucoup de gens, le Sida ne permet pas d’avoir une vie affective et sociale normale. L’annoncer publiquement fait changer le regard ». Tout en demeurant difficile à vivre: « Lorsqu’une poussée d’herpès me met la lèvre en sang, on ne vient pas spontanément m’embrasser. Je connais également des périodes d’extrême fatigue, des diarrhées subites, je suis sous traitement médicamenteux lourd. Cela me fait me battre sur la question de la place du malade dans la Cité, alors même que le mi- temps thérapeutique n’est utilisable qu’une fois. On est confronté à l’allongement de la durée de vie des séropositifs, sans solution évidente actuellement ».
Si la révélation de Jean-Luc Romero a été bien accueillie au sein de l’Etat- major de l’U.M.P, il en va différemment des militants. « Encore récemment, j’ai reçu un courrier d’une adhérente me rendant responsable de la mort de son fils et me rendant sa carte. Entre le discours et le moment où on est personnellement concerné, le comportement change. Voyez la Corse: ces deux départements sont les plus touchés en France alors qu’officiellement il n’y a pas de cas de Sida là- bas ! »
« Je ne me sens pas différents des personnes séronégatives. Il y a une vraie réflexion à avoir sur l’infection V.I.H et la sérophobie. Parce que voir vivre un Sidéen entraîne la tolérance ».
Laurent Lejard, octobre 2003.