Lionel Deschamps vit en Normandie, dans un village du Cotentin. A presque 70 ans, il est à la fois comblé d’honneurs et désabusé. Sa vie, il l’a passée au service de la jeunesse, en créant et administrant des Maisons des Jeunes et de la Culture, et en les fédérant. Ses quarante années de bénévolat associatif lui ont valu la Légion d’Honneur. Il a également reçu la Médaille d’or de la Jeunesse et des Sports, a été fait chevalier des Palmes Académiques et Chevalier de l’Ordre National du Mérite… Encore jeune homme, il a rejoint le Parti Communiste Français, en 1958. Il en fut un militant fidèle, jusqu’à sa longue hospitalisation entre 1987 et 1989 du fait d’un syndrome de Guillain- Barré, atteinte des nerfs qui peut entraîner un lourd handicap moteur. Il était alors conseiller municipal d’opposition dans une petite commune de l’Essonne : « Durant les deux années que j’ai passées à l’hôpital, aucun de mes camarades n’est venu me voir. Dès ma sortie, j’ai quitté le Parti Communiste et j’ai adhéré au Parti socialiste ». La rééducation ne lui redonnera pas la marche, il est devenu tétraplégique et devra se déplacer en fauteuil roulant électrique. Il n’en poursuit pas moins des activités bénévoles, fondant avec l’ancien ministre des anciens combattants Jean Laurain, l’association Handicap et Communication. Actuellement, il préside l’association Handicap solidarité et Citoyenneté qui prépare des Etats Généraux du handicap et de l’indépendance dans le département de la Manche pour octobre 2005.
Côté politique, ça s’est plutôt gâté : il s’était présenté dans l’Essonne sous étiquette associative lors des élections cantonales de 1992 et se retrouva opposé au maire socialiste de Dourdan, la sanction tomba, il fut exclu du P.S par son secrétaire départemental de l’époque, Jean- Luc Mélanchon, devenu entretemps Sénateur… et opposant à la ligne du Parti sur l’approbation du projet de Constitution Européenne. Lionel Deschamps a ensuite adhéré au Parti Radical de Gauche, qu’il envisage de quitter, désabusé par la politique : « Il y a ceux qui en croquent et ceux qui en crèvent ». Et il a peut-être de bonnes raisons de penser ainsi : candidat en troisième position d’une liste de gauche lors des élections régionales 2004, il a été victime de la fusion de l’entre- deux tours. « Il fallait placer en alternance un homme et une femme de chaque parti, je me suis retrouvé trop loin pour être élu. J’avais pourtant insisté pour me battre à la Région en faveur des personnes handicapées. J’en retire un grand mépris pour le monde du handicap. Il y a une différence entre les discours et les actes. Depuis son élection, j’ai écrit à quatre reprises au président socialiste du Conseil Régional de Basse- Normandie sans qu’il daigne me répondre ».
De son expérience en politique, Lionel Deschamps retire l’impression d’avoir été le « handicapé de service. On nous tolère, ça fait bien socialement. On n’est pas encore acceptés, même si on ne doit pas avoir de passe- droits. Mais les valides ne s’inquiètent pas de l’accessibilité d’une salle de réunion. Et après avoir été bloqué par un escalier, vous n’allez plus aux réunions. Personne ne venait me chercher, je crois que c’est de l’indifférence. C’est un grand désaveu du monde politique, la société n’est pas prête à accepter la différence. Il y a eu la loi de 1975, puis la loi de 2005 et on parle d’un délai de dix ans pour la mise en accessibilité des bâtiments publics : ça fera 40 ans d’attente au total ! Je peux vivre sans faire de la politique. Et regarder l’avenir, dans 50 ans on arrivera peut- être à vivre ensemble »…
Laurent Lejard, avril 2005.