A 45 ans, Manon Perreault est la deuxième parlementaire fédérale paraplégique dans l’Histoire du Canada. Elle siège à la Chambre des Communes, à Ottawa, depuis son élection le 2 mai 2011. « C’est une première pour le Québec, mais pas pour le Canada, confirme-t-elle. Il y avait déjà un député en fauteuil roulant, qui a été réélu ». C’est en effet le tétraplégique Steven Fletcher qui a dû affronter la mise en accessibilité du parlement fédéral d’Ottawa, dégageant en quelque sorte le chemin de Manon Perreault. Devenue paraplégique depuis une chute de cheval, en 1993, elle vivait alors à Sainte-Marie-Salomé, une commune située à une soixantaine de kilomètres au nord de Montréal, et travaillait pour des institutions financières. Impliquée dans des organisations locales, le maire de la commune l’a invité à rejoindre le conseil municipal auquel elle a participé de 2002 à 2009, jusqu’à son installation dans la commune voisine de Saint-Jacques de Montcalm. Avec une motivation humaniste, qui peut sembler idéaliste voire ingénue vue de France : « Quand on fait de la politique, c’est qu’on aime les gens, qu’on parle sur un coin de cuisine. Je veux agir pour que les habitants, dont les personnes handicapées ou âgées, aient un retour sur leurs impôts… Je fais de la politique parce que j’aime les gens. C’est la loi du gros bon sens : être au contact des gens est une grande partie du travail. »
Engagée dans la politique municipale, Manon Perreault s’est investie directement au niveau fédéral sans passer par le provincial. Elle a rejoint le Nouveau Parti Démocratique (NPD, équivalent local du Parti Socialiste Français), membre de l’Internationale Socialiste : « C’est la plate-forme du parti qui m’a choisi. Le NPD est tourné vers les gens, les familles, les personnes âgées, il a un esprit très humain. J’ai voulu le faire connaître au Québec, où il était méconnu. » Avec succès, puisque le NPD a suscité une « vague orange » qui en a fait le second parti politique du pays en nombre de suffrages et de députés lors de l’élection fédérale du 2 mai 2011, ce qui lui vaut l’honneur de former l’Opposition officielle aux Communes.
Mais ce contact humain, Manon Perreault ne le retrouve pas lorsqu’elle siège au Parlement d’Ottawa : « Il n’y a pas de proximité avec les gens au Fédéral, je les retrouve le week-end. La première fois qu’on entre à la Chambre des Communes, ça impressionne. Néanmoins, on aimerait que son point de vue soit mieux entendu… Il y a deux personnes handicapées aux Communes, je suis très contente de siéger alors que, dans les institutions financières, il n’y en avait pas. » Si l’accessibilité aux Communes est correcte, Manon Perreault y entre toutefois par l’arrière… Les portes sont lourdes à ouvrir, les toilettes accessibles étroites, et le tapis de la Chambre, très épais, est difficile à parcourir en fauteuil roulant. « J’y suis placée en bas, à cause des marches, alors que les nouveaux députés sont toujours installés en haut. La seule autre différence, c’est que je suis autorisée à parler depuis ma place, avec un micro accroché à mon veston. »
Manon Perreault est « Porte-parole pour les personnes vivant une limitation fonctionnelle », secteur dans lequel elle a travaillé, notamment pour l’organisation touristique Kéroul. Elle veut agir pour améliorer la vie quotidienne des personnes handicapées ou âgées dépendantes, un domaine où un gros travail a déjà été réalisé, estime-t-elle : « Il existe un service de transport adapté depuis plusieurs années au Québec, mais il demeure plus pratique d’avoir une voiture pour se déplacer. Il y a des gens qui travaillent pour améliorer ce transport adapté. Mais il est encore difficile d’obtenir des services pour des jeunes polyhandicapés, des camps de jour. J’oeuvre beaucoup à ce que les personnes handicapées puisse réintégrer le marché du travail sans être pénalisées ni perdre leurs aides si ça ne marche pas. Je pense que chaque personne doit avoir sa place dans la société, et je tiens à ce qu’il n’y ait plus de fossé entre les gens. »
Propos recueillis par Laurent Lejard, décembre 2011.
PS : le mandat de Manon Perreault a été entaché d’une exclusion de son parti pour méfait public, après avoir licencié une assistante en déposant une plainte infondée pour vol entrainant sa condamnation à une amende pénale. Privée du support d’un parti politique, Manon Perreault n’a recueilli qu’une poignée de voix en 2015 lors du vote pour sa réélection.