Stéphane von Gastrow est depuis avril 2001 adjoint au Maire du 20e arrondissement de Paris. Il a fait partie de la coalition rose- rouge- verte qui a déboulonné la droite qui régnait en maîtresse au Conseil de Paris depuis l’après- guerre. Comme il est généralement de règle, Stéphane von Gastrow, non- voyant, s’est vu confier la délégation aux personnes handicapées. S’y sont ajoutées par la suite la présidence de deux conseils de quartiers et d’une commission égalité femmes/ hommes : « L’expérience que j’ai acquise avec la délégation aux personnes handicapées m’a servi pour mes autres responsabilités ».
Stéphane von Gastrow a été voyant, sa cécité est apparue progressivement, du fait d’une rétinite pigmentaire. Il est aveugle depuis trois ans. Il est inspecteur des impôts, après avoir suivi des études de droit et d’histoire : « Ma formation professionnelle a été difficile à acquérir, la direction du service dans lequel je travaillais était complètement désemparée par ma déficience visuelle et les besoins particuliers qu’elle nécessitait. Heureusement, la cellule Handicaps du Ministère de l’économie et des finances avait été créée et commençait à oeuvrer ». Stéphane se syndique à la C.F.D.T, dans la continuité des idées qui l’avaient séduit lors de ses études à la faculté de Paris- Assas : « J’avais adhéré à un syndicat autogestionnaire. Le climat était difficile, un groupuscule d’extrême- droite, le GUD, faisait encore régner sa loi dans la fac »…
En 1998, le débat parlementaire sur le Pacte civil de solidarité (Pacs) conduit Stéphane a s’engager dans l’action politique, piqué au vif par l’attitude des députés socialistes lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée Nationale : en désertant l’hémicycle, le vendredi 9 octobre 1998, ils offrent à la droite une majorité de circonstance qui lui permet de voter une exception d’irrecevabilité constitutionnelle. « J’ai eu un sentiment de colère et d’impuissance ». Un an plus tard, le Pacs sera adopté par le Parlement au terme d’un long débat national et deviendra applicable : « Je me suis investi dans ce combat, au sein des Verts qui étaient plus sensible à cet aspect de l’évolution de la société. Rétrospectivement, je constate qu’on commence par des choses calamiteuses avant d’avoir un débat de fond; en France, on a tendance à faire passionnel. Je suis entré chez Les Verts en 1999; la campagne de Daniel Cohn- Bendit lors des élections européennes avait créé une dynamique, on sentait qu’il fallait un changement de politique à Paris ».
Stéphane von Gastrow dresse un bilan assez positif de trois années de mandat, même s’il déplore que la plupart des décisions touchant la vie des personnes handicapées soient prises par la Mairie centrale : « Je travaille avec l’espace échange handicap 20e, qui regroupe des associations et quelques personnes actives, environ une quinzaine. La plupart des associations participent, il y a peu de réticences. Pourtant, le handicap est un sujet politique : comment conçoit-on la cité ? Pour moi, il faut soigner l’environnement en intégrant la diversité. Par exemple, Paris laisse davantage de place aux transports en commun et aux ‘circulations douces’ dont les personnes handicapées profitent. Le danger serait de se contenter d’un service de transport spécialisé (Paris Accompagnement Mobilité) pour ne pas mettre les autres services de transport en commun en accessibilité. Je ressens des obstacles dans mon action, le poids des habitudes. J’ai voulu améliorer l’accès à la Mairie d’arrondissement, les services techniques ont proposé un ascenseur ‘a minima’ que seules les personnes handicapées devaient emprunter. J’ai fait comprendre que cet équipement bénéficierait à tout le monde ». Parmi les projets que Stéphane von Gastrow veut conduire à bien, on trouve une grande médiathèque (pour laquelle il veut apporter une attention particulière à l’usage que pourront en avoir les personnes handicapées) et un service d’aide et de portage culturel à domicile.
Stéphane von Gastrow célèbre également des mariages, comme tous les adjoints, sans que les futurs époux sachent que l’officier d’état civil qui les unit est aveugle : « Quand j’arrive avec ma canne blanche, ça fait de l’effet et c’est très positif. Les promis choisissent rarement l’élu qui les mariera, la surprise est totale : l’huissier annonce ‘Monsieur le Maire’; j’entre, j’ai mes notes en braille, je fais attention de bien écrire les noms des conjoints. Et il y a toujours un assistant pour gérer ce qu’il faut, les signatures notamment ».
Mais Stéphane s’interroge sur son avenir politique : « La vie municipale prend du temps, je travaille à 80%. Je veux également préserver ma vie de couple. Et les partis politiques sont sélectifs quand ils doivent présenter un candidat à certaines élections, privilégiant le genre ‘quinquagénaire moustachu’. Il est nécessaire de convaincre, de faire comprendre que la diversité est un élément de l’action politique. Et qu’il faut être actif pour dépasser l’alibi ».
Laurent Lejard, juin 2004.