Mathieu Chatelin est infirme moteur cérébral. Lycéen à Paris, il prépare un baccalauréat économique et social et souhaite se diriger par la suite vers des études de Droit. L’avocariat l’attire et c’est probablement ce qui l’a motivé à participer au Conseil Parisien de la Jeunesse (C.P.J) créé par la Municipalité en 2003. L’arrondissement dans lequel réside Mathieu pouvait y déléguer sept représentants et Mathieu a décidé de tenter sa chance, un peu intimidé : « J’ai préparé un discours, j’ai défendu ma candidature devant des jeunes dont la plupart avaient plus de 18 ans. J’ai argumenté sur l’utilité d’agir en faveur des personnes handicapées, de faire bouger les choses. A ma grande surprise, j’ai été élu ! ». Il venait de rejoindre les 108 autres membres du C.P.J qui se retrouvèrent face au Maire de Paris pour la séance inaugurale : « Ce jour-là, j’ai réalisé quelles étaient mes responsabilités ». Ce conseil s’inscrit dans la politique de démocratie participative voulue par Bertrand Delanoë après son élection en 2001. Ironie du sort, c’est sur le siège du précédent maire devenu simple conseiller municipal, Jean Tibéri, que Mathieu Chatelin s’est assis le 29 mars 2003 pour la première séance qui se déroulait dans la salle du Conseil de Paris. Une petite rampe a été installée pour l’occasion, elle est restée en place.
Mathieu avait déjà de l’expérience, il siégeait depuis 2001 dans le tout nouveau Conseil des jeunes du quatorzième arrondissement : « On a monté des actions de proximité, il fallait convaincre les élus de l’arrondissement pour qu’ils nous prennent au sérieux et nous donnent un budget. On a participé au carnaval de quartier, à la fête du vélo, à des initiatives locales. Le Conseil des jeunes édite un magazine diffusé dans les collèges, lycées et lieux d’activités; j’y ai écrit deux articles sur le handicap. Le Conseil s’est associé à des commémorations organisées par le Conseil d’Arrondissement, à l’opération café-capote, à une campagne de protection de l’environnement, on a donné de la visibilité aux jeunes, ça nous a rendu crédibles aux yeux des élus. Ça a pris du temps, je pense qu’on y est arrivé ».
Au sein du C.P.J, Mathieu a intégré la commission Discrimination, avec l’expérience acquise dans celle du Conseil des jeunes du 14e : « On a élaboré une campagne thématique avec des affiches sur le handicap, le dialogue avec les personnes sans-abri, le sexisme, l’homophobie. Des débats publics ont été organisés sur ces thèmes par le C.P.J. Là encore, il a fallu démontrer notre crédibilité. On a géré un budget annuel de 80.000€ en étant attentif à son utilisation ». Avec rigueur : au terme de la première année d’exercice, les conseillers ont renoncé aux cocktails organisés à la fin de chaque réunion quand ils ont constaté que les frais afférents étaient prélevés sur leur budget. « Il faut s’habituer au contact d’une municipalité dont le budget dépasse celui de certains pays d’Afrique; et dédramatiser ». Mathieu relativise : « Certains Parisiens croient que Paris c’est la France, alors que des Conseils de jeunes ont été créés auparavant dans d’autres villes. Il faut redescendre sur terre ! ».
« Participer à ces Conseils m’a appris à parler en public, à m’intéresser à des sujets diversifiés. Cela m’a apporté une meilleure connaissance de moi-même, de ce que j’étais capable de faire sur le plan scolaire et en dehors. Même si je pense que je n’ai pas apporté grand-chose, ça m’a appris ce qu’était la Ville de Paris, comme un mini-apprentissage de la citoyenneté. Je saurai à l’avenir comment se prennent les décisions, comment se déroule un débat démocratique. Le Conseil nous apprend qu’il n’y a pas que nos problèmes, qu’il faut échanger, faire coexister opinions et différences, pour rester tous sur le même bateau ». Un bateau à la barre duquel Mathieu Chatelin voudrait bien demeurer : les Conseils des Jeunes des différents arrondissements et le C.P.J vont renouveler leur membres et Mathieu espère bien rester parmi eux !
Laurent Lejard, octobre 2005.